Le SARS-CoV-2 a gagné la première partie contre la science. Game’s over ! The show must go on ! La seconde partie commence
1) En ce début d’avril 2020, lorsque j’ai commencé à « prendre en main » les sciences du Covid-19, je ne pensais pas aboutir si rapidement à un modèle théorique, que je n’ai même pas cherché au début, ce qui explique que j’ai pu le trouver, ou du moins en proposer un assez complet et qui tienne la route. J’ai la fausse impression d’en avoir fini avec ce virus, ou du moins avoir explicité les grandes lignes virales, biochimiques, microbiologiques et cliniques de la question, avec sans doute un passage assez rapide sur l’immunologie qui n’a pas encore livré tous ses secrets dans cette affaire. Peu de résultats décisifs ne me semblent publiés depuis quelques temps. Toutes les nouveautés racontées par la presse sont connues depuis plus d’un mois, voire beaucoup plus.
2) Médiasciences. La presse mainstream peine à trouver des news pour remplir ses journaux. Elle récupère des travaux parfois non validés, comme ce papier sur les trois souches virales publié par des chercheurs de l’Institut pasteur et pas mal d’autres travaux sur ce thème alors qu’il n’y a qu’une souche qui circule, avec des milliers de variants et bientôt 10 000 mutations d’acide aminé répertoriées. Les cas d’embolies et de dégâts cardiovasculaires sont connus depuis les débuts, répertoriés dans les études cliniques chinoises puis occidentales. Même chose pour les cascades inflammatoires et d’autres signes, d’autres scoops, d’autres anecdotes sur le virus et les malades, sur les traitements, les molécules, les essais, les polémiques, les fiascos, les promesses, sans oublier les vaccins que tout le monde se dispute alors qu’il n’y en aura peut-être pas. Ne jetons pas la pierre aux journalistes, s’ils n’étaient pas là, il faudrait les inventer. Ils n’ont pas démérité, ils se sont trop bien appliqués à diffuser dans la panique les résultats et les communiqués, croyant bien faire. C’est l’époque qui veut ça. Parler pour dire peu et le plus vite possible, afin d’occuper les têtes de pont permettant d’entrer dans le cerveau des gens.
3) Thérapies. La vraie science se joue dans les expériences, théories et publications, si possible dans les journaux de références avec comité de lecture. Les thérapies utilisées contre le Covid-19 sont conçues sur le principe du repositionnement de molécules déjà connues pour d’autres pathologies. C’est le cas de la chloroquine, un classique employé contre le paludisme ou la polyarthrite, alors que l’azithromycine est un macrolide antibactérien employé contre les bronchites à complication. D’autres molécules sont sur les radars, antiviraux en essais, antiviraux utilisés contre le VIH, effecteurs du récepteur ACE2, antileucémiques, et pourquoi pas la nicotine ou même la chlorpromazine, cette molécule présentant un intérêt car si elle peut soigner le Covid-19, elle peut aussi avoir un effet sur tous les « schizoïd men du 21ème siècle ». La stratégie du repositionnement est la seule envisageable. On ne sort pas des éprouvettes un traitement miracle en deux mois. De plus, une molécule nouvelle nécessite, même en accélérant les procédures, un minimum de deux à trois ans pour sécuriser l’utilisation après plusieurs phases d’essais. En deux ans, le virus aura eu le temps d’infecter plus d’un milliards de gens. Le repositionnement des médicaments concerne essentiellement les patients en stade sévère admis à l’hôpital et dans une mesure moindre, les gens détectés pouvant entrer dans des phases expérimentales, comme par exemple l’essai Coverage du CHU de Bordeaux qui risque d’avorter faute de trouver les mille séniors prévus dans le protocole. Pour le reste, on constate que les traitements du stade sévère échouent, y compris l’anticorps monoclonal dirigé contre l’IL-6 et censé freiner la cascade inflammatoire ; un médicament déjà utilisé pour d’autres pathologies, 850 euros l’injection. Pour le stade précoce, nul n’a encore pensé à tester le Bacillus subtilus, excepté votre serviteur. Et il y sans doute d’autres possibilités, non pas pour guérir tout le monde mais réduire le nombre d’infectés passant au stade sévère. Encore faut-il comprendre la maladie et construire un modèle théorique.
https://www.agoravox.fr/actualites/technologies/article/nouveau-modele-transversal-du-224084
Il faut se préparer à une éventualité. Il n'y aura ni traitement réellement efficace sur la plupart des patients, ni vaccin. En 15 ans de recherche aucun vaccin potentiel n'a été fabriqué contre le SARS de 2003.
