Jeux vidéo : le nivellement vers le bas ?
Finie - ou presque - est l’image de l’Hardcore Gamer, outrepassant toutes limites à la seule vertu du score ; en s’ouvrant à une culture plus « casual », l’industrie vidéoludique s’est logiquement accaparée d’un public indéniablement plus large, mais aussi beaucoup moins critique sur les enjeux pédagogiques de ce loisir souvent décrié comme cristallisant la violence de ceux qui l’affectionnent. Si bien qu’aujourd’hui, trop peu d’éditeurs de jeux vidéo n’osent risquer de « diversifier » un médium qui sombre fatalement dans des archétypes certes vendeurs, mais passablement démagogiques.
Comme prévu, cette fin 2007 marque l’avènement de toute une année riche en sorties, par la disponibilité massive d’une pléthore de "gros" jeux, ces hits, à la destinée de million-seller forcée par des prévisions commerciales toujours calculées à la hausse. Le "bien culturel le plus vendu en France" (selon Le Parisien du 26/10/07) s’assume, et ne manque pas de faire désormais parler de lui aux heures de pointe télévisuelle, affichant sans vergogne ses courses de bolides acharnés, ses joueurs de football toujours plus fidèlement modélisés, et ses gunfights frissonnants. Cependant, l’industrie, depuis quelques années déjà, tourne en rond ; et les profits colossaux qu’elle génère n’y est pas étranger. Aujourd’hui, développer un "gros" jeu revient à un coût quasiment équivalent à celui de la production d’un film d’action très moyen, d’où la volonté des principaux acteurs du genre à cibler des publics précis, afin de les marteler de titres à l’originalité inexistante. Car, en revenant à ces "hits", (qui sont-ils ? PES 2008, FIFA 08 pour le football, Crysis, Call of Duty 4 pour les FPS (First Person Shooter, à réduire en jeu de tir à la première personne), ou encore Asassin’s Creed (action), Need For Speed ProStreet (course), et bien d’autres), et tout en prenant un minimum de recul, on constate sans grande difficulté qu’ils ne subsistent que des archétypes de leur genre, faisant foi grâce à des détails insignifiants, qui pourtant sont la source incritiquable de leurs futurs succès.
La prise de risque existe (avec notamment des jeux estimés comme "poétiques" : Okami, Shadow of The Colossus, Ico), et est souvent saluée de façon unanime par la presse spécialisée. Pourtant, à la manière des films d’auteurs, ces titres peinent à marquer les esprits "de masse". Une personne ne s’intéressant pas le moins du monde à l’univers vidéoludique sera, par exemple, plus prompt à nommer n’importe quel jeu médiocre, mais populaire, plutôt qu’un Ico, majestueux mais négligé dans les esprits communs. Et les choses ne sont pas prêtes à changer : étant donné les enjeux pécuniaires, aucun distributeur majeur de l’industrie n’est enclin à présenter un jeu, qui, malgré de bonnes intentions, aura du mal à se vendre. Du coup, tous ne fournissent que des améliorations de produits, ou concepts, ayant fonctionnés, engendrant une lassitude certaine chez le joueur confirmé. Le joueur en passe de le devenir, lui, consommant encore abondamment.
Le fait est, que de nos jours, le public possède une relation avec le jeu vidéo qui s’impose comme unique en son genre. Aucune vision critique sur les fondements, ou les valeurs d’un jeu ne sont d’actualités, les titres étant "jugés" sur des bases illustratives qui ne constituent qu’une infime parcelle d’un soft. Quid de l’idéologie dans ce cas ? Indéniablement, jouer à un jeu, c’est être influencé par celui-ci, par son point de vue, qu’il en possède un, ou pas. Et là demeure le problème majeur : trop de sociétés de développement rechignent à effectuer ce travail, qui pourtant est défini comme une partie de l’essence de toute autre œuvre d’art. Ainsi, si proposer de la violence "encadrée" permet au joueur de se positionner dans l’imaginaire d’un monde fictif, n’entreposer aucune bordure à un ouvrage sensible le fait sombrer dans une démagogie certaine. Et certains groupes, associations ou sociétés ont déjà franchi le cap par l’intermédiaires de jeux gratuits destinés aux joueurs les plus crédules (America’s Army, du corps américain des Marines, en étant le meilleur représentant), faisant du jeu vidéo une véritable arme de propagande.
Heureusement, ce cas étant fortement isolé, le jeu vidéo, en tant que loisir nonchalant, a encore indubitablement de beaux jours devant lui. Enfin, tant que le cruel manque d’innovations dont souffrent les best-sellers du genre ne dérangera pas les plus fidèles adulateurs de celui que l’on nomme déjà le "10e art"...
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