Vous pouvez vous attelez à minorer les succès du FN, je dirais que pour quelqu’un se prétendant « gaulliste », vous oubliez une dimension majeure dans votre démonstration : le scrutin majoritaire. À l’origine conçu pour les deux blocs politiques de droite et de gauche qui reflétaient la réalité du pays dans les années 60, il a enfanté le bipartisme soumis au jeu des alliances et in fine, l’alternance unique. Un tel mode de scrutin ne représente plus la réalité du pays, il lamine mécaniquement un troisième prétendant, exclut la diversité d’opinions d’une part importante de la population et délégitime par voie de conséquence la représentation nationale des deux assemblées.
Restons pragmatiques et comparons ce qui est comparable, à savoir le premier tour des élections de 2015 et 2011, le véritable baromètre pour les partis. La coalition de gauche perd 14 points, un fiasco. La coalition de droite gagne modestement 4 points. Le FN grimpe de 10 points à une élection locale sans élus sortants pour atteindre son plus haut score depuis sa création. J’appelle cela un succès électoral, en progressant qui plus est au second tour.
Il n’atteint pas aujourd’hui la barre des 50%, mais la progression du FN est inéluctable. Le plafond de verre a pour vocation d’être brisé un jour ou l’autre, et nous en approchons. Je serai curieux de voir vos camemberts aux régionales de décembre prochain avec le scrutin proportionnel à prime majoritaire...
À noter que le parti gaulliste de NDA obtient 1 élu sur 4.108. S’il était encore parmi nous, CDG actualiserait probablement les règles pour refléter le véritable clivage qui se situe aujourd’hui non plus entre la « droite » et la « gauche », mais entre souverainistes-européistes.
« Il faut aussi démontrer et expliquer que le programme économique du Front National est une mascarade qui aggraverait lourdement la situation de l’économie et de l’emploi en France. »
Y’a ka, faut kon. Commencez donc par nous expliquer une crise enracinée depuis 40 ans dont personne n’entrevoit sérieusement la sortie. Une crise est pourtant censée être passagère, mais là elle correspond à l’avènement de l’ère néolibérale avec la dette et le basculement du plein emploi vers le chômage. Commencez par argumenter sur les échecs des politiques menées par les gouvernements successifs avant de critiquer un projet alternatif.
« D’autre part, démontrer aux Français que les vieux partis – qui ont tellement déçu – changent et sont prêts à faire autrement, à être plus honnêtes, plus hardis, plus courageux. Et ainsi les convaincre que voter Front National n’est pas le seul moyen de faire du neuf et de faire, enfin, reculer le chômage en France »
Lorsque l’on va aussi loin dans l’incantation, je n’ai plus aucun doute sur le fait que vous vivez au pays des Bisounours. Votre site est-il affilié à Terra Nova ?
Les observateurs retiendront la couleur des départements, rose ou bleu, alors que le FN a réalisé une énorme percée avec de très gros scores dans la moitié des départements. L’UMP-UDI obtient une victoire mécanique avec le mode de scrutin, mais le FN confirme qu’il est plus que jamais en position de force face à l’UMPS.
Les européennes et les départementales ont permis d’établir de solides fondations. Tout est en place pour laminer les partis « républicains » de gouvernement aux régionales de décembre avec le scrutin proportionnel à prime majoritaire.
Le vœu le plus cher de la classe politique actuelle est que les citoyens se détournent de la politique, même s’ils affirment le contraire (les ignorants ne peuvent assumer la gestion des affaires publiques, ils sont juste bons à être commandés...). Les élites n’ont pas besoin de citoyens informés, juste d’électeurs sans conscience politique votant tantôt à « droite », tantôt à « gauche ». Les abstentionnistes leur conviennent très bien, même s’ils entament légèrement leur légitimité. Le système majoritaire leur assure le pouvoir quoi qu’il en soit, ils font appel à eux en cas de coup dur. Les élites dans une démocratie de marché se résument à un concentré de démagogie visant à donner l’impression d’être attentif aux préoccupations populaires, tout en accompagnant la détérioration du cadre socio-économique pour renforcer les tendances oligarchiques de leur démocratie de marché.
Envisager une éducation politique populaire de grande ampleur est illusoire. Vous citez Condorcet, mais je vous rappelle qu’à cette époque, les députés étaient élus au suffrage censitaire par les citoyens actifs, soit environ 700.000 individus sur une population de 28 millions. Un système représentatif pour les nantis, la populace ne possédait aucun droit politique. Condorcet était lui-même avec Turgot et les physiocrates un chantre du libéralisme économique comme l’étaient également les philosophes et encyclopédistes des Lumières. Les idéologues de l’abstentionnisme accordent un poids démesuré au caractère politique de l’abstention qui, de toute façon, sert le système.
Lorsque Marine Le Pen instaurera le référendum d’initiative populaire sur le modèle suisse pour gouverner, les Français se sentiront comme par magie nettement plus concernés par les élections et l’avenir de leur pays (rassurez-vous, ce ne sera pas « On nous fera voter pour tout et pour rien »). Contrairement aux oligarchies qui haïssent la démocratie, ce sera une carte maîtresse pour appliquer son programme et obtenir la confiance des Français
Nous ne sommes pas du même bord, mais je partage tout à fait votre premier commentaire. Une mention spéciale à l’individualisme des temps modernes qui écarte les citoyens du collectif, du bien commun et des intérêts de la France. Nous atteindrons bientôt le niveau de fréquentation des bureaux de vote aux US si rien ne change.