Plus vite que la lumière !
Ça, on ne peut plus s’asseoir sur une connaissance sans qu’elle nous pète au nez tôt ou tard. Les certitudes les plus bétonnées, les tranquilles assurances, ça te prend une de ces gueules quand ça lâche ! Et pas la peine de s’accrocher à la rambarde : les vis se sont fait la malle.

Bon, il ne reste qu’à plonger avec le Titanic de la science, une des certitudes les mieux ancrées de ces dernières décennies : la vitesse de la lumière n’est plus la limite infranchissable que l’on pensait. Des neutrinos la dépassent ! Pas de grand chose : 6 km/seconde sur 300‘000. Un peu comme quand une 2 chevaux tente de dépasser un camion des années 50 dans une côte : au bout d’une demie-heure elle a péniblement atteint la moitié de longueur du camion...
N’empêche : la vitesse de la lumière était supposée être le must en matière de mobilité douce. Ce ne serait plus le cas.
Enfin, n’allons pas trop vite : rien n’est encore certain. Les physiciens du CERN et les italiens de San Grasso n’ont après tout testé que 15‘000 fois leur expérience. Et c n’est pas parce qu’ils ont obtenu 15‘000 fois le même résultat qu’ils ont décroché le prix Nobel. Cette expérience avait déjà été réalisée aux Etats-Unis. Et bien ce n’est pas encore assez. Les chercheurs demandent que d’autres équipes recommencent des milliers de fois la même expérience pour la valider.
J’adore les scientifiques : ils ne croient jamais au premier résultat. Ils essaient, recommencent, critiquent, cherchent la faille, et n’affirment (temporairement) que quand ils ne peuvent plus faire autrement.
Comment expliquent-ils cela ? Soit en effet des neutrinos vont réellement plus vite que la lumière, soit ils traversent des dimensions encore inconnues, des sortes de « raccourcis ». De là à dire que les neutrinos trichent...
Donc on ne sait pas quelle est la bonne explication. Mais les résultats montrent que ces neutrinos, lancés à toute vitesse dans un tunnel de 732 km sous les Alpes, arrivent avec 20 mètres d’avance sur la lumière. Soit 60 nanosecondes. N’essayez pas de compter, vous n’arriverez pas à vous la représenter. Une nanoseconde c’est un milliardième de seconde : 0,000000001 seconde. Cette infime durée existe puisqu’on la vit, mais nos sens ne sont pas programmés pour se la représenter ou la ressentir. Même si l’on fait « Bip » très rapidement, au mieux on sera à un centième de seconde. Et encore : le déclenchement de la voix et son arrêt demandent un temps fou !
Mais avec tout cela que devient Einstein ? Sa théorie est-elle erronée ? Pas forcément. D’abord il faut encore vérifier avant d’avoir une certitude. D’autre part il pourrait avoir raison dans un certain ordre de vitesse, comme Newton avait raison dans un autre ordre de vitesse. A l’époque de Newton on percevait le temps et la vitesse d’une certaine manière. Pour Newton le temps est fixe, il est le même pour tous les observateurs. C’est juste et cela fonctionne pour des ordres de masses et de vitesses relativement peu importantes. Au niveau de l’univers, la relativité d’Einstein est plus adéquate : le temps varie selon la position de l’observateur. Aujourd’hui nous allons peut-être découvrir qu’il y a encore d’autres aspect de l’univers, au-delà du connu. Un peu comme un système de poupées russes.
Tout le monde scientifique ne crie pas encore à la découverte. Un spécialiste français de la théorie des cordes, Thibault Damour, l'un des cinq professeurs permanents de l'IHES (Institut des hautes études scientifiques), est plus prudent. Interviewé par Le Point il déclare entre autres :
« Si vraiment on avait franchi la vitesse de la lumière, ce serait passionnant, car rien n'est tabou en physique, mais le dépassement qu'ils ont observé est tellement énorme - 2 10-5 (comprendre deux dix moins 5) - que cela paraît peu probable. Sachez que la relativité restreinte, qui est là en cause, a déjà été testée avec 22, voire 27 décimales ! D'autre part, en 1997, l'explosion d'une supernova a bombardé la Terre de neutrinos. Or ceux-ci sont arrivés exactement en même temps que la lumière, compte tenu du décalage des émissions de la lumière et des neutrinos au départ. »
Betelgeuse, étoile géante de la constellation d'Orion, serait sur le point d'exploser : on pourra refaire les tests in vivo.
N’empêche, si cela se vérifie, rien n’empêche de penser que bientôt on prendra un engin superrapide pour aller passer ses vacances sur un système planétaire du côté d’Alpha du Centaure, une des étoiles les plus proches de nous à 4,37 années lumière. Soit à peine 280‘000 fois la distance Terre-Soleil.
Ben quoi : on a le droit de rêver, non ?
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