La physique théorique : colosse aux pieds d’argile
En physique théorique la position et le temps sont considérés indépendants, par postulat. Mais, en pratique, c'est faux. Ce postulat est pourtant la pierre angulaire, la base structurelle, de toutes les physiques.
La position et le temps sont évidemment indépendants
Dès le paragraphe 1 du cours de mécanique classique le plus célèbre de l'histoire de l'humanité, de Lev Landau et Evgueni Lifchitz[1], il est expliqué que la position, la vitesse et le temps sont indépendants. Cela est bien compréhensible, car voici le raisonnement : si, avec votre voiture, vous passez Porte d'Orléans, c'est à dire à une position précise, vous pouvez le faire à n'importe quelle heure, et à n'importe quelle vitesse, sauf respect des obligations de sécurité routière, et de la technologie. Ainsi votre position, Porte d'Orléans, n'est pas dépendante de l'heure qu'il est, ni de la vitesse qui vous anime alors. Bien évidemment votre vitesse ne dépend pas non plus de l'heure qu'il est, ni du lieu où vous êtes. La position, la vitesse et le temps sont donc indépendants.
Il n'y a vraiment pas plus compréhensible et trivial que cela. Et c'est d'ailleurs l'ossature de base de toutes les physiques. En effet, la situation est identique en Relativité Générale[2], ainsi qu'en mécanique quantique[3]. Sur ce terrain toutes les physiques se rejoignent. Car il semble impossible de ne pas accepter une telle évidence.
Cette « évidence » est pourtant totalement fausse. En voici les preuves.
Non, la position et le temps sont toujours étroitement dépendants
Vous lisez en ce moment cet article, assis sur votre siège, et selon le postulat d'indépendance, de la position et du temps, vous pourriez, à ce même instant, être assis sur le siège d'à côté. Ceci posé, vous aurez remarqué que la phrase précédente est écrite au conditionnel. Mais en science, la mesure expérimentale utilise le présent de l'indicatif, « la mesure est ... », et pas le conditionnel, « la mesure pourrait être ... », il est donc intéressant de passer la phrase précédente au présent de l'indicatif, au lieu du conditionnel. Cela donne : vous lisez en ce moment cet article, assis sur votre siège, et selon le postulat d'indépendance, de la position et du temps, vous pouvez, à ce même instant, être assis sur le siège d'à côté.
Cette dernière phrase sonne faux, elle ne décrit rien de réel. Bien évidemment vous savez qu'à un instant donné vous ne pouvez occuper deux positions différentes simultanément. Ou vous êtes assis sur votre siège, ou vous êtes assis sur celui d'à côté, il faut choisir, car les deux en même temps, ce n'est pas possible. Certes, vous pourriez, dans vos rêves, mais en réalité, vous ne pouvez pas.
Les quanticiens me diront ici « la mécanique quantique autorise de posséder plusieurs positions simultanément ». Oui, par postulat, i.e. par énoncé indémontrable. Et j'attendrai donc qu'ils me fournissent plutôt la preuve directe qu'un objet peut effectivement posséder deux positions simultanément, avant de les croire. Car comme champions du conditionnel, ils se posent là, sans jamais fournir de preuve directe de leurs croyances. Je rappelle, par exemple, que le Prix Nobel 2013 a été décerné pour la découverte, grâce à des méthodes indirectes, de ce qui est « probablement » le boson de Higgs. Cool, la science au conditionnel.
Revenons plutôt aux choses sérieuses.
Si un satellite, en orbite autour de la Terre, possède une position donnée à un instant donné, il pourrait avoir une autre position en ce même instant … mais pour cela il aurait fallu que son heure de lancement, et son angle de tir, soient différents. On voit par là que le postulat d'indépendance de la position et du temps oublie de prendre en compte l'historique du système. Le système aurait pu avoir une autre position, si les conditions initiales avaient été différentes, mais cet aspect des choses n'est pas évoqué par le postulat. En attendant, le satellite ne se trouve pas à deux positions simultanément, mais à une seule, qui correspond à son histoire, et donc à l'heure qu'il est, une fois entendu ses conditions de lancement.
Je suppose que, même pour une telle trivialité, je vais entendre les hurlements offusqués de « ceux qui savent » et qui me dénient le droit d'écrire de « telles absurdités », tant « je n'ai rien compris », car « tout le monde sait bien », et je risque aussi leurs insultes, qui est leur argument préféré. Alors pour ces retords, ces humains sans capacité de science, ces dogmatiques englués dans leurs illusions conditionnelles, voici la preuve qui tue, sous forme de théorème. Pas un postulat, c'est à dire un énoncé humain indémontrable et invérifiable, mais bien un théorème, c'est à dire un énoncé vérifiable et mesurable expérimentalement.
Théorème : « Toute trajectoire est la succession d'intervalles, généralement compris entre un extremum et un point d'inflexion, dans lesquels la position et le temps sont liés par une bijection. »
Ouh là là, … bijection … Pardon. Cela veut dire que, dans ces intervalles, à une position correspond un temps, et un seul, et vice versa, à un temps, une position et une seule. La figure 1 l'illustre.
Figure 1 : Toute trajectoire est la succession d'intervalles, généralement compris entre un extremum et un point d'inflexion, dans lesquels la position q et le temps t sont liés par une bijection, c'est à dire qu'à un temps correspond une position, et une seule, et vice-versa, à une position correspond un temps et un seul.
