doctorix, le plus grand parti de France, et c’est pire en Suisse, c’est le parti des abstentionnistes. Il ne me semble inutile de lui faire la moindre promotion, au vu des résultats politiques que l’on pourrait lui imputer compte tenu de sa prééminence et de son implacable progression : impossible, en conséquence, considérer que la meilleure révolte contre la cleptocratie puisse consister en une abstention militante. D’autres exigent la tenue en compte des bulletins blancs, arguant que ce bulletin là serait un manifeste pertinent contre les politiques menées dans nos pseudo-démocraties. On y viendra peut-être, puisque nos maîtres se sont auto décrétés parangons de vertu, mais cette hypothèse plus que la vôtre ne devrait rien changer au mépris que les dominants exercent à notre encontre. C’est dramatique, mais 1789 a marqué la fin de l’asservissement (?) par le seul moyen reconnu par tous : face à une fourche ou une faux, aucun homme nu ne discute plus. Non, votre utopie de la raison triomphant par l’abstention ne peut que renforcer l’esprit totalitaire qui se développe en nos pays à la démocratie pervertie ; nous serons morts mille fois avant d’en voir le moindre succès.
M. Pelletier, je
vais me permettre d’exprimer quelques souhaits et remarques, que certains autres
intervenants accepteront peut-être aussi de prendre en compte, tant ils sont
concernés.
Tout
premièrement, vos études politiques ne vous servent même pas à vous exprimer
avec la pertinence formelle nécessaire sur le sujet grave dont vous prétendez
parler, ce que votre texte va confirmer dramatiquement : si vous entendez
gloser sur la Suisse, efforcez-vous de vous conformer à l’appellation commune
de la votation qui a eu lieu, que l’on appelle "Initiative
populaire". Ce droit démocratique accordé au peuple suisse l’autorise, au
niveau fédéral, moyennant la récolte de 100’000 signatures valides de citoyens
ayant le droit de vote, à soumettre au scrutin populaire la modification ou la
création d’une loi constitutionnelle, voire la révision de la Constitution. Le
référendum, lui, permet au peuple, moyennant la validation de 50’000
signatures, de s’exprimer sur des dispositions légales prises par le
gouvernement. Ces droits existent également au niveau cantonal et communal. Si
donc, comme toute la presse française semble-t-il, vous parlez en
Suisse de référendum à propos de l’initiative concernant l’immigration,
vous employez un mot et sa signification pour un autre.
Ensuite, vos
considérations et parallèles avec le nazisme sont non seulement scandaleux
et grotesques, mais profondément insultants. Ils sont certes en train d’entrer
dans le discours collectif, ce qui n’est pas une excuse mais suscite au
contraire une grande inquiétude en ce qui concerne l’état des relations dans
nos sociétés : ