Le cancer serait dû à un processus ancestral né il y a un milliard d’années selon le physicien Davies. Mais pas de guérison en vue hélas
Dans une note parue le premier juillet 2013, l’Institut de physique fait état de nouvelles avancées théoriques permettant de livrer une compréhension inédite de la genèse des cancers. Ces travaux ne proviennent pas des biologistes mais d’un physicien, Paul Davies, spécialiste reconnu en cosmologie et physique théorique et par ailleurs auteur de plusieurs livres savants à succès. Contrairement en France où les disciplines sont étanches et où un physicien est n’accepté en biologie que pour fournir des techniques mais jamais son avis sur le contenu théorique des travaux, aux Etats-Unis, les mouvements entre disciplines sont bien plus ouverts. Si bien que Davies a été recruté en 2009 par le Centre transdisciplinaire des sciences physiques et de la biologie du cancer hébergé par l’Université d’Arizona. Davies n’avait alors aucune expérience reconnue en cancérologie et c’est pour cette raison qu’il a été accueilli, afin de livrer un regard frais et neuf qui ne soit pas conditionné par les routines conceptuelles utilisées par les spécialistes.
Avec son confrère australien Charles Lineweaver, il a abordé le cancer sous un angle nouveau en posant le problème sous un angle incongru pour les oncologues. Et si le cancer était un phénomène inscrit dans l’essence de la vie et sa longue évolution ? Plus précisément, une sorte de procédure de développement issue de la transition entre organismes mono et pluricellulaires il y a un milliard d’années. Cette procédure aurait fonctionné « plein pot » il y a longtemps avant d’être modifiée, actualisé et même parfaitement contrôlée lors du développement des animaux complexes avec les mécanismes que l’on connaît, division, spécialisation, migration et assemblages cellulaires dans les tissus. Davies use d’une métaphore informatique, imaginant le développement du cancer comme si une « sous routine » ancestrale se serait réactivée, un peu à la manière d’une procédure Windows qui, lorsqu’elle n’accède pas au programme nécessaire pour exécuter une tâche, ira chercher ce qu’on appelle un « programme par défaut ».
Le cancer se produirait alors comme le déblocage progressifs de plusieurs programmes de développement mémorisés depuis un milliard d’années, conservés évidement par l’évolution, et qui seraient réactivés à la faveur de diverses perturbations. Par exemple des substances chimiques, du stress cellulaire, des irradiations endommageant les tissus, des inflammations. Cette approche n’est pas conventionnelle car elle n’a pas pour ressort le mécanisme classique des gènes affectés par des mutations successives suite à des mécanismes provocant des dégâts sur la molécule d’ADN (agents intercalant, alkylant, radicaux libres, rayons à haute énergie). D’après Davies, la séquence causale est inverse. Ce sont les tissus et les environnements cellulaires qui sont perturbés et de ce fait, induisent la réactivation dans certaines cellules de ces procédures ancestrales que la cellule utilise comme un programme par défaut, ayant perdu l’accès à la procédure normale. Bref, une sorte de « panique génomique » et de désordre informationnel.
Le ressort du cancer suggéré par Davies présente des similitudes avec une autre approche qui participe d’une même idée, celle du cancer comme réponse génomique à une perturbation de l’environnement cellulaire. Cette approche dont j’ai parlé précédemment est celle d’Henry Heng pour qui le cancer repose sur un processus global comparable à une spéciation. C’est comme si les cellulaires cancéreuses représentaient une espèce nouvelle se développant dans l’organisme au point de l’envahir. Davies est cependant plus précis dans sa théorie. Avec de plus des indices expérimentaux pouvant confirmer ses hypothèses, notamment des similitudes entre les gènes exprimés dans l’embryon et le cancer. J’y vois une illustration d’une loi biologique qu’il faut manier avec prudence, celle de la récapitulation (qui doit être reformulée à partir de la loi de Haeckel). L’ontogenèse récapitule des processus apparus lors de la phylogenèse. On comprend alors le sens des hypothèses de Davies. Le cancer réactiverait des processus constitués il y a un milliard d’années et qui interviennent lors des stades précoces du développement embryonnaire.
Cela étant, si cette approche permet de jeter un nouveau regard sur l’oncogenèse, elle ne résout pas pour autant le problème de santé lié au cancer, cette maladie qui selon Davies, doit être abordée comme le vieillissement. Il n’y a pas d’issue et il faut l’accepter. Disons plutôt que quelques types de cancer réagissent bien aux mesures prises par les médecins (essentiellement la chirurgie) avec une espérance de vie augmentée. L’option thérapeutique est alors légitime mais dans d’autres cas, l’acharnement thérapeutique, notamment la chimiothérapie, n’a aucune justification si ce n’est de faire fonctionner un appareil de santé coûteux et source de profits. La mortalité due au cancer n’a pratiquement pas baissé depuis 60 ans. Cela étant, la piste suggérée par Davies et d’autres n’est pas entièrement vaine. Elle permet une nouvelle compréhension et peut-être des pistes de prévention. Et qui sait si un scientifique un peu farfelu ne pourrait pas aller plus loin en imaginant une manière de guérir non conventionnelle mais basée sur la « récupération » par les cellules du bon chemin avec la restauration des processus d’organisation de l’information.
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