Blogs : rôle et éthique du blogueur
On a présenté hier un papier sur les limites juridiques dans lesquelles un blogueur pouvait à notre sens agir dans l’Helvétie du XXIe siècle. Quelques mots aujourd’hui sur le rôle du blogueur et les principes éthiques qu’il serait peut-être judicieux de suivre.
La presse écrite se targue de respecter la déontologie et souvent l’endosse dans un geste auguste comme une toge de vertu. Oui, il existe des codes, des comités d’éthique, un conseil de la presse suisse, des médiateurs, bref toute une série de garde-fous qui devraient permettre au journaliste professionnel de faire son travail dans le respect de règles éthiques communément admises par la profession, la société et la loi.
On apprend au berceau à tout candidat journaliste le respect de la séparation des sources relatées et des opinions professées, bien que ces limites soient dans la pratique quotidienne souvent floues et souvent volontairement ou involontairement mêlées. Bref, à entendre ou lire des illustres représentants de cette profession, ils auraient en permanence branchée une sorte d’oreillette leur distillant ce que la conscience professionnelle permet ou ne permet pas de faire. Pas sûr que tel soit réellement le cas quand le scoop de trottoir peut faire vendre et ricaner le bon peuple toujours avide de sensations.
Le blogueur est par essence seul devant son clavier, seul en présence de sa documentation, seul en mesure de vérifier et revérifier ses sources et totalement dépourvu de règles dans ce domaine. Il doit inventer son système de fonctionnement, il doit lui-même fixer ses limites, il n’est lui-même pas journaliste (sauf dans le cas des professionnels bloguant aussi), pas soumis aux même règles et jouit d’une liberté quasi-totale de rédaction dans la mesure où l’opportunité de faire paraître ou non tel ou tel article lui appartient en exclusivité à l’inverse de tout organe de presse qui passe des heures en conférences de rédaction pour discuter de ce qui va, ne va pas ou doit ou ne doit pas être publié, le tout sous l’autorité d’un rédacteur en chef responsable final.
Mais le blogueur n’est pas non plus tout à fait seul dans la mesure où il peut légitimement espérer que quelqu’un le lira, voire que quelqu’un le commentera ou le critiquera. Cette possibilité tehnique du commentaire direct n’existe pas dans les organes de presse écrite qui offrent certes une tribune des lecteurs, mais qui est cependant dûment passée au crible avant publication et se trouve souvent totalement délocalisée géographiquement par rapport à l’article commenté.
On a coutume de dire qu’on peut rire de tout. On a aussi coutume de dire qu’on peut parler de tout. S’agissant du blogueur, il semble que ce principe soit applicable, sous réserve qu’il s’astreigne à quelques règles personnelles parmi lesquelles on devrait citer la balance des intérêts entre l’utilité d’une publication, son intérêt intrinsèque au point de vue information ou opinion, sa justification au regard de l’intérêt public et du public face à la préservation du respect de la vie privée et des intérêts privés des éventuels particuliers dont il cite ou critique l’action ou la pensée. Dans notre société du politiquement correct et formaté, il faut parfois choquer, dénoncer, rappeler peut-être même à première vue en opposition aux intérêts privés, mais finalement dans le but de faire comprendre au lecteur telle ou telle situation et l’inviter à une prise de conscience personnelle.
Pour le reste, force est de constater que le blogueur est libre et que justement c’est cette liberté qui fait son originalité. A quoi bon reproduire ce que les autres produisent. A quoi bon applaudir bêtement quand il faudrait fesser sur la place publique. A quoi bon fesser quand il faudrait louer. Le contenu d’un blog ne devient intéressant que dans la mesure justement où il est original et ne résulte pas d’un simple agrégat mis en pages de résultats donnés par les moteurs de recherche. Ce contenu peut être parfois en concurrence avec certains articles de la presse dite officielle, et ceci n’est alors qu’un enrichissement du débat public possible et souhaitable dans nos démocraties un peu léthargiques. Enfin comme tout bon représentant de la presse écrite, le blogueur doit s’exposer volontiers à la critique, il la recherche même puisqu’il ouvre des commentaires non modérés a priori sur tout ce qu’il écrit, ce qui n’est de loin pas le cas du journaliste de la presse écrite drapé dans son statut de détenteur de l’information et du savoir.
Quoi de plus démocratique qu’un blog comme symbole de la liberté d’expression ne devant prendre en compte aucun groupe de pression, aucun intérêt économique sous-jacent, aucun conflit potentiel d’intérêt entre annonceurs ou financiers et contenu acceptable, ou encore aucune directive interne ou ligne éditoriale.
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