Téléchargement de livres complets sur Google : rêve devenu réalité ?
Google est dans une quête perpétuelle de maximisation du contenu (gratuit) de son index et disponible sur Internet en général. L’objectif est clair : maximiser les espaces publicitaires collatéraux à ces contenus, afin d’avoir un maximum d’exposition pour ses publicités Adwords/AdSense en mode pay-per-click qui sont au coeur de sa stratégie (voir le graphique de ce billet).
Constatant qu’un immense contenu se trouvait dans les livres non accessibles sur Internet, Google (copié par Yahoo et Microsoft unis dans l’Open Content Alliance - OCA) a entrepris dès 2004 de les digitaliser : c’est le service Google Print, renommé Google Books (voir le site français), en chemin.
Dans cette croisade, il a provoqué depuis longtemps des différends avec les éditeurs, car cette quête du contenu universel gratuit est clairement et souvent en opposition avec les intérêts des maisons d’édition.
Celles-ci le lui rappellent souvent : en France, le dernier exemple en date est le procès des éditions de La Martinière contre Google Books pour violation des droits d’auteur. Suivent de multiples péripéties juridiques avec les auteurs et éditeurs américains (sans parler du procès AFP autour des dépêches en ligne...)
Mais aujourd’hui, Google frappe très fort : la BBC annonce qu’il va proposer gratuitement le téléchargement en ligne de livres complets (format PDF issu de la numérisation) pour lesquels les droits d’auteur sont tombés. Le blog principal de Google et celui dédié à Google Books confirment chacun la nouvelle.
[Exemple : une traduction anglaise de L’Enfer (La Divine Comédie) de Dante de 1833 - le livre complet en PDF est accessible sur cette page (le petit bouton "Download" donne accès aux 437 pages du livre intégral pour 5,1 Moctets seulement !)]
Sachant que les droits ne durent que quelques dizaines d’années (le "quelques" étant variable, selon les pays), cela va donner un accès gratuit à des millions de livres à M. Tout Le Monde depuis son PC. Cela veut dire, par exemple, Molière, La Fontaine, Jean-Jacques Rousseau, Platon, etc., accessibles sur chaque PC de la planète.
Mon coeur balance :
- c’est très bien pour la diffusion de la culture sur la planète : chaque individu va pouvoir accéder à de tels chefs d’oeuvre. Actuellement, il est sûrement difficile (et coûteux) de trouver des éditions originales d’auteurs classiques hors de leurs pays !
- mais ces classiques hors de droits sont encore commercialisés et font les beaux jours de certaines maisons d’édition et imprimeries. Des drames sociaux en perspective ?
Je suis sûr que cela va générer des tonnes de nouvelles batailles juridiques avec les éditeurs ! (Même si le mouvement de base de Google semble à 100% légal, puisque les droits d’auteur sont tombés, pour les livres choisis).
Autant Google pouvait plus ou moins "se les mettre dans la poche" en partageant les revenus Adwords de Google Books et en générant des leads pour ces livres vers Amazon ou Alapage.com, mais là, il va avoir du mal à expliquer qu’il n’est pas en train de scier la branche sur laquelle ils sont assis !
De toute façon, je ne comprends pas ce mouvement de Google par rapport à la stratégie évoquée en préambule : en quoi cela augmente-t-il l’activité de recherche sur son moteur et les espaces publicitaires correspondants ? Au contraire...
Pour boucler sur une note positive, les marchands d’imprimantes PC et de consommables peuvent se frotter les mains ! Ce qu’on appelait encore humoristiquement le "copillage" récemment va exploser....
Mise à jour :
Olivier Ertzcheid - qui dans son billet très fouillé détaille aussi toutes les conditions du deal entre Google et les universités américaines - nous livre son point de vue d’universitaire français qui pense que c’est un marché de dupes.
Il écrit : "Au final le marché de dupe est le suivant : chacun des 2 partenaires reçoit "sa" copie, une copie à usage interne si l’on veut. Mais le marchand (Google) s’ouvre tous les droits sur la sienne et les copies de la sienne (impression, téléchargement, revente ...) et impose au bibliothécaire un usage fermé et stérile de la sienne (pas de revente ni de cession, pas de téléchargement depuis les sites universitaires, etc.). Une forme revendiquée d’eugénisme documentaire.
On appréciera le cynisme du billet annonçant la nouvelle sur le blog de Google : "Now, with the help of our wonderful library partners, we’re able to offer you the ability to download and read PDF versions" ...
Chaque nouvelle bibliothèque contractante, en même temps qu’elle assure une visibilité de ses fonds et à l’impression de contribuer à la dissémination mondiale de la culture, fait faire un irrémédiable pas en arrière de plus à l’ambition d’une bibliothèque universelle.
Et pour parachever le tout, nos chères bibliothèques n’ont d’autre choix que d’accepter le cadeau "empoisonné" de Google qui consiste à opter pour une solution hébergé, le temps de la numérisation : c’est à dire que les oeuvres seront disponibles sur le site de Google uniquement, le temps que les université aient mis en place les capacités de stockage et de bande passante nécessaires ... "
Pas tendre, Olivier, mais sûrement très réaliste sur beaucoup de ses arguments !
Le débat va être brûlant mais passionnant : sur le fond, il dépasse très largement le sujet Google Books pour poser de grandes questions de société sur le rôle de nos institutions académiques, l’utilisation commerciale des biens publics, etc...
Nous vivons vraiment une époque très spéciale dans notre Histoire !
Source : blog Media & Tech (par didier durand)
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