Free se lance dans la fibre optique, scénario pour une vente programmée ?
Le groupe Iliad, maison mère de Free vient d’annoncer aujourd’hui un investissement de plus d’un milliard d’euros jusqu’en 2012 pour déployer de la fibre optique dans les grandes villes de France.
Cela fait plusieurs mois que j’annonce, comme beaucoup, que l’évolution des FAI passe par la fibre optique et qu’il y aura deux scénarios possibles, les gros industriels qui déploieront leur réseaux et le loueront pour le rentabiliser, et les autres, qui achèteront de la bande passante et que les facteurs de différenciation feront disparaître peu à peu.
Il était donc logique que le challenger de France Telecom réagisse en cette rentrée. Quoi qu’il en soit, le parcours est périlleux. Si je reconnais sans réserve le talent de Xavier Niel, et de ses équipes qui ont su monter cette entreprise et en faire le n° 2 français, nous atteignons aujourd’hui les limites de la démarche.
Analyse
Le groupe annonce un investissement d’un milliard d’euros, ce qui est très insuffisant au déploiement de la fibre pour atteindre une taille critique auprès des abonnés français. Iliad envisage d’ailleurs de ne raccorder que 4 millions de prises. Si, dans un premier temps, cela permet de raccorder les foyers dans les grandes ville et de concurrencer France Telecom, qui aura certainement la même démarche pour des raisons de rentabilité, cela ne permettra pas de mailler le territoire ni d’atteindre un nombre d’abonnés suffisant pour déployer les nouveaux services et contenus que permet le très haut débit. En effet, dans la course aux programmes audiovisuels et également aux services de VOD et autres sites collaboratifs, la taille du parc d’abonnés est essentielle. Pour déployer de la fibre sur « tout » le territoire, il faudrait à Free entre 3 et 4 milliards d’euros, bien hors de portée. Surtout que dans le même temps, il va lui falloir déployer un réseau Wimax sous peine de perdre sa licence avec un Etat français qui interdit le handover et donc de facto de proposer des services de téléphonie mobile sur Wimax capables de concurrencer la 3G et de générer de nouveaux profits...
Cette stratégie est d’autant plus délicate que le cours de Bourse ne peut que pâtir de ces investissements qui dégageront moins de dividendes pour les actionnaires. Le cours a chuté de presque 20% après l’annonce, avant de se reprendre sur une chute limitée de 9%.
Cela laissera moins de ressources pour se développer. J’avais d’ailleurs averti une entreprise d’analyses financières sur un scénario de baisse de la valeur au cours du dernier trimestre dès début juillet, pour ces raisons.
Dans un premier temps, Xavier Niel pourrait choisir de mettre sur le marché environ 20% de l’entreprise, ce qui lui laisserait encore la majorité avec le management et lui permettrait de récupérer entre 500 et 600 millions d’euros supplémentaires au cours actuel. Au passage, la baisse de plus de 9% aujourd’hui représente 300 millions d’euros, soit le montant d’investissement de deux ans en fibres optiques...
L’option de vente
Xavier Niel n’en est pas à sa première cession d’entreprise, mais il a encore le temps de rendre la mariée encore plus belle. Avec cette annonce, je prévois une cession en 2008.
Pourquoi ?
Tous les déploiements de fibre optique et les services associés ne seront pas opérationnels avant fin 2007 (sauf mini-expérimentation locale) et le marché de masse restera ADSL jusque-là. Dans le même temps, les droits audiovisuels sont majoritairement détenus par Canal + jusqu’à cette date et donc la bataille ne commencera qu’en 2008. A ce moment-là, les chaînes de télévision et les réseaux de diffusion Internet vont se battre pour acheter des programmes, afin d’enrichir leurs offres. Les grands opérateurs internationaux comme FT ou Deutsche télécom vont surenchérir et ne laisseront pas la place à Free, surtout si son déploiement est partiel. Il convient d’ajouter les grandes plates-formes de diffusion transnationales comma Itune, Amazon ou les sites des producteurs en direct comme Fox Atomic, etc. Cette concurrence va affaiblir la position des FAI dans la VOD et mécaniquement baisser leurs revenus par abonné. La course à la taille critique n’en sera que renfoncée. Et donc un réseau avec plusieurs millions d’abonnés et un déploiement même partiel en fibre pourrait intéresser un acteur international désireux de prolonger une stratégie européenne. L’offre, même à 3 ou 4 milliards d’euros, pourrait intéresser Deutsche Telecom, Telecom Italia ou d’autres. L’option de fusion avec Neuf Cegetel donnerait même à Xavier Niel une excellente porte de sortie, le laissant comme l’un des principaux actionnaires d’un ensemble réellement capable de concurrencer France Telecom avec la seule, mais pour combien de temps, licence Wimax nationale. Compte tenu de l’annonce d’une offre de location de son réseau qui s’inscrit dans la démarche de Neuf, cela aurait du sens.
Bravo donc aux équipes de Free qui savent manier la stratégie brillamment, et attendons la suite pour voir si ce scénario est validé.
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