Reconnu coupable par son GPS
Eric Hanson croyait s’en tirer à bon compte après l’assassinat de sa famille. Jack McCoy mit la main sur son GPS auto et redirigea l’accusé vers la chaise électrique.
Eric Hanson, 33 ans, vendeur dans l’immobilier, s’est d’abord rendu au domicile de sa sœur Kate (Katerine Hanson-Tsao, 31 ans, informaticienne dans la fonction publique) à Aurora dans l’Illinois, a frappé celle-ci au visage avec un club de golf pendant qu’elle lui ouvrait la porte, puis s’en est pris à son mari Jimmy Tsao (34 ans, dirigeant de PME informatique) en lui fracassant l’arrière du crâne avec le même instrument. Il emprunta ensuite son véhicule pour se rendre au ranch de ses parents à Naperville dans le Minnesota, rejoignit sa mère Mary (Marylin Hanson, 57 ans, courtière en assurances) dans la cuisine et lui tira une balle dans la tête. Dans le garage, il abattit son père Terry (Terrance Hanson, 57 ans, directeur commercial dans la grande distribution) qui tentait de s’enfuir à bord de sa voiture en réalisant ce qui se passait.
Le lendemain, une patrouille de police repéra une Chevrolet Trailblazer dont la couleur et l’immatriculation étaient conformes à celle signalée depuis quelques heures. Eric Hanson fut appréhendé dans son trajet vers Bloomington (Wisconsin) où réside sa plus jeune sœur, Jennifer Hanson. Quelques heures après les quatre assassinats, il lui téléphona pour fixer un rendez-vous. Mais lorsque que la demoiselle n’obtint aucune réponse des téléphones fixes et mobiles de ses parents, de sa sœur Kate et encore moins de son beau-frère Jimmy, elle se douta de quelque chose et abandonna son domicile pour se réfugier dans un poste de police. L’absence et le silence des quatre victimes auprès de leurs collègues suscitèrent également de nombreuses inquiétudes. Les corps de Kate et de Jimmy furent découverts en milieu de journée par Chiu-Ter Tsao (frère de Jimmy), ceux de Terry et Mary par leur personnel de maison.
Auparavant, l’accusé avait séjourné à plusieurs reprises derrière les barreaux pour faux et usage de faux, cambriolage et vol à main armée. Il avait dérobé 80 000 dollars par chèques et cartes de crédit à ses parents et à Kate qui, apparemment, en avaient plus qu’assez. Ses multiples méfaits furent d’ailleurs la source de récurrents conflits familiaux. La veille du meurtre, il avait transféré 13 800 dollars du compte de son père vers le sien en abusant astucieusement de l’identité de sa mère. Après avoir commis le premier double homicide, Eric retira la bague en diamant du doigt de Kate et la montre Rolex du poignet de Jimmy...
L’enquête établira qu’Eric avait souvent menacé Kate de mort si jamais elle évoquait son cas avec leurs parents ou avec Jennifer. La « frangine » affirma aux enquêteurs avoir récemment échangé avec son aînée - par téléphone et par internet - de mauvais pressentiments au sujet d’Eric.
Bref, Eric Hanson n’a rien pour plaire et tout l’accable. Les enquêteurs se demandèrent comment il a pu commettre autant de crimes, a fortiori aussi froidement et aussi efficacement sur une timeline de 13 heures. L’intervention d’un ou plusieurs complices fut d’ailleurs envisagée. Mais après plus de 24 heures d’interrogatoire serré, l’unique suspect clamait toujours son innocence, jurant être rentré chez lui le soir du meurtre après quelques verres avec sa petite amie.
Aux yeux du procureur, les agissements d’Eric Hanson suggéraient fortement la préméditation, tous les indices convergeant de surcroît vers sa seule personne. Le fait qu’il ait pris une douche et nettoyé ses vêtements au lave-linge cette nuit-là ne joue guère en sa faveur. Mais la plus forte trahison proviendra du récepteur GPS auto : l’option « retour en arrière » a mémorisé tous les trajets et toutes les requêtes effectuées par l’accusé. Mieux : après examen minutieux du super-gadget par le FBI Crime Lab, il sera établi qu’Eric Hanson en personne a éteint ce dispositif quatre à cinq minutes avant chaque double meurtre puis l’a rallumé peu après. Il fut condamné par le jury à la peine de mort.
Ce n’est guère la première fois que police et justice usent des technologies mobiles pour retracer précisément les déplacements d’un suspect, la triangulation des téléphones portables et l’archivage de leurs communications étant des classiques en la matière. Le succès faramineux des terminaux GPS portables et des services télécoms de géolocalisation donnent désormais du grain à moudre aux autorités.
Aux Etats-Unis, inspecteurs de police et procureurs installent régulièrement des mouchards GPS dans les véhicules suspects, toujours à l’insu de leurs conducteurs et très souvent sans mandat ou sans l’accord d’un juge. Aujourd’hui encore, ces initiatives provoquent un tollé chez les associations pour les droits civiques et les libertés électroniques : toutes invoquent le quatrième amendement protégeant les données GPS contre les perquisitions et les saisies sans mandat. Les juges ne sont absolument pas de cet avis.
A l’image des moteurs de recherche ou des réseaux sociaux, nos objets nomades (mobile, PDA, GPS, ordinateur portable) en disent plus long sur nous que quiconque. L’Etat n’a pas manqué de saisir une si belle balle au bond en farfouillant ces entrepôts ouverts de données personnelles, dérive sécuritaire à la Minority Report en sus.
La technosurveillance généralisée serait-elle le prix de l’interconnexion permanente ? Dans des cas plus litigieux de géolocalisation, comment distinguer les informations concernant le véhicule de celles concernant effectivement son propriétaire, notamment face à une police et à une justice plus soucieuses de leurs quotas que de l’établissement de la stricte vérité ? Last but not least : peut-on réellement et durablement décrocher de notre dépendance croissante à ces joujoux high-tech, à la fois compagnons nécessaires et auxiliaires de police ?
Depuis peu, le Département de la justice implique les équipementiers GPS comme Tom Tom, Garmin et Magellan – pour ne citer qu’eux – dans ses procès contre les trafiquants maritimes de drogue en provenance d’Amérique latine et des Caraïbes. Il revient à l’accusation de prouver que le défendant détenait et utilisait bel et bien le dispositif au moment des faits. Peu à peu, ce procédé s’est étendu aux affaires criminelles et débordera certainement sur les affaires matrimoniales : les avocats ne comptent guère s’en priver pour prouver l’adultère.
Vous pointez dans la bonne direction, cher Maître...
New York Times : Police using GPS units as evidence in crime
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