4) La partie continue et la science étudie le nouveau virus comme elle l’a fait pour le SARS de 2003 ou le MERS de 2013, avec des moyens plus perfectionnés mais sans nouveau modèle réellement innovant. Les résultats ne cessent de tomber et les études in vitro sont nombreuses mais limitées car pour étudier les virions, il faut tout de même un laboratoire de niveau P3. On sait à peu près tout sur la génomique virale, les mutations, la traduction des séquences ouvertes, avec les 16 nsp, les protéines structurales, M, N, E et surtout la fameuse S, Spike, clé d’entrée, un trimère de taille considérable (dont le monomère oscille entre 1200 et 1450 acides aminés, près de dix fois celui de l’hémoglobine) possédant 3 fois 22 sites de glycolysation. C’est la tendance forte qui se dessine, l’étude du glycome, autrement dit des sucres de surface qui permettent au virus d’entrer dans les cellules mais aussi d’être pris en charge par la patrouille immunitaire, avec les récepteurs Toll-like 3 utilisés dans l’immunité innée ainsi que les protéines MBL activant le complément. Les sucres de surfaces constituent un langage extrêmement compliqué, bien plus que celui des acides aminés et des nucléotides. C’est la grande affaire moléculaire du siècle.
D’autres résultats n’ont cessé d’arriver, dosages immunologiques, activation des défenses, interleukines, fusion virale, ouverture, pénétration dans le sas membranaire avec la protéase TPRMSS2, sortie du sas avec une autre protéase. Etudes in vivo, in vitro, in silico. Mais toujours en repositionnant les méthodes déjà employées en infectiologie, microbiologie, virologie, biologie cellulaire et biochimie. Des études plus subtiles et complètes, transversales, sont en cours. Elles visent à comprendre comment le virus s’y prend pour réaliser son infection dans un organisme hôte dont on cherche à cerner les défenses.
5) La seconde manche scientifique se dessine. La partie scientifique réalisée avec les cadres conventionnels ne devrait pas produire de scoop scientifique sur le Covid-19, pas plus qu’elle n’en a généré depuis 2003 avec le SARS premier et 2013 avec le MERS. On connaît pratiquement tout des mécanismes moléculaires sauf l’essentiel, pourquoi des patients se défendent et d’autres non. L’étude de cette énigme recèle peut-être des clés thérapeutiques, ou peut-être pas. Une nouvelle partie pourrait alors commencer, en utilisant des cadres un peu moins conventionnels, un peu plus dégagé des œillères mécanicistes héritées d’il y a un siècle. Le virus mène une guerre de l’information et doit être étudié avec de nouveau paradigmes, ceux mettant au centre de la vie les processus de communication, coopération, synergies émergentes, réponses sémantiques, interprétation des signaux, ajustement des réponses de défense contre l’ennemi qui perce les lignes Maginot sémantiques et s’infiltre dans les cellules pour se répliquer et envahir d’autres zones.
Il y a une seconde partie scientifique à jouer, celle de la science d’après, avec les nouveaux paradigmes à construire, en virologie, microbiologie, immunologie. C’est une belle aventure qui commence. Ces nouvelles pages de la biologie et de la médecine devraient s’écrire plutôt en Amérique, en Russie, peut-être en Corée, voire en Allemagne, bref, dans des pays où la théorie biologique n’est pas une aberration, contrairement à la France dans laquelle seule l’expérience compte. La France m’a déçu (En caricaturant, l’impératif pour les doctorants français c’est : ne pense pas, tais-toi et bosse à la paillasse en exécutant la feuille de route que ton patron a rédigée). La théorie sera la clé de la réussite pour comprendre le Covid-19. La thérapie sera possible ou pas.
Le paradigme des émergences et communications complété par le darwinisme sémantique pourrait jouer un rôle déterminant dans la seconde partie scientifique jouée avec le SARS-CoC-2.
L’information et la scène du monde, Iste éditions, 2017
https://iste-editions.fr/products/linformation-et-la-scene-du-monde
Temps, émergences et communications, Iste éditions, 2017
https://iste-editions.fr/products/temps-emergences-et-communications
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