L’aberration électrique
L'électrification des véhicules va à l'encontre de la sobriété énergétique.
Les villes représentent la moitié des émissions de CO2 dues au transport. J'ai déjà décrit dans ces pages que le poids d'un véhicule était un facteur aussi déterminant que problématique.
Or le seul mode de fourniture électrique proposé commercialement à ce jour nécessite son stockage en batterie, dont le poids est un des multiples inconvénients. Pourtant tous les constructeurs automobiles rivalisent aujourd'hui d'annonces en matière d'électrification de leurs gammes, à grand renfort d'investissements considérables.
Un peu de modération s'impose : le prix, le poids (encore lui) et l'origine de l'électricité sont à considérer. Le premier, surcoût de plusieurs milliers d'euros même fiscalité déduite, est plutôt accessoire pour des clients actuels qui restent en nombre limité. Le deuxième reste un handicap énergétique majeur ; enfin l'origine de l'électricité consommée concerne tout le monde tant que sa fourniture produit des déchets (je parle ici de la production d'énergie et non de l'installation qui la produit, ce serait un débat trop long). En effet, l'électrification découlant d'un but écologique, la notion de déchet ultime est le problème de chacun, puisque par définition irréductible et non réutilisable.
Commençons par la fin : la fourniture énergétique, en passant le gaz et le charbon sous silence.
A la base le nucléaire utilise de l'uranium indisponible en France, constituant une vulnérabilité géopolitique. Il produit des déchets ultimes (très) dangereux dont 50 ans de recherches ne sont pas venus à bout ; la filière technologique devant permettre d'en « réduire » volume et dangerosité a été abandonnée très récemment. Il reste que le nucléaire présente l'avantage sur les renouvelables de la régularité de la fourniture, au détriment d'une souplesse trop relative pour accompagner les hausses ou chutes brutales de consommation.
Les sources renouvelables, hydrauliques, éoliennes et photovoltaïques à ce jour, n'utilisent par définition que des ressources renouvelables présentes en France et ne produisent pas de déchet d'exploitation. La première est quasiment exploitée à son maximum, et les deux dernières ont l'inconvénient notoire de leur intermittence. Il est réglé en partie par l'hydraulique, et pourrait aussi être régulé grâce à la technologie hydrogène : on sait faire mais ce n'est pas industrialisé.
La part de production électrique renouvelable reste très minoritaire en France, ce qui contrevient à l'idée d'une énergie propre, qualité dont le nucléaire ne peut hélas pas se prévaloir. La logique écologique va donc dans le sens de l'économie et de la sobriété.
Force est de constater que l'électrification des véhicules va exactement dans le sens opposé, en faisant face à des problématiques différentes en fonction de la technologie utilisée.
Véhicule électrique : le modèle économique est a minima aléatoire. D'une part en raison du prix de vente encore dissuasif au regard d'une relativement faible autonomie et d'un temps de charge élevé. D'autre part de la quasi-absence d'entretien périodique par la réduction de la complexité mécanique comparée au moteur thermique. Au point que les constructeurs sont dans le brouillard sur le marché potentiel, avec l'éventualité d'un crash industriel déjà évoqué dans la presse.
Véhicule électrifié : la motorisation électrique a un rendement incomparable notamment lorsqu'il faut démarrer souvent, donc en ville ; c'est tout son intérêt. Mais le poids des batteries, élevé et permanent contrairement à un carburant, reste un handicap sérieux (poids Zoé électrique : 1,5T, Clio essence : 1,1T). Et plus on veut augmenter l'autonomie, plus il faut de poids de batterie préjudiciable à … son autonomie : le serpent se mord la queue.
Et en particulier on observe actuellement la mise sur le marché d'hybrides rechargeables ou non d'une puissance sans cesse croissante. Et pour cause : dès que la batterie est déchargée, elle-même de plus en plus lourde pour plus d'autonomie en mode « tout électrique », il faut activer la motorisation thermique. Et comme la voiture est alourdie en permanence par sa batterie, il faut une motorisation puissante pour être vendable à une clientèle aisée qui n'est pas prête à céder sur ce point. Mais la puissance est gourmande en énergie carbonée, donc l'intérêt est strictement limité aux déplacements urbains pour les conducteurs qui pensent à recharger suffisamment leur véhicule. L'ensemble des problèmes est accentué sur les SUV.
Le surpoids propre aux SUV est préjudiciable à la consommation en ville en raison des multiples démarrages, et le SCx1 induit une charge aérodynamique défavorable à grande vitesse. Deux paramètres qui font des SUV des véhicules plus gourmands dans toutes les situations qu'une berline de même longueur à motorisation équivalente, avec un surpoids d'électrification plus conséquent. Ce qui n'a été pointé du doigt que très récemment, alors que c'était évident depuis leur apparition.
Conclusion : du point de vue de la sobriété énergétique qui devrait prévaloir en terme de déchets, tant qu'aucun moyen de produire de l'électricité in situ avec un carburant écoresponsable et un poids restreint n'est disponible à coût acceptable, le déplacement urbain d'une personne seule dans une voiture électrifiée reste une aberration … comme dans une thermique !
1 produit de la traînée aérodymique par la surface frontale, particulièrement élevé car les SUV sont des grosses voitures
125 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON