Deuxième centrale EPR : Un Cadeau aux Amis et la Mort Annoncée du Grenelle de l’Environnement
En quoi est-ce un problème après tout, ce fameux EPR ? Car sur un plan pratique, et pour une fois, l’Etat français par la main de Nicolas Sarkozy anticipe la future crise énergétique à laquelle doit se préparer la France.
Cette crise se fera sur le plan du réseau, le pdg d’EDF a d’ailleurs annoncé début janvier une augmentation des tarifs pour des investissements urgents (voir leFigaro.fr), mais aussi sur le plan de la puissance à fournir aux différents clients : particuliers, entreprises, collectivités locales, Etat et les autres pays européens partenaires.
Sauf qu’une telle décision ne se prend pas à la légère sur un coup de sang et certainement pas pour couvrir la nouvelle polémique du moment, la mutation forcée du préfet de la Manche et du directeur départemental de la police.
Mais chassez le naturel il revient au galop…
Faire Plaisir aux Amis plutôt qu’à la Planète
En même temps, le coup de sang n’est peut être pas si évident que cela puisque les ficelles sont un peu grosses. En effet, le premier point que l’on peut reprocher à cette décision, c’est le cadeau exceptionnel offert au principal soutien financier de Nicolas Sarkozy durant sa campagne, son mentor même, le milliardaire belge Albert Frère.
Cet individu a fait sa fortune dans la sidérurgie wallonne où il se consacra à l’export en achetant la matière première et la revendant à bon prix, dans les pays communistes après la guerre de Corée. Le malheur des uns fait toujours le bonheur des autres.
Un financier forcément honnête à tout point de vue donc, qui a détenu ou détient plusieurs mandats (source wikipédia et JDN) :
- Régent honoraire de la Banque Nationale de Belgique
- Président du conseil d’administration du groupe Bruxelles Lambert, de ERBE, de Frère-Bourgeois, de la Financière de la Sambre, de FINGEN SA, de Stichting Administratiekantoor Frère-Bourgeois (Pays-Bas), de Pétrofina
- Vice président du conseil d’administration de Pargesa Holding qui détient Groupe Lambert Bruxelles
- Président du conseil de surveillance et premier actionnaire de M6
- Président honoraire de la Chambre de Commerce et de l’Industrie de Charleroi
- Administrateur de LVMH, Château Cheval Blanc, Raspail Investissements, Gruppo Banca Leonardo (Italie), Suez
- Membre du conseil de Assicurazioni Generali SPA
- Premier actionnaire du groupe Entremont (la Guerre du lait avec les agriculteurs c’était lui, voir ici)
D’où un “juste” retour des choses avec cette centrale flambant neuve et un empire GDF Suez qui s’étend à toute l’Europe, mais aussi l’arrêt de la publicité sur le service public (M6), la tentative d’imposer le dimanche travaillé (LVMH, magasin Louis Vuitton dans le sketch culte de Nicolas Sarkozy), la non-fusion de EDF et GDF écartée au profit d’un détricotage du service public au profit d’intérêts purement privés, la matraquage de Nicolas Sarkozy contre la Société Générale et son PDG Daniel Bouton, au profit de la BNP Paribas, dont est très proche…Albert Frère.
Mais en plus du milliardaire belge, ce second projet fera certainement le bonheur du groupe Bouygues, qui intervient déjà sur le 1er projet français EPR à Flamanville (Manche).
D’ailleurs, heureux hasard, Martin Bouygues n’est autre que le témoin du second mariage de Nicolas Sarkozy et le parrain de son fils Louis. Comme quoi “l’amitié en affaire” est aussi la devise du président de la République en plus d’être celle… d’Albert Frère.
Et ma Planète, bordel !
Deuxième souci pour cette décision, c’est évidemment son absence totale de logique avec le Grenelle de l’environnement, qui se voulait être une prise de conscience de l’Etat Français face à la crise écologique que connaît et connaîtra encore bien longtemps l’Humanité.
