C’est un peu facile de critiquer le texte du Coran en le regardant comme le communiqué final d’un parti qui vient de clôre son Congrès, et non pas dans le contexte historique des différents passages dont il traite. Les orientalistes comme les exégètes traditionnalistes s’accordent pour admettre que tous les dispositifs relatifs au combat de la sourate 9 correspondent à la phase finale de la transformation du petit Etat musulman de Médine en un Etat dominant l’ensemble de l’Arabie, après la conquête de la Mecque. Et la sourate elle-même fait état de l’existence d’une coalition de presque l’ensemble des tribus de la péninsule voulant en finir définitivement avec les Musulmans, bien qu’ils aient conclu auparavant des accords de non-agression avec eux. Ni certaines communautés juives expulsées auparavant de Médine, ni des groupes christianisants aidés en sous-main par l’Empire byzantin tout proche (et qui venait de se rendre compte à travers les rapports de ses espions du danger qui allait poindre de la péninsule arabique) n’étaient absents de cette coalition antimusulmane. Mais puisque vous semblez avoir à côté de vous le texte de cette sourate, je voudrais attirer votre attention sur les passages qui motivent cet appel. Verset 32 : « Ils veulent éteindre la lumière de Dieu avec leurs bouches, alors que Dieu veut que Sa lumière soit parachevée, dussent ceux qui nient [la vérité] le détester » et verset 34 : « Nombre de rabbins et de moines mangent les biens des gens en [toute] mauvaise foi et les détournent du chemin de Dieu ». S’il y a appel au combat, c’est donc pour deux raisons parfaitement étayées : participation à une coalition militaire antimusulmane et financement de son équipée par les élites dirigeantes juives et christianisantes de l’époque. Et le verset 4 dit clairement que ne seront pas poursuivis les polythéistes « avec lesquels vous avez fait serment et qui, par la suite, ne vous ont en aucun point lésés et n’ont aidé personne contre vous. Respectez donc à leur égard votre serment jusqu’au terme [convenu] ». Il n’y a donc pas de guerre généralisée comme vous le laissez supposer, ni contradiction avec des énoncés antérieurs. Dire une énormité du genre « tous les hommes doivent se convertir à l’islam », sous-entendu « contre leur gré » ne correspond ni aux textes du Coran, dont vous citez certains, ni à cette réalité historique qui a fait que des communautés non-musulmanes continuent à vivrent dans des pays dirigés par des élites musulmanes depuis des siècles.
Par ailleurs, je ne vois pas de cohérence logique dans votre référence à la sourate 2, verset 100. Ce dernier dit textuellement : « Est-ce qu’à chaque fois qu’ils font un serment, une fraction parmi eux le transgresse ? Non point, la plupart d’entre eux ne croient pas », et traite des Juifs de Médine dont certains membres, après avoir accepté l’installation de Muhammad dans la ville et son rôle d’arbitre, ont commencé à mener des conciliabules avec les païens quraishites de la Mecque pour le combattre. N’oublions pas que le Prophète ne s’est pas installé de son plein gré à Médine, ni de force, mais a répondu à un appel conditionnel de délégués des tribus les plus importantes qui la peuplaient.
Concernant les autres aspects que vous citez à propos des tueries et des carnages, que vous attribuez au Coran, pouvez-vous faire des citations plus précises ?
La récente affaire du boucher nantais qui niait être polygame et disait que ses femmes étaient en fait « des maîtresses », et que « les maîtresses ne sont pas interdites par l’islam » (!) est symptomatique du fait que nombre de personnes transposent sur l’islam leurs propres lubies. Et celà ne doit certainement pas dater d’hier. Croyez-vous un seul instant qu’un monsieur qui se présente comme un « prophète » et un « envoyé de Dieu » n’est pas sous l’oeil inquisitorial permanent de son voisinage et qu’il peut, comme disent les Anglais « précher en faveur de l’eau et boire du vin » ? Personnellement, je suis convaincu que des pans entiers de ce qu’on présente comme une « biographie » du Prophète tels que décrits par les traditionnistes médiévaux ne sont en vérité que la projection des fantasmes de puissants qu’ils légitimaient pour des raisons de prestige ou d’argent comme le font, même de nos jours, des centaines d’auteurs de fatwas. Les sourates les plus anciennes du Coran montrent que dès le départ, Muhammad se présentait comme le référent fondateur d’une religion qui était destinée à marquer l’humanité et non pas un Jim Jones avant la lettre, ou un gourou à la célébrité éphémère qui pouvait faire faire à ses disciples ce qu’il voulait.
Pas la peine de faire de l’ironie facile. Il y a un passage de la Muqaddima d’ibn Khaldun qui parle de cet aspect connu depuis au moins le 9ème siècle à travers les commerçants arabes (http://www.recherche.fr/encyclopedie/Birka et http://www.rkp-montreal.org/en/02way.html) qui se sont aventurés le long de la mer Baltique. La réponse avait été donnée à cette époque : pour la durée du jeûne du Ramadhan, l’on adoptera les « horaires » de la localité septentrionale la plus proche de la moyenne. De plus, à ma connaissance, moins de 0,001% de l’humanité vit dans les régions polaires, les « oublier » comme vous dites est aussi dramatique que le cas des pionniers qui dans les siècles à venir iront coloniser d’autres planètes.
L’Algérie est peuplée de Berbères arabisés et superficiellemnt islamisés. Je ne suis pas sociologue, mais Algérien, et sexagénaire. Cela me semble suffisant pour connaître mon peuple. Plus nihiliste intellectuellement, tu meures. Arkoun ? Dieu ait son âme ... et ses écrits. Combien d’Algériens arrivaient à le lire ? S’il disait plus clairement ce qu’il pensait, nous autres non-détenteurs de doctorats en cryptographie l’aurions peut-être compris et pleuré sa disparition. Je me limites à Malek Bennabi, c’est de mon niveau. Aussi à Mammeri, Kateb Yacine. Je ne suis même pas arrivé à comprendre Proust. Alors Arkoun... J’ai tous ses livres, achetés en Algérie, et une bonne partie des interviews et articles publiés de lui, mais malgré toute ma bonne (et mauvaise) volonté, je ne suis jamais arrivé à dépasser les dix premières pages. Ceci dit, quel est l’intellectuel algérien que « le pouvoir assassin », ou le peuple algérien tout court, a jamais célébré ? Des chanteurs. C’est bien, mais n’empêche que j’ai toujours préféré Oum Kalthoum à Matoub. Et Abdelhamid Ben Badis. Celui-là est mort depuis si longtemps qu’il ne gêne plus personne et on anonne ses louanges chaque année. Pour revenir à votre article, je pense que le jour où le peuple algérien arrivera a voir autre chose qu’un corrompu derrière un fonctionnaire qui fait son travail, ou autre chose qu’un voleur derrière un politicien qui travaille pour l’intérêt public, ou autre chose que la DRS derrière tout assassinat, on aurait déjà fait un grand pas. Ne vous étonne-t-il pas qu’en matière de « perception » de la corruption (c’est bien « perception », dites, pas enquêtes documentées ?) l’on trouve l’Algérie en pire place que le Maroc ? Que l’Inde ? Que l’Arabie ? Est-ce sérieux ? Savez-vous que durant les années 2006-2008, « l’Algérie », c’est-à-dire les services diplomatiques de l’Etat algérien a (ou ont ?) fait du lobbying pour que Bouteflika soit nobélisé ? Pas Assia Djebbar, pas Rachid Mimouni, pas Abdelmadjid Bencheikh, pas Mohamed Harbi, pas Mohamed Arkoun ... Bouteflika !!! La sociologie a encore du pain sur la planche.
Il y a longtemps, très longtemps, que je ne prends plus comme argent comptant ce qui se dit sur l’Algérie de la part des Kabyles. Quand on se présente dans n’importe quelle institution de l’Etat, on voit qu’ils sont omniprésents, et ils se plaignent d’être opprimés. N’est-ce pas M. le Premier ministre et MM. la moitié des membres de votre gouvernement. Le plus gros milliardaire du pays est Kabyle. Ils constituent les deux-tiers des officiers supérieurs du pays, les quatre-cinquièmes des commerçants d’Alger, et 99,99% des effectifs de l’entreprise de transport de la capitale et des requins qui détroussent les automobilistes qui essayent de trouver une place de stationnement. Et ils sont opprimés. Les jeunes parmi eux se shootent, indistinctement à la zatla marocaine, au henné salafiste ou au sanglier laïco-assimilationniste et ils sont opprimés. D’autres jeunes estiment qu’ils peuvent se mettre en compétition culturelle avec l’arabe. C’est bien. Mais avant de sombrer dans la décadence, faites comme tout le monde, y compris comme les Arabes au Moyen-âge, commencer par créer une civilisation. On rediscutera dans quelques milliers d’années. Et un petit conseil pour commencer : que celui qui veut la créer, cette civilisation, qu’il commence par aimer son prochain. Et qu’il ne tire pas sur tout ce qui bouge. Son voisin dont la villa l’empêche de voir Marseille à l’horizon, sa soeur qui veut avoir une part d’héritage, son frangin - ce feignant qui ne se bouge pas pour chercher un visa français au consulat - et ce « pouvoir assassin » qui ne pense même pas à censurer l’Internet alors qu’il n’existe pas un blog et pas une réaction d’internaute en français, en anglais, en tamazight ou en tibétain, qui ne l’insulte systématiquement. Aux dernières nouvelles, l’Algérie est un pays peuplé majoritairement de Musulmans. Depuis déjà quatorze siècles, déjà ? Zut ! Trop tard pour aller dans une madrassa. Le mois prochain je pars en retraite. En attendant, MM. les journalistes, qu’attendez-vous pour aller voir in situ combien ces Kabyles sont opprimés. Bougie est à peine à 2 heures de vol de Paris. Et pour avoir des éléments de comparaison, allez aussi du côté de l’Ouarsenis, des Aurès, de la Saoura ou des Hauts-Plateaux pour voir comment leurs oppresseurs - arrivés ce matin du Hedjaz - se vautrent dans le stupre et la volupté.