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Accueil du site > Actualités > Technologies > Vers un nucléaire (vraiment) propre ?

Vers un nucléaire (vraiment) propre ?

Le 14 Janvier de cette année à l'université de Bologne (Italie) s'est tenue une démonstration d'un dispositif utilisant le principe de la très controversée fusion froide. La communauté scientifique, dans sa grande majorité, reste très sceptique. La nouveauté dans cette affaire ? Les concepteurs annoncent la mise en route de la première centrale thermique utilisant ledit dispositif d'ici Octobre 2011...

Un peu d'histoire....

Le 23 mars 1989 Stanley Pons et Martin Fleischmann deux électrochimistes de l'université d'Utah déclarent, en conférence de presse, avoir observé une réaction de fusion nucléaire en effectuant une simple électrolyse à température et pression ambiantes avec de l'eau lourde et une électrode en Palladium. L'affaire a immédiatement un retentissement mondial. En effet, si leur observation est avérée alors les conséquences sont planétaires. Le cours du Palladium s'envole...

Les universités les plus prestigieuses suivent à la lettre le protocole détaillé par les deux chercheurs mais ne parviennent pas à reproduire les résultats décrits. L'affaire se dégonfle rapidement et les réputations de Pons et Fleischmann ne s'en remettront pas. À noter que la revue de référence Nature a failli également y laisser sa crédibilité. À l'avenir plus aucun papier s'intéressant au sujet ne sera accepté pour publication. Pons et Fleischmann n'en démordent pas pour autant : ils s'exilent et poursuivent leurs études à l'aide de fonds privés japonais et publient des travaux qui resteront confidentiels.

Cependant, comme le confirme un rapport de la DIA [1] les tentatives de reproduction de cette expérience se répètent un peu partout dans le monde et la démonstration de Bologne met à jour une recherche qui ne s'est jamais vraiment arrêtée mais qui sera restée pendant une vingtaine d'année confidentielle sinon clandestine.

Pourquoi tant de scepticisme ?

Faire fusionner deux noyaux atomiques n'est, à première vue, pas une chose facile à faire. En effet, les noyaux atomiques étant tous positivement chargés il faut franchir la répulsion électrostatique - que les physiciens appellent barrière coulombienne- qui s'exerce d'autant plus fortement que les noyaux se rapprochent l'un de l'autre.

La fusion contrôlée est le Graal des physiciens nucléaires, et les énormes moyens investis depuis plus de 60 ans dans ce domaine n'ont pas permis à ce jour d'envisager une centrale électrique fonctionnant sur ce principe. ITER est le dernier gros projet en date concernant la réalisation de cet objectif. L'idée de base consiste à chauffer des isotopes de l'hydrogène (du deutérium et du tritium en l'occurence) à l'aide de micro-ondes (entre autres) et de porter ce mélange à une température de 400 millions de degrés environ. Ainsi portés à ces températures infernales, les noyaux peuvent franchir la barrière coulombienne et fusionner, libérant ainsi l'énergie nucléaire tant convoitée (je ne détaillerai pas ici les conditions de pression et de densité du plasma nécessaires à son auto-entretien).

La fusion nucléaire, telle qu'elle est envisagée, implique donc des installations très coûteuses et posent d'énormes défis techniques. Alors l'idée que l'on puisse sur un coin de table, à température et pression ambiantes, provoquer des réactions nucléaires à de quoi laisser perplexe...

Un modèle théorique pour les réactions nucléaires à basse énergie ?

Aujourd'hui l'expression "fusion froide" a laissé sa place au sigle LENR (Low Energy Nuclear Reaction) ou plus rarement CANR (Chemically Assisted Nuclear Reaction). En 2005 deux chercheurs étatsuniens le Dr Allan Widom et Lewis Larsen décident de publier quelques articles sur une théorie rendant compte des dégagements de chaleur inexplicable observés dans les expériences LENR [2].

En résumé l'astuce consisterait à faire capturer un électron par un proton le transformant ainsi, pendant un court instant, en neutron. Or ce neutron, n'étant pas chargé électriquement, n'est pas sensible à la répulsion électrostatique. Il serait donc "facilement" absorbé par le deuxième noyau, qui, pour se stabiliser pourrait à son tour re-transformer ledit neutron en proton en éjectant l'électron excédentaire. Cette dernière étape est un processus parfaitement connu et s'appelle une désintégration bêta moins. À noter que la nucléosynthèse des éléments lourds (tous ceux dont le numéro atomique dépasse 26) s'effectue, d'après nos modèles astrophysiques, durant la phase explosive des étoiles supermassives en fin de vie (supernovae) . Ce phénomène présente beaucoup de points communs avec la phase initiale du processus décrit ci-dessus.

