Ainsi parlait Abdul Al Maari, poète arabe du XIème siècle :
« Réveillez-vous, réveillez-vous, ô égarés ! Vos religions sont subterfuges des Anciens. Ils disent que le Temps mourra bientôt, Que les jours sont à bout de souffle. Ils ont menti – ils ignorent son échéance. N’écoutez pas ces champions de fourberie.
Les gens voudraient qu’un imam se lève Et prenne la parole devant une foule muette. Illusion trompeuse – il n’est d’imam que la raison, Notre guide de jour comme de nuit.
Peut-être dans les temples se trouvent-ils des gens qui procurent la terreur à l’aide de versets, Comme d’autres dans les tavernes Procurent le plaisir.
Les lois divines ont semé parmi nous la rancune Et nous ont apporté toutes sortes de malheurs,
Les corps vont à la poussière. Aucun savant ne sait où va l’âme.
Malgré moi, je suis sorti en ce bas monde, Et mon voyage est pour un monde ailleurs. Cela malgré moi aussi, et Dieu m’en est témoin ! Suis-je prédestiné, entre ces deux mondes, A accomplir une tâche, Ou suis-je libre de mes choix ?
Raison - demeures laissées à l’abandon Ignorance - solides demeures habitées.
La religion - commerce de morts. Pour cette raison, c’est un objet invendable parmi les vivants.
L’ égaré appelle impie celui qui ne partage pas sa foi. Malheur à lui ! Quel homme n’a pas connu l’impiété ?
Le Livre est devenu trompettes des égarés, Et les versets, mélodies. Ils en ont joué, puis, dans leur infamie, Les ont agitées comme des épées Sur l’homme paisible qui veille Au clair de lune.
Je ne blâme pas l’athée Mais plutôt celui qui, craignant l’enfer, Persiste dans sa furie.
La raison ne peut que s’étonner des lois, Qu’elles soient païennes, musulmanes, juives ou chrétiennes.
Vos temples et vos bordels se valent. Loin de moi, Ô genre humain ! Puissé-je rester sous terre et ne pas me lever Quand Dieu vous appellera à la résurrection !
Quant à la certitude, elle n’existe pas. L’apogée de mes efforts se trouve Dans l’intuition et les pressentiments.
J’ai poussé loin mes recherches Et mes investigations. J’affirme, malgré cela, Que je suis perdu et ignorant.
Le mensonge a détruit Les habitants de la terre. Leurs descendants se sont groupés en sectes Qui ne peuvent fraterniser. Si l’inimitié n’avait été dans leur nature, Dès l’origine, Mosquée, église et synagogue N’auraient fait qu’une.
La vérité est soleil recouvert de ténèbres - Elle n’a pas d’aube dans les yeux des humains.
La raison, pour le genre humain Est un spectre qui passe son chemin.
Foi, incroyance, rumeurs colportées, Coran, Torah, Évangile Prescrivant leurs lois ... A toute génération ses mensonges Que l’on s’empresse de croire et consigner. Une génération se distinguera-t-elle, un jour, En suivant la vérité ?
Deux sortes de gens sur la terre : Ceux qui ont la raison sans religion, Et ceux qui ont la religion et manquent de raison.
Tous les hommes se hâtent vers la décomposition, Toutes les religions se valent dans l’égarement
.
Si on me demande quelle est ma doctrine, Elles est claire : Ne suis-je pas, comme les autres, Un imbécile ? »
Et René Char d’écrire dans « Les feuillets d’Hypnos » :
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil »
Ah, mais quel courage - digne de la légion d’honneur ! - faut-il donc pour calomnier un homme que l’on transforme ainsi - mine de rien - en bouc-émissaire de tous ce qui ne va pas dans le football et dans la société qu’il reflète, par médias à part interposés !... Les Français sont fantastiques, vraiment !...
Quelques éléments biographique sur « l’historien » russe dont il est question dans cet article :
KARAMZINE Nicolas (1766-1826)
Biographie :
Fils de modestes hobereaux, Nicolas Mikhaïlovitch Karamzine naît en 1766 à Mikhaïlovka, gouvernement de Kazan.
Après des études à la pension Schaden de Moscou durant lesquels il lit
les grands classiques de la littérature française, il entre dans l’armée
à l’âge de 15 ans, suivant ainsi les traces de son père. Peu de temps
après, à la mort de celui-ci, il quitte ses fonctions pour s’adonner
entièrement à la littérature. Il travaille tout d’abord à des
traductions de Shakespeare, de Lessing et de Haller tout en collaborant à
une revue pour enfants.
Afin « de compléter son éducation et de se rendre compte de la position et de l’influence des écrivains en Europe »,
Karamzine, entreprend en 1789 un voyage de 18 mois en Europe au cours
duquel il visite la France, l’Allemagne, la Suisse et l’Angleterre. Ses
impressions nées de ce voyage lui inspirent ses Lettres d’un voyageur russe,
ouvrage qui connaît un immense succès. Cet écrit, qui introduit une
langue et un style nouveau simple et élégant, va profondément marquer
l’orientation de la littérature russe. On doit ainsi à Karamzine d’avoir
le premier fait basculer la prose dans le sentimentalisme. Les
nouvelles qu’il rédigera par la suite feront la part belle à cette
douceur sentimentale.
Afin de promouvoir ce style nouveau (en opposition notamment à Chichkov,
le chef de fil des conservateurs adeptes d’un « nationalisme
linguistique » et opposés à la syntaxe et les mots étrangers) ainsi que
les idées et les œuvres occidentales, Karamzine fonde en 1791 le Journal de Moscou puis, en 1802, le Messager de l’Europe dans lesquels il publie nouvelles et traductions.
Passionné d’histoire (il publia notamment Éloge historique de Catherine
sur la tsarine Catherine II et des biographies de personnages célèbres),
il est nommé en 1803 historiographe de la cour. A partir de cette date,
il se consacre alors uniquement à sa nouvelle charge durant laquelle il
va travailler sur son Histoire de l’Etat russe. L’ouvrage
strictement conservateur, véritable glorification et justification de
l’autocratie, plut beaucoup à Alexandre qui fit de Karamzine son
conseiller et son ami.
Karamzine meurt subitement en 1826.
Karamzine est avec Lomonossov le créateur de la prose russe ; il ouvre la voie aux écrivains du XIXe siècle.