Un illogisme qui se retrouve tout simplement dans le fait que l’énergie nucléaire puise sa ressource dans le minerai d’uranium dont la France manque cruellement. Une ressource non renouvelable donc et très polluante à extraire et dont Areva s’est fait une spécialité dans la non-dépollution et le non-signalement des lieux dont les sols et les eaux souterraines sont pollués pour des générations d’êtres vivants. (le vandalisme technologique au Niger et au Gabon et la tentative de se débarrasser des déchets dans des retenues d’eau de barrage en France ici)
A ce titre, le Ministère de l’Ecologie, de l’Energie et du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire a enfin fait appliquer une décision de précaution visant à cartographier tous les lieux en France où ont été extraits l’uranium, lieux oubliés par Areva et ses entreprises ancêtres comme le CEA. Une carte établie et maintenue par l’Institut de radioprotection de sûreté nucléaire (IRSN) dans le cadre du programme MIMAUSA (Mémoire et Impact des Mines d’urAniUm lancé en 2003) à voir ici ou là.
Un deuxième EPR qui reflète finalement une vision à la lettre du point n°2 Energie du Pacte Ecologique de Nicolas Hulot : Lutter contre le réchauffement climatique en réduisant massivement le recours au pétrole, au gaz et au charbon pour diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050.
Si on peut se rendre service entre Nicolas…
Troisième souci, et qui reste le plus important, c’est l’aspect industriel. Car l’EPR n’est qu’un défi technique à l’état de projet mené dans le cadre du partenariat entre le français du nucléaire Areva et le géant allemand Siemens.
Et en Finlande où le premier prototype est en chantier, le projet industrialo-énergétique prend même plutôt la forme d’un véritable fiasco technologique et financier.
La STUK, l’administration en charge de la sûreté nucléaire finlandaise, dénonce un manque flagrant de conception dans le projet et pointe du doigt de trop nombreux défauts techniques incompatibles avec les exigences de sécurité.
Une “impréparation” qui a contraint Areva et Siemens à revoir leurs plans d’où un retard de 38 mois sur les dates initiales. Le Finlandais Teollisuuden Voima Oy (TVO), qui exploitera à terme l’EPR, demande ainsi un dédommagement de 2,4 milliards d’euros au consortium franco-allemand.
Ce qui explique pourquoi Siemens a souhaité finalement se désengager de la filiale commune Areva NP (ex-Framatome), alors qu’il détenait près de 34% du capital.
Fort heureusement, Gérard Mestrallet, PDG de GDF Suez a déclaré à l’annonce du monarque français : “GDF “Suez est prêt à mobiliser ses équipes hautement spécialisées et son savoir-faire technique, dans un esprit de collaboration, pour faire de ce projet commun un succès partagé”
Helsinki appréciera.
Alors qu’à Flamanville, où est réalisé le second EPR au monde, les retards sont seulement de 9 mois, retards dus des problèmes de creusement réalisés par Vinci et de coulage du béton dont le maître d’oeuvre est Bouygues.
Un coulage de béton malheureux interrompu en raison d’“anomalies” révélatrices d’un “manque de rigueur” ainsi que des armatures de fer manquantes, de “simples” problèmes techniques dommageables constatés par l’ASN l’autorité de sûreté nucléaire français (voir les échos.fr et usinenouvelle.com), preuve que la faisabilité technique a été moins étudiée que le niveau de rentabilité du projet.
Les défenseurs du projet EPR en France se font déjà l’éloge de la formidable manne financière que ce nouveau bassin d’emplois va créer. C’est oublier bien vite que cette innovation technologique ne possède aucune réalité technique à l’heure actuelle.
Mais là étrangement, les couleurs politiques ne comptent plus. Le maire UMP du Havre Antoine Rufenacht, le maire PCF de Dieppe Sébastien Jumel, et la députée PS de la circonscription de Dieppe Sandrine Hurel font cause commune pour un projet qui assurera outre un vivier économique…leurs réélections immédiates.
Quant à la protection de l’environnement, seuls les enquiquineurs de Greenpeace, des Verts et de France Environnement qui dénoncent une “erreur historique”, semblent s’en préoccuper.
Comme si l’Humanité pouvait choisir entre économie et écologie.
Plus d’infos croustillantes sur Albert Frère : ici et la Guerre du Lait par son groupe Entremont Alliance, là, et sa Légion d’Honneur par là
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