Puisque le mobile se trouve à tout instant sur la trajectoire, il se trouve à tout instant dans un intervalle où la position et le temps sont liés par une bijection. A aucun moment sur la trajectoire on a le droit de considérer que la position et le temps sont indépendants, c'est même tout le contraire, ils dépendent toujours fondamentalement l'un de l'autre.
Voilà.
Maintenant, pour prouver que j'ai tort, il suffit simplement de prouver que le théorème que je propose est faux. Le reste ne sera que blabla de mauvaise foi, irrecevable scientifiquement.
Pendant que les séides du modèle standard auront les cheveux qui se dresseront sur la tête, les scientifiques se demanderont, pour leur part, ce que le théorème précédent change pour la physique. Je ne le décrirai pas ici en détail, me contentant d'évoquer le plus fondamental.
A quoi ça sert ?
En physique on fait le pari, le postulat, que toutes les propriétés physiques d'un système peuvent être décrites par une fonction mathématique, la fonction de Lagrange, ou lagrangien. La situation est différente pour un artiste ou un religieux, mais pour le physicien, c'est son point de départ. A ce stade du raisonnement on ne sait rien sur le lagrangien, cette fameuse formule, donnant toutes les propriétés physiques d'un système, reste totalement inconnue. Mais on peut cependant être certain d'une chose à son propos : tant que la position r, la vitesse v et le temps t sont indépendants, il est nécessaire que la fonction de Lagrange, notée L, dépende de ces trois variables. On écrit :
L = L(r,v,t)
Aussi simple que cette expression puisse apparaître au premier abord, sa manipulation s'avère très complexe, à cause des trois paramètres indépendants. En revanche, le théorème précédent simplifie grandement cette écriture du lagrangien. On montre en effet, de façon triviale, que le lagrangien peut alors s'écrire sous différentes formes mathématiques, toutes dépendantes d'une seule variable :
L = L(r,v,t) = A(t) = B(r) = C(v)
Si alors on cherche, par exemple, l'évolution des propriétés physiques par rapport au temps, elle sera donnée simplement par la dérivée de L par rapport au temps. Or cette dérivée est une formulation complexe lorsqu'on utilise L, elle fait apparaître des « dérivées partielles ». En revanche elle devient très simple en utilisant A, B ou C, et seules des « dérivées totales » apparaîtront, bien plus simples à manipuler, et surtout à intégrer, que les dérivées partielles.
C'est cette simplification mathématique drastique qu'apporte le théorème précédent. En utilisant la mécanique lagrangienne il devient même possible de trouver des solutions analytiques au lagrangien, c'est à dire des équations décrivant B et C issues uniquement des mathématiques, mais n'utilisant aucun postulat. Rappelons en effet que le lagrangien classique :
L = m v² / 2 – U(r)
est postulé, pas démontré. Certes ce lagrangien fonctionne bien pour toute une série de problèmes, mais c'est un postulat, dont nul ne peut scientifiquement prouver la véracité absolue.
Je ne vais pas aller plus avant dans le détail mathématique, me contentant de dire que les lagrangiens B et C, obtenus analytiquement, et non plus postulés, ont une forme bien connue en thermodynamique, et plus précisément ils s'assimilent à l'énergie libre. Ils permettent aussi de prévoir les lois de Kepler et de Newton. Ils sont d'une efficacité redoutable.
Alors, on bouge ?
Jusqu'à preuve du contraire, le théorème proposé ici est vrai. Ce n'est pas un postulat, ni une hypothèse, ni une théorie, c'est un théorème. Il s'oppose cependant au postulat de base de toutes les physiques, celui de l'indépendance de la position et du temps.
Partant d'une base démontrée comme fausse, la physique actuelle peut-elle alors prétendre détenir la vérité ? Il ne serait pas raisonnable de le penser. Doit-on la rejeter totalement ? Il ne serait pas plus raisonnable de le penser.
Les lois de la physique sont avant tout empiriques, c'est à dire vérifiées expérimentalement, celles de Kepler, celles de Maxwell, celles de Newton, et toutes les autres. Vient ensuite la physique théorique qui tente de lier ces lois entre elles dans un corpus mathématique adéquat. C'est cette théorie qu'il faut revoir, pas les lois qui s'imposent à nous. C'est l'interprétation théorique de ces lois qu'il nous faut profondément modifier. Et il n'est pas question ici du seul modèle standard, ou de la mécanique quantique, c'est carrément toute la mécanique classique qu'il est nécessaire de revisiter.
Mais voilà, existe-t-il encore, sur cette planète, un physicien théoricien assez fou pour admettre la vérité expérimentale, au lieu de fantasmer sur des postulats indémontrables, sur ces matières sombres et noires, toute étranges et indétectables ? Ne sont-ils pas trop perdus dans leurs limbes à cordes, à boucles, à branes, à multivers et autres bosons ? Sont-ils encore capable de se remettre en cause ?
J'en doute.
[1] L. Landau & E. Lifchitz, Mécanique, Ed. Mir, Moscou 1966
[2] L. Landau & E. Lifchitz, Théorie du champ, Ed. Mir, Moscou 1966
[3] L. Landau & E. Lifchitz, Mécanique Quantique, Ed. Mir, Moscou 1967
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