L'expérience de Bologne

Les concepteurs du dispositif exposé à Bologne sont le professeur Sergio Focardi de l'université de Bologne et l'inventeur Andrea Rossi. Leur réacteur fonctionnerait à partir de 3 ingrédients : du nickel en nano-poudre, de l'hydrogène et un mystérieux catalyseur. L'expérience est conduite devant un parterre de physiciens et de chimistes ainsi que devant quelques reporters locaux.

Voici le principe de l'expérience :

Une fois le réacteur convenablement chargé de tous les réactifs cités plus haut le dispositif est branché sur une prise murale afin de faire chauffer une résistance (située dans le réacteur) à une température à peu près égale à celle régnant dans un grille pain, c'est à dire 500 °C environ.
À noter que l'hydrogène confiné dans le réacteur est une pression de 16 bars environ.

De l'eau est envoyée (à l'aide d'une pompe) autour du réacteur et celle-ci se met à chauffer. La puissance électrique consommée par le réacteur baisse alors significativement alors que, de façon extraordinaire l'eau continue de chauffer (en fait celle-ci chaufferait même plus rapidement) jusqu'à se convertir en vapeur.

Le débit massique de l'eau est mesuré, la température d'entrée de l'eau, la température à la sortie du réacteur, la sécheresse de la vapeur produite et évidemment l'énergie électrique totale consommée sont également mesurés et on arrive ainsi à un rendement de... 30 environ.

La démonstration étant jugée peu probante est reconduite une première fois par le Pr Levi de la même université qui atteste que les résultats observés ne peuvent être raisonnablement expliqués que par une réaction nucléaire.

D'autres démonstrations ont lieu dont celle effectuée le 29 Mars 2011 en compagnie des prof. Hanno Essen et Sven Kullander de l'université d'Uppsala (Suède) qui confirment la conclusion du Pr Levi.

Andrea Rossi garde pour l'instant secrète la composition de son catalyseur et ne divulguera les détails de fabrication de son catalyseur d'énergie uniquement après l'obtention d'un brevet permettant de protéger son invention.

Voici les résultats annoncés par Andrea Rossi :

Pas de production de déchets radio-actifs.

Pas d'émission de neutrons

Pas d'émission de rayons gamma "durs".

Au bout de 6 mois d'utilisation 30% du nickel initial aurait été transformé en cuivre (une analyse par spectroscopie de masse effectuée indépendamment par les chercheurs suédois n'a pas permis de relever des différences isotopiques dans le cuivre sensé avoir été synthétisé dans le réacteur)

Une première centrale de 1 mégawatt en Octobre ?

Cette première centrale constitué de 330 modules d'une puissance unitaire de 3 kW et dont les dimensions se résument à un parallélépipède de 3m x 2m x 2m n'est pas destinée à alimenter des particuliers mais plutôt à satisfaire les besoins énergétiques de l'usine de production qui devrait permettre la fabrication de 300.000 modules par an. Le prix annoncé serait de 2000 $/kW installé ce qui signifie, au cours d'aujourd'hui environ 10.000€ pour une puissance thermique de 6 kW (soit l'achat de deux modules). Si l'investissement initial paraît un peu cher, l'annonce faite quant au coût d'utilisation est par contre extrêmement intéressante : 200$ par an (environ 130 €) pour avoir de l'eau chaude pendant un an.

Que penser ?

À la différence de nombreux inventeurs obscurs M.Rossi ne cherche pas absolument à vous convaincre d'acheter son produit pour financer ses recherches. Au contraire. Un groupe d'investisseurs a réuni plus de 200 millions d'euros dans cette entreprise. Vous trouverez de bien plus amples informations dans les liens fournis en références.[3]

Alors ? Révolution ou arnaque ? Après tout ce ne serait pas la première fois qu'une telle chose se produirait. Quand Alessandro Volta (un italien déjà...) créait la première pile électrique en 1800 il ne faisait qu'optimiser des résultats observés par Galvani. Personne à l'époque n'avait de réelle explication sur le phénomène observé. La pile permit de comprendre les lois du courant électrique et ce n'est que 60 ans plus tard qu'un certain James Maxwell énonçait ses quatres fameuses équations.... alors attendons et voyons ce que cela nous réserve.

Références :

[1] : http://www.lenr-canr.org/acrobat/BarnhartBtechnology.pdf

[2] : http://www.newenergytimes.com/v2/sr/WL/WLTheory.shtml

[3] : http://www.journal-of-nuclear-physics.com


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18 réactions à cet article    


  • Max.L Max.L 23 mai 2011 11:17

    Le bon vieux fantasme du nucléaire sans déchets... smiley
    C’est iron man qui capture la radioactivité lors de la fission ?

    Non au nucléaire et à ses déchets !
    Réappropriation citoyenne de l’énergie.
    Alternatives.

    http://burezoneblog.over-blog.com/
    http://burestop.free.fr/spip/


    • AntoineR 23 mai 2011 11:44

      C’est marrant car je viens de créer dans mon garage une machine à peu près similaire.
      Mais je pense que la mienne est plus pratique à l’utilisation car elle n’utilise que de l’eau et un peu de vinaigre.
      Vous mettez donc un verre d’eau dans le réservoir A et 2 cl de vinaigre dans le réservoir B. Il se produit une réaction nucléaire froide (à -7°C exactement) qui produit environ 4kW pendant 3,2 mois soit 9316 KWh soit près d’1 MWh !!
      J’ai découvert cette réaction par hasard en faisant une vinaigrette dans un saladier en oxyde de zyrconium.
      Je pense commercialiser bientôt des modules 8 kW pour pouvoir subvenir au besoins d’une maison standard. Le prix devrait se situer aux environs de 2800 € par modules. Voulant faire profiter au maximum à l’humanité de ma découverte, j’ai décidé de ne pas faire de marges indécentes.
      Je pense plus tard intégrer un module plus petit directement dans une voiture. En le couplant avec un moteur à eau (en cas de rupture de vinaigre), on pourrait avoir un véhicule peu polluant et très économique.

      Je cherche des investisseurs pour une autre idée que j’ai en tête mais que je n’ai pas encore les moyens de financer : l’arbre à billet. J’ai identifié avec le microscope de ma fille (acheté chez toys’r’us) 2 gènes sur un gland de pin maritime qui une fois modifiés (avec du sel de bromure), génèrent des écritures sur les feuilles du pin. Je pense qu’avec un peu de recherche, on pourrait directement générer des documents (et donc des billets qui me paraissent la chose la plus rentable à produire).

      N’hésitez pas à m’envoyer vos dons.




      • Laratapinhata 23 mai 2011 11:55

        Depuis Fukushima, Areva multiplie la communication indirecte...

        On sait comment il y a trois ans toutes la presse jeunesse (Bayard presse, Playbac presse etc...) s’était laissé acheter et avait publié des publirepotages pour Areva, sur nos magnifiques centrales nucléaires, à destination des enfants et des ados... Sortir du Nucléaire avait intenté et gagné un certain nombre de procès (contre Image doc par exemple), et moi j’ai désabonné mes enfants des titres suivants : Les clés de l’Actualité juniors, Mon Quotidien... et d’autres que j’ai oubliés...

        Aujourd’hui, ,nouvelle stratégie les communicants d’Areva infiltrent le net....


        • AntoineR 23 mai 2011 12:13

          Qui plusse ces conneries franchement ?


          • Rémi André 23 mai 2011 12:53

            Cet article se veut factuel et vous remarquerez également que je ne me prononce pas sur la validité des événements rapportés. L’idée est :

            1/ Informer le lecteur de l’existence d’une recherche dans ce domaine très controversé,
            2/ D’ouvrir le débat avec des arguments techniques (voir en particulier le lien [2])
            3/ De mieux faire connaître les alternatives nucléaires à la filière fission.

            Je précise que je ne suis pas employé d’AREVA.

            @AntoineR
            En développant un argumentaire moins ironique et plus rigoureux vous gagneriez certainement plus de votes positifs.

            Cordialement
            L’auteur


            • Laratapinhata 24 mai 2011 15:16

              Non, alors peut-être thésard , technicien ou chercheur dans un labo..., salarié de IAEA (AIEA en français= Agence Internationale pour l’Energie Atomique , un « machin » de l’ONU, dont la France n’est pas membre, mais qui a une antenne à Monaco... et son siège à Vienne) ou qq chose de ce genre...  ? en tout cas pas de la CRIIRAD...

              Vu le manque de postes, de crédits, la recherche fondamentale et/ou appliquée dépendant de plus en plus des groupes privés, on peut légitimement se méfier ...


            • robin 23 mai 2011 15:46

              Si ça se vérifie ces inventeurs vont avoir des accidents bêtes mais mortels sous peu c’est à craindre.....lol !


              • Alois Frankenberger Alois Frankenberger 23 mai 2011 17:31

                Non, les militaires seraient bien trop intéressés par des systèmes de ce genre, surtout si on peut les placer dans un char.

