Au coeur de l’airternet
Forte de la toile logistique qu’elle a tissée à 12 000 mètres d’altitude, UPS a également boosté la technologie du contrôle aérien.

Césair Palace
Immédiatement après l’atterrissage, l’avion cargo se dirige vers une ruche ouverte de plus de 20 hectares puissamment éclairée, parsemée d’entrepôts high-tech, animée par des déploiements de rampes et par des allées et venues de véhicules de toutes sortes. Au rythme des bips de lecteurs codes-barres ou RFID, des milliers d’employés s’activent autour de tapis roulants sur lesquels tout passe : achats sur eBay/Amazon, vêtements par lots, matériel informatique, paperasseries par paquets, pièces automobiles ou aéronautiques, etc. Une glacière spéciale contenant un organe humain est l’objet de précautions toutes particulières. Sur le tarmac, des chariots soulèvent de volumineux aquariums de transport contenant des bébés-dauphins un peu angoissés, provenance : Australie, destination : Afrique du Sud...
Ici, on bosse 24 heures sur 24, 365 jours par an ; les employés se souviennent tous de la débandade du 11-Septembre suite à l’interdiction totale de l’espace aérien américain. En quatre heures, plus de 100 avions et 200 camions seront déchargés et rechargés, plus d’un million de colis seront automatiquement photographiés, pesés, mesurés puis triés, les deux tiers reprendront ensuite les airs. Chaque demi-heure, sont traitées plus de données qu’à la bourse de New York en une seule journée. Toutes les 90 secondes, des appareils atterrissent et décollent du UPS Worldport à Louisville (Kentucky). On joue quasiment la même scène au Fedex Global Hub à Memphis (Tennessee) et dans une moindre mesure à Paris, Cologne, Dubai, Mumbai, Guanzhou, Hong-Kong, Manille, etc.
Pas étonnant que Boeing et Airbus bichonnent United Parcel Services et Federal Express, clientes très fidèles qui leur ont vite commandé des versions cargo du Dreamliner et de l’A-380 par dizaines. Si ces deux firmes étaient des compagnies aériennes, elles crouleraient sous des procès pour abus de position dominante ou seraient vite démantelées par les lois anti-trust...
Speedairmanne
Aux yeux de nombreux particuliers, UPS et Fedex, c’est tout simplement de la livraison transcontinentale très rapide. Pour des myriades d’entreprises sommées de réduire leurs délais et coûts et d’augmenter leurs ventes à l’international, c’est leur chaîne d’approvisionnement qui repose sur cet internet logistique forgé dans les nuages et sur l’asphalte par ces deux titans et leurs concurrents. A elle seule, une gestion plus réactive de cette chaîne a donné l’avantage à Zara sur H&M, à Wal-Mart sur Sears et à Dell sur Hewlett-Packard. D’où les slogans « Synchronizing the world of commerce » pour UPS et « The world on time » pour Fedex.
Et si un produit médical dans son conditionnement muait en substance toxique à cause d’une variation de température pendant le transport ? Que faire si les douanes des pays de l’expéditeur et du destinataire n’en veulent pas ? Comment garantir à une entreprise qu’elle reçoive tous ses composants simultanément peu importe le transporteur ?
Pour faire face à ce genre de situations, UPS et Fedex investissent chacune plus d’un milliard de dollars annuels dans la recherche & développement de moyens de livraison plus sûrs et plus rapides ; la gestion des flux bénéficiant à elle seule d’un budget R&D de 600 millions de dollars chez UPS. Le retour sur investissement fut hautement probant : en 2007, l’ensemble de ses trajets routiers a été raccourci de 45 millions de km. Aujourd’hui, UPS conseille Toshiba et plusieurs PME du monde entier dans leurs logistiques aéroterrestres.
Transportant un volume quotidien moyen de 16 millions d’objets - deux fois plus que Fedex - et employant une main-d’oeuvre fortement syndiquée dont les salaires et les primes absorbent plus de la moitié des charges totales, UPS a beaucoup mieux investi dans l’automatisation et les TIC. La firme planche actuellement sur un logiciel uniformisant les procédures douanières et sur des capteurs thermiques ultra-sensibles pour des colis sensibles.
Fourmiliair
Avec le concours du Federal Aviation Administration, UPS Aviation Technologies a équipé sa flotte de la technologie ADS-B (Automatic Dependant Surveillance Broadcast), remarquable complément du radar et du transpondeur dans le contrôle aérien. En quoi consiste-t-elle ? Imaginez un instant que votre GPS auto indique également en temps réel la position exacte des véhicules voisins sur l’autoroute et en ville...
Grâce à l’ADS-B, version aéro très amélioré du GPS, les pilotes UPS furent les premiers à bénéficier massivement d’une excellente visibilité (type et identification de l’appareil, position, cap, vitesse et trajectoire) du trafic aérien environnant dans les airs et sur la piste. Ainsi, en coordination avec les tours de contrôle et/ou les appareils tout proches, ils peuvent compresser les files de décollages-atterrissages, adopter des trajectoires d’approche plus courtes et moins gourmandes en fuel, et manoeuvrer plus sûrement sur un tarmac encombré par brouillard ou par mauvais temps, et ce, avec des risques réduits de collisions ou d’incursions accidentelles
Au départ, la FAA testa l’ADS-B en Alaska, immense région au relief accidenté totalisant plus d’un tiers des crashs aériens aux Etats-Unis, d’autant plus hostile en saison hivernale pour les équipes au sol de recherche. Dans un contexte pareil, les radars montrent vite leurs limites car gênés par les incidences topologiques et ne couvrant chacun qu’une zone de quelques centaines de km pour un investissement unitaire compris entre un et cinq millions de dollars. A vous d’évaluer le coût global d’une couverture radar satisfaisante de l’Alaska, du Canada, du Sahara, de l’Afrique subsaharienne, de la Russie, de la Chine ou de l’Australie...
UPS Aviation Technologies n’en est guère restée là. En combinant la technologie ADS-B à celle TCAS de prévention des collisions, elle a conçu le CDTI (Cockpit Display of Traffic Information). En plus d’indiquer la position exacte des véhicules environnants, votre GPS auto calcule automatiquement les distances et les écarts de sécurité à respecter avec chacun d’eux... Que les jets à proximité soient dotés ou non de l’ADS-B, le CDTI permet aux pilotes de les identifier, de maintenir avec eux une distance fixe durant tout le vol, et d’anticiper précisément les trajectoires présentant des risques de collision. Il fournit également des informations détaillées du terrain survolé.
Ne nécessitant aucune infrastructure terrestre dans leurs formes les plus pures, très appréciées par les pays pauvres et émergents, les technologies ADS-B et CDTI seront généralisées à l’Amérique du Nord et à l’Europe aux alentours de 2012.
Dans le monde de l’aviation, tous s’accordent pour rendre ses palmes d’or au Césair de bronze.
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