L’usurpation d’identité numérique
L’usurpation d’identité n’est pas en délit pénal en elle-même, sauf cas très particuliers (fausse identité dans un acte authentique, faux nom pour obtenir un extrait de casier judiciaire...).
L’usurpation d’identité devient un délit pénal dès l’instant où "le fait de prendre le nom d’un tiers [a été réalisé] dans des circonstances qui ont déterminé ou auraient pu déterminer contre celui-ci des poursuites pénales" (article 434-23 du Code pénal - 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende).
Le problème est que le fait de "prendre le nom d’un tiers" ne peut être assimilé à la prise d’une adresse IP ou d’une adresse e-mail (en droit pénal on se doit d’appliquer le principe de stricte interprétation de la loi pénale).
Il est à noter que l’année dernière, le sénateur Michel Dreyfus-Schmidt a déposé une proposition de loi "tendant à la pénalisation de l’usurpation d’identité numérique sur les réseaux informatiques". L’objectif du texte est d’insérer une nouvelle infraction pénale, complémentaire de celles existantes, tendant à protéger les personnes, physiques ou morales, publiques ou privées, de toute usurpation de leur "identité numérique".
En pratique, le sénateur propose d’introduire un nouvel article (323-8) dans le Code pénal, rédigé comme suit : "Est puni d’une année d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, le fait d’usurper sur tout réseau informatique de communication l’identité d’un particulier, d’une entreprise ou d’une autorité publique".
A ma connaissance, cette loi n’a pas encore été votée par le Parlement.
Pour pallier ce manque, on peut néanmoins invoquer, au plan pénal, avec plus ou moins de réussite, les délits suivants : l’escroquerie (art. 313-1 du Code pénal, si remise de fonds ou fourniture d’un service) ; le faux (art. 441-1 du Code pénal, i.e. toute altération frauduleuse de la vérité de nature à causer un préjudice) ; la diffamation publique (art ? 29 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881).
Il reste toujours la voie civile et l’article 1382 du Code civil ("tout fait de l’homme qui cause un préjudice..."). Certains auteurs de droit, en s’appuyant sur un ancien jugement du TGI de Marseille (9 février 1965 D. 1965 270), ont montré que le nom serait l’objet d’un droit de propriété au sens de l’article 544 du Code civil et qu’en conséquence, sa simple atteinte, même sans faute, pourrait permettre d’ester en justice.
En conclusion, c’est un domaine encore assez incertain en droit français, du fait d’une jurisprudence quasi inexistante et d’une absence de texte spécifique à l’identité numérique.
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