                Jusqu’à présent, les seuls qui ont prétendu faire de la fusion froide étaient des charlots, mais, il n’est pas impossible que quelqun y arrive un jour.

                Peut être que ce jour est arrivé et que les Européens ont été plus rapides que les labos militaires des USA.


              • AntoineR 23 mai 2011 16:11

                @ l’auteur :

                Que voulez-vous que j’argumente ?

                Vous parlez d’une machine qui n’a jamais marché devant personne, dont on ne sait pas exactement comment elle marche, qui transforme un métal en un autre et qui produit plein d’énergie.

                Et vous voulez que ce soit moi qui argumente ?


                Vous n’aborder même pas l’aspect sécuritaire. Si une fusion était belle et bien enclenchée, comment est-elle régulée ? Qu’est qui empêche tout le nickel de fusionner ?

                Vous surfer sur la vague du complotisme. du genre « on nous cache les énergies gratuites pour nous vendre du pétrole ».

                Ce genre d’article discrédite les vrais solutions alternatives.
                Ce genre d’article est là pour faire passer les gens qui proposent autre chose pour des farfelu
                s.

                C’est comme mettre des articles sur les soucoupes volantes adans le même site que des articles sur la remise en cause du 11 septembre. Si t’es pas d’accord entièrement avec la version officielle, donc tu es un complotiste, donc tu es un soucoupiste donc tu es un farfelu.







                • fopi 24 mai 2011 08:53

                   Finalement même en France on commence a réagir,

                  dommage pur AREVA.



                  • robin 24 mai 2011 09:25

                    Tant que le catalyseur n’est pas connu, les mesures n’ont aucun intérêt car il suffirait que celui-ci soit par exemple un oxydant quelconque pour engager la poudre de nickel dans une violente réaction d’oxyréduction par exemple qui évidemment est exothermique. Le résultat de l’expérience ne présenterait donc aucune nouveauté puisqu’il s’agit d’un bête réacteur chimique.


                    • robin 24 mai 2011 09:48

                      J’ajoute qu’en plus la forme nanométrique des métaux augmente considérablement les réactions oxydo-réductrices qui font de ces poudre quasiment des explosifs


                    • Rémi André 24 mai 2011 13:45

                      Votre remarque est tout à fait pertinente (augmenter la surface de contact entre les réactifs est effectivement un facteur cinétique - la réaction s’effectue mieux car les réactifs peuvent plus facilement se mélanger).

                      Cependant des analyses poussées ont été effectuées (voir liens) et semblent montrer qu’aucun réactif chimique ne semble suffisamment énergétique pour expliquer les observations .

                      Quant à l’aspect sécurité du dispositif vous pouvez également consulter ce lien :

                      http://www.journal-of-nuclear-physics.com/files/Levi,%20Bianchini%20and%20Villa%20Reports.pdf

                      Vous trouverez un article très complet (et très critique) sur ce lien :

                      http://www.angewandtebiologischeneuemedizin.com/en/index.php?title=Focardi-Rossi_Energy-Catalyzer

                      Enfin un reportage de la RAI vous éclairera encore sur les protagonistes de cette affaire :

                      http://www.youtube.com/watch?v=NzL3RIlcwbY

                      Malheureusement tous ces liens pointent vers des documents en anglais...




                        • Eric Lombard Eric Lombard 26 juin 2011 16:24

                          Voici la traduction que j’ai faite sur Ouvertures de l’interview de Denis Bushnell, de la Nasa, ainsi qu’un résumé des doutes qui restent à lever :
                          http://www.ouvertures.net/portail/l_id.asp?doc_id=493


                          • Robert - Fusion Froide Robert 19 septembre 2011 10:35

                            article très intéressant !
                            ici quelques informations supplémentaires concernant la fusion froid de Rossi
                            http://fusion-froide.com


                            • jca jca 5 janvier 2015 09:25

                              Merci pour cet article dont je comprends bien qu’il ne s’agit que d’une information. A l’époque, la fusion froide a excité beaucoup de monde et engendré beaucoup d’expériences ; je ne crois pas qu’il en soit sorti quelque chose. Il faut que je regarde le site mentionné par Robert. Bien dommage. J’avoue qu’à titre personnel, je suis très sceptique ! Robin me semble être sur la bonne piste pour expliquer les phénomènes.
                              Puis je ajouter que je ne comprends pas les remarques virulentes des lecteurs à cet article. On doit toujours laisser les portes ouvertes à l’expérience et ne pas fermer les portes a priori et de manière dogmatique. Cela est aussi vrai pour l’exploitation des gaz de schistes : on s’étripe avant même de savoir s’il y a des ressources dans notre sous sol ! ...

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