Que sont la matière et l’antimatière du point de vue particulaire ?
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La vision conventionnelle, admise par une majorité physiciens et connue du public instruit, conçoit l’antimatière comme l’ensemble des antiparticules, ce qui semble logique puisque la matière est composée de l’ensemble des particules. Cette conception appartient à ce qu’on peut désigner comme l’ontologie classique de la matière, autrement dit la conception héritée de l’atomisme et qui prend comme constituant fondamental de la « matière » la particule. L’atome est composé de trois particules, neutron, proton, électron. L’anti-neutron, l’anti-proton et le positron sont les trois anti-particules correspondantes et ont été identifiées grâce aux collisions à hautes énergies (sauf l’antineutron, indiscernable du neutron). Par la suite d’autres particules, de masse plus élevée, ont été détectées. Elle appartiennent à deux familles, celle des hadrons, à laquelle appartiennent le proton et le neutron et qui sont « soumis » à l’interaction forte. Les leptons, comme l’électron ou le positron, ne sont pas « soumis » à l’interaction forte. Les expériences menées grâce aux énergies de plus en plus élevées ont permis de trouver des dizaines de nouvelles particules. Notamment dans la famille des hadrons. Chaque particule possède un double sous la forme d’une antiparticule. Les deux possèdent le même spin mais leurs autres nombres quantiques sont opposés, comme par exemple la charge ou l’isospin. On lit souvent que dans la nature, seule existe la matière. Ce qui donne une image approximative. Tout ce qui interagit, dans le monde physique ou vivant, avec les molécules, les cellules, la perception, repose sur des processus matériels. C’est ce que l’on peut dire et c’est trivial en apparence.
Ces particules ont une durée de vie infinitésimale. Ce sont des détails évanescents et éphémères saisis au vol dans les collisionneurs qui semble-t-il, permettent de découper la « substance quantique » et non pas de trouver les briques fondamentales supposées contenues dans les particules de l’atome. Des détails certes mais aussi des caractérisations précises sur ces particules qui se classent en deux autres familles, les fermions et les bosons. Grosso modo, les fermions ont un spin demi entier et ne peuvent pas occuper le même niveau d’énergie alors que les bosons le peuvent. Les leptons dont fait partie l’électron sont des fermions. Les hadrons sont des fermions quand ils sont baryons et des bosons quand ils sont mésons. Tous ces détails révèlent des éléments d’une « substance » qui semble régner derrière la « matière ordinaire » du monde visible et corporel que nous connaissons par l’expérience. On peut légitimement penser que les questions et problèmes découlant de la physique quantique et des particules sont de nature systémique. Autrement dit, il est question de la partie et du tout. Cette conjecture systémique a rarement été considérée dans le domaine quantique mais elle a dominé une partie du champ épistémologique couvrant les systèmes auto-organisés, les systèmes vivants et les ensembles sociaux, avec la question de l’émergence. L’auto-organisation a même été décrétée paradigme universel autour de 1980.
Que peut-il bien émerger d’un ensemble de particules ? Un lacunaire élément de réponse nous est fourni par le comportement des bosons et fermions qui obéissent à deux statistiques différentes valables pour des particules maintenues ensembles, indiscernables, dépourvues d’interactions et dans une situation d’équilibre thermodynamique. Les bosons obéissent à la statistique de Bose-Einstein et occupent le même « état microphysique ». Les fermions sont régis par la statistique de Fermi-Dirac ; ils occupent des « états » distincts. Une autre formulation de ce phénomène a été proposée par Pauli et son principe d’exclusion qui notamment, explique qu’un niveau d’énergie ne peut pas être occupé par plus d’un électron. A l’inverse, plusieurs bosons peuvent occuper le même niveau d’énergie. La curiosité philosophique interroge ces phénomènes. Qu’est-ce qui cause la répartition des fermions sur des niveaux d’énergies distincts ? N’y aurait-il pas une sorte de détermination informationnelle contenue dans la « substance quantique » ? Une détermination qui se transmettrait aux particules fermioniques. Ce qui suggère d’employer une fois de plus ce nouveau cadre ontologique inspiré de l’hylémorphisme aristotélicien et qui conçoit la « matérialité » sous l’angle d’une dualité forme/énergie (Dugué). Le fermion serait plus du « côté » de la forme et le boson du « coté » de l’énergie.
Si le principe d’exclusion est opérationnel dans le champ expérimental, il n’en reste pas moins une curiosité pour le philosophe dont le « métier » est de questionner l’ordre des choses quand il ne va pas de soi. Imaginons que le fermion se comporte comme s’il « savait » dans quels états se trouvent les autres fermions. Ce qui suppose quelques influences cachées et non locales au sein de la « substance quantique ». Mais si l’on admet qu’il n’y a pas d’ontologie des particules, alors une solution passe par l’idée d’un ordre informationnel non local qui se transmettrait aux manifestations phénoménales « exprimées » à partir de la substance quantique. Cette idée rejoint l’hypothèse de l’holomouvement de Bohm. Avec un ordre déplié et un ordre implié, celui-ci étant surdéterminé, contenant peut-être ces étranges anti-particules qui en réalité, pourraient bien se concevoir comme des formes négatives, ou des informations négatives. Si la particule n’est pas un élément basique mais une forme insérée dans un ordre informationnel global, alors la théorie des champs devrait permettre d’en savoir un peu plus sur la « nature » des antiparticules et aussi de l’antimatière.
A suivre pour des analyses plus étonnantes, la physique et la philosophie étant loin d’avoir épuisé le questionnement. Vous n’avez sans doute lu dans ce billet qu’un flyer métaphysique.
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