L’essor de la voiture électrique mais des réseaux sous tension
En juillet, le gouvernement a annoncé un « plan automobile » centré sur le véhicule électrique. Ce plan ne remet pas en cause les objectifs établis en 2010 de 2 millions de voitures électriques et le double de bornes de rechargement à l’horizon 2020. Au vu de la politique volontariste des gouvernements qui se succèdent, le secteur de l’énergie planche sur le basculement d’une économie actuellement de niche (par exemple Autolib’) vers un déploiement massif des véhicules électriques. La grande interrogation est dès lors de savoir si l’ajout massif d’automobiles à propulsion électrique peut être absorbé par le réseau.
Le risque du black-out existe déjà
Si la France n’a pas connu récemment de blackouts de grande ampleur comme l’Inde (juillet 2012) ou comme la côte Est américaine (août 2003), le risque existe. Les régions Bretagne et PACA, peu productrices d’électricité mais grandes consommatrices, sont particulièrement exposées. L’enjeu est d’assurer en permanence l’adéquation entre production et consommation électrique pour éviter un effondrement du réseau. Car ce dernier est mis à rude épreuve en période de pics de consommation : chaque jour à l’heure du dîner (télévision, lumière…) et encore plus en hiver (chauffage électrique). RTE, gestionnaire du réseau haute tension, s’avère pessimiste sur la sécurité énergétique française au-delà de 2015 : pas assez de production et des pics de consommation qui s’accentuent.
Le développement de la voiture électrique, le scénario du pire ?
Dans ce contexte, il est à craindre que l’explosion du nombre d’automobiles électriques soit la goutte d’eau qui fasse déborder le vase. Logiquement, la mise en charge des véhicules devrait avoir lieu au pire moment de la journée : en début de soirée, lorsque le réseau de distribution est déjà très sollicité.
Le défi est donc de taille car « En 2020, la recharge des véhicules électriques devrait représenter une hausse de consommation de 1 à 2 %, mais l'appel en puissance [l’accentuation du pic de consommation] sera de 10 %, c'est un impact sensible. » dixit Michel Magnan, directeur Côte d’Azur d'ERDF. Le principal risque est donc que le réseau cède, faute de pouvoir supporter une brusque hausse de la demande. Concrètement, cela signifie des risques récurrents de coupures électriques : ni lumière, ni chauffage, et des hôpitaux dépendant des groupes électrogènes.
Seuls moyens d’y remédier, le renforcement physique du réseau (nouvelles lignes, augmentation de la tension supportée) et de son pilotage (compteurs communicants, points de commande…) associé à des centrales thermiques (charbon et gaz) et hydroélectriques pour gérer le pic.
Se préparer à davantage d’instabilité sur le réseau
Le sénateur Louis Nègre s’est penché sur cette question, rédigeant un livre vert sur les infrastructures de recharge paru en 2011. Y est en particulier envisagé de favoriser la recharge lente (8 heure), car si la recharge en une demi-heure est techniquement faisable, le réseau électrique en serait complètement déstabilisé.
Sur le terrain, de premiers éléments pour répondre à ce challenge pourraient venir du projet « Infini drive » mis en place par ERDF et La Poste. L’objectif est d’étudier la gestion d’un parc automobile électrique pour déterminer comment concilier simultanément la charge des véhicules électriques et les autres usages de l’électricité.
Si l’on ne prend pas en compte l’ensemble des contraintes du réseau pour développer la voiture électrique, c’est tout le système qui pourrait être en péril. Pour l’instant, la stratégie de l’Etat qui devrait être connue plus en détails la semaine prochaine, lors du salon de l’automobile de Paris, ne semble pas prête à tenir compte de cette réalité.
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