Piratage : et si Hadopi n’était pas un fiasco ?
L'ennemi public numéro un du Web libre en France a d'abord fait trembler les internautes... avant de les faire franchement marrer au regard du nombre famélique de poursuites engagées par Hadopi. Pourtant, à y regarder de plus près, la Haute Autorité n'a-t-elle pas atteint son but ? Le piratage d'œuvres numériques est en chute libre et les mentalités ont singulièrement évolué en quelques mois.

Commençons par le commencement... Il ne s'agit pas d'affirmer qu'Hadopi est le preux chevalier qui a sauvé l'industrie du divertissement (musique, cinéma, jeux vidéos) de la faillite. En revanche, on peut décemment se demander si pendant que tout le monde se gausse sur les ratés de la mise en œuvre de l’arsenal pénal anti-pirates, Hadopi n'est pas, très discrètement, en train de remplir ses objectifs principaux : criminaliser la perception du téléchargement illégal et promouvoir les offres légales.
Téléchargement illégal : les raisons de la baisse
Le téléchargement illégal est indéniablement en baisse depuis deux ans. En 2011, la chute a été spectaculaire avec -35% de téléchargement en peer to peer. Un décrochage qui coïncide avec l'entrée en vigueur d'Hadopi même si d'autres motifs peuvent également l’expliquer.
Tout d'abord, il est indéniable que les modes de consommation des "pirates" numériques ont évolué au fil des années et que le peer to peer autour duquel a été conçu Hadopi est aujourd’hui en perte de vitesse face à de nouvelles formes de visionnage (notamment le streaming).
Mais même en prenant en compte ce contexte, il serait absurde de minimiser l’impact des mesures dissuasives et pénales en France et à l’étranger (où des législations similaires à Hadopi se sont multipliées) : le principal site de streaming illégal (Megavideo) a été fermé et il devient de plus en plus difficile pour l'internaute lambda de trouver facilement des contenus de qualité à visionner ou télécharger.
Et comme en parallèle l'industrie de la musique et du cinéma semble (enfin) avoir pris la mesure de la nouvelle donne numérique, la mise en place d’Hadopi a coïncidé avec l’explosion du nombre de plateformes légales de téléchargement et de streaming.
De iTunes à Deezer, en passant par Spotify ou les programmes en VOD désormais disponibles sur la majorité des télévisions, l'offre légale s'est considérablement étoffée et représente désormais une alternative crédible pour des internautes de moins en moins geeks et de plus en plus consommateurs qui préfèrent payer plutôt que de se lancer dans l'aventure du téléchargement ou du streaming illégal.
Et Hadopi dans tout ça ?
Avec Hadopi, on est certes loin de l'arme de dissuasion massive présentée à son lancement par les autorités et les gros bras de la production audiovisuelle et musicale... On aurait pourtant tort de considérer qu’il s’agit d’un fiasco total.
Certes, le bilan judiciaire d'Hadopi a de quoi faire sourire (ou faire pousser un ouf de soulagement) : trois décisions judiciaires en 18 mois d’existence, dont une condamnation à 150 euros d'amende pour le téléchargement de deux chansons de Rihanna, une relaxe et une condamnation avec dispense de peine.
Beaucoup de bruit pour rien ? Peut-être, sauf que l'objectif des promoteurs d'Hadopi n'a jamais été de faire condamner la France entière, mais bel et bien de faire évoluer les perceptions pour que le piratage d'œuvres numériques ne soit plus banalisé.
Et dans ce contexte, on ne peut pas dire que l'échec de la Haute autorité soit total. Au-delà des chiffres et des offres légales, il est indéniable que la vision du piratage a changé en France. Il demeure certes des puristes de la liberté du Web qui restent et demeureront attachés à un accès universel et gratuit aux œuvres numériques... mais quid de l'internaute moyen ?
S'il est impossible de déterminer avec précision le rôle joué par Hadopi, il serait absurde d'affirmer qu'il est nul dans la nouvelle donne numérique. Les symboles ont parfois autant, voire plus de poids que les actes. Et dans ce contexte, la création très médiatisée (notamment par ses opposants) d'Hadopi a contribué à changer la perception du piratage.
Doit-on s'en réjouir ? En tout cas, il est absurde de ricaner sur ses insuffisances quand elle a atteint ses véritables objectifs.
44 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON