Un GNU qui nous Unit !
Ce mercredi 13 janvier avait lieu une conférence enthousiasmante pour tous les geeks de la cité des Gaules : Richard Stallman lui-même au Grand Amphithéâtre de l’université Lumière Lyon 2 ! RMS, comme il se fait appeler, fondateur de GNU, venait nous parler du logiciel libre. Qui de mieux qualifié ?
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH188/0d8166794b4d10d8-db888.jpg)
Son arrivée dans l’amphithéâtre fut marquée par un mouvement de masse vers la position debout et une salve d’applaudissements. Le président de l’université était bien dépité. Il n’avait pas conscience qu’une telle « star » était face à lui. Il introduisit la conférence d’un bref discours sur les utopies et les utopistes. C’est approprié quand on reçoit le papa de GNU.
Richard Matthew Stallman se fit connaître en créant GNU Emacs, un éditeur de texte libre. Il le fera tourner sur le système d’exploitation GNU. Cependant, le noyau de ce système n’ayant jamais bien fonctionné, il emprunta celui d’Unix, Linux. Ainsi naquit le système généralement connu sous le nom de GNU-Linux. C’est d’ailleurs de la que vient le nom de GNU. Il s’agit de l’acronyme récursif "Gnu’s Not Unix" (Gnu n’est pas Unix), pour expliciter la différence entre les deux.
Mais qu’est-ce qu’un logiciel libre ?
Vous en avez peut-être déjà utilisé. Open Office, Gimp... la liste est longue1 ! Les logiciels libres ont en commun qu’ils respectent quatre libertés qui sont fondamentales pour tout libriste.
Liberté 0 : La liberté d’exécuter le programme – pour tous les usages ;
Liberté 1 : La liberté d’étudier le fonctionnement du programme – ce qui suppose l’accès au code source ;
Liberté 2 : La liberté de redistribuer des copies – ce qui comprend la liberté de vendre des copies ;
Liberté 3 : La liberté d’améliorer le programme et de publier ses améliorations – ce qui suppose, là encore, l’accès au code source. 2
Contrairement à ceux de Microsoft qui vous coûtent l’épiderme d’un arrière-train, les logiciels libres sont gratuits. Si vous en désirez un, il suffit de le chercher sur internet, puis de le télécharger. « Et la licence ? » me demanderont, inquiets, les plus dociles. Les logiciels libres ont pour la plupart une licence GNU-GPL, c’est-à-dire la Licence Générale Publique GNU. Vous avez sûrement déjà vu le logo : ©. Le copyright protège les droits d’auteurs. Mais qui protège les droits des utilisateurs ? Le copyleft ! Il est inclus dans la GNU-GPL. Jeu de mot que l’ont pourrait traduire par « gauche d’auteur », le copyleft a son propre logo et ses propres contraintes. En effet, si vous obtenez un logiciel copyleft, en le diffusant et le modifiant vous devrez continuer à observer le copyleft. Hors de question de bloquer l’accès au code source d’un logiciel libre qu’on a amélioré ! Interdit d’interdire en somme. 3
Les logiciels privateurs
« Logiciel privateur », un terme inventé par RMS pour désigner ceux qui ne respectent pas les 4 libertés. Ils privent leurs utilisateurs de leurs libertés et des pleines capacités du programme.
Stallman insiste sur un dilemme moral qui vous a peut-être déjà été posé. Si un ami a besoin d’un logiciel que vous possédez, vous aurez envie de lui en donner une copie. Cependant, avec les logiciels privateurs, cet acte est illégal ! Richard Stallman, quant à lui, conclut que, personnellement, il considère « ne pas aider son prochain » comme plus grave que « rompre un contrat », et donnerait donc tout de même la copie.
La liberté 0 n’est pas claire pour tout le monde. Tous les logiciels ne vous laissent pas en faire ce que vous voulez, ou du moins vous enfreignez leur licence sans le savoir. Par exemple, certains outils de bureautique produisent des fichiers que vous avez le droit de diffuser dans le cercle familial et amical, mais pas pour un usage commercial. Le simple fait pour un entrepreneur d’envoyer un texte au format .doc à un client alors qu’il n’a qu’une édition familiale de Microsoft Word l’expose à des sanctions. Autre exemple plus croustillant : certains logiciels de publication en ligne interdisent de publier un contenu critiquant péjorativement le dit logiciel.
Qui a dit pirate ?
Si vous parlez des pirates, Stallman vous répondra que « attaquer les navires est très mal ». Si vous précisez « pirate informatique », il vous expliquera que les informaticiens ne sont pas armés et ne sont donc pas des pirates.
A ce stade, il est clair que la position de Stallman et son projet dépendent d’une idéologie, une éthique de vie à laquelle il est fidèle depuis de nombreuses années. Francophone et francophile, il prononça trois mots au début de la conférence : Liberté, Égalité, Fraternité.
En observant la devise française il critique les lois Davdsi et Hadopi. Pour lui, Nicolas Sarkozy doit certainement détester notre devise pour avoir de telles idées. Cela se défend bien ! En effet, l’informatique associé à internet est censé faciliter la diffusion de la culture, le partage des données, et l’État décide de rendre cette pratique illégale. Nous devons rester dominés, c’est ce qui est voulu.
Si on observe bien les quatre libertés fondamentales du logiciel libre, non seulement elles mettent en avant la devise française, mais en plus elles représentent une vision vertueuse de la démocratie. Le monde des libristes est une cyber-démocratie dont chaque habitant travaille de son mieux. Les habitants s’entraident, s’échangent des outils et des idées. Parfois les outils sont défectueux ou obsolètes, et si vous n’avez pas le temps ou les capacités de régler ce problème, un autre habitant le fera et vous y donnera accès à la solution. Bien sûr, les logiciels libres sont perfectibles, c’est d’ailleurs pour cela qu’ils sont libres : « Nous ne pouvons pas être parfait, mais nous pouvons garder la liberté ». Ainsi la solidarité fonctionne-t-elle dans le monde des logiciels libres.
Rendez-nous 1984 !
Imaginez qu’une entreprise, sous prétexte que vous utilisez son produit, puisse effectuer des modifications chez vous. Elle reprise vos chaussettes, jette vos vieux jouets d’enfance pour les remplacer par des neufs que vous ne connaissez pas, arrose les plantes en oubliant qu’il ne fallait pas arroser le cactus tous les jours. Bref, elle y met de la bonne volonté à améliorer votre chez-vous mais ne vous connaissant pas, elle commet des petites bêtises. En plus, vous n’étiez pas prévenus. Vous n’avez même pas assisté à la scène. On vous a bandé les yeux, puis vous avez eu la surprise.
C’est ce qui se passe dans votre machine lorsque Windows fait une mise à jour. « On sait que la sécurité sur Windows est faible, mais la sécurité de Windows contre Microsoft est inexistante ! » En effet vos fichiers peuvent être observés un par un car Microsoft a la clé de la porte d’entrée de votre machine. Il entre et fait ce qu’il veut.
RMS donna un fait concret de l’actualité pour expliciter la dangerosités de ces « portes » qu’utilisent les logiciels privateurs pour s’inviter chez leurs utilisateurs. Amazon vend désormais Kindle, un appareil permettant la lecture de livres électroniques. Un beau matin, un livre avait disparu de toutes les machines l’ayant acheté, prise de notes y compris. Ce livre était... 1984 de Georges Orwell ! Un coup du hasard ? Une lecture ou une relecture de ce roman, aujourd’hui, n’est que vivement recommandée.
Esclavagisme
Allant toujours plus loin dans son raisonnement, Stallman présente les logiciels privateurs comme des dominateurs. Nous sommes soumis à leur licence liberticide. Nous devons payer et payer à nouveau la moindre amélioration sans que la possibilité nous soit laissée de nous débrouiller nous-même.
On doit se taire, payer et consommer bêtement. Sans curiosité. Sans travail de notre part.
C’est la société de consommation dans toute la splendeur de sa capacité à médiocriser l’être humain.
Moins nous en savons, moins nous essayons d’en savoir, plus nos dominants sont heureux.
Pour RMS, le devoir des établissements scolaires est de n’utiliser que des logiciels libres. Je rappelle qu’il n’a pas d’intérêt lucratif à le dire puisque ces logiciels sont gratuits. Un enfant qui fait son apprentissage de l’informatique sur des logiciels privateurs ne saura utiliser que ces derniers et sera condamné à s’en servir dans le milieu professionnel, manquant de temps pour se former à nouveau. Son école aura peut-être bénéficié d’un essai gratuit de ces logiciels, mais cet essai aura suffit à l’enfant pour se rendre esclave du logiciel. Les logiciels libres lui permettent ce s’en détacher et de plus, le fait de pouvoir étudier le code source encouragera les enfants puis adolescents à apprendre eux-même à développer, donc à rendre leurs outils de travail meilleurs et plus adaptés.
Se mettre au service de la technologie et de l’économie plutôt que l’inverse est un mode d’action très en vogue, c’est pourtant l’inverse qui serait le plus bénéfique à l’être humain. Mais d’aucun préféreront faire passer l’efficacité et la rentabilité en priorité. C’est un point de vue, ce n’est pas celui des libristes.
Au sortir de cette conférence, on ne pouvait qu’être dans une logique de remise en question. Nos actions sont bien plus lourdes de sens que nous le croyons. Derrière l’aspect sympathiquement gratuit du logiciel libre se dresse, forêt derrière un arbre, une éthique de vie allant vers le partage et l’intelligence.
1Faites donc votre shopping sur Http ://www.framasoft.net, vous pourrez le constater
3A noter que Linux a par la suite adopté le licence GPL.
Photo par D’Arcy Norman sous licence Creative Commons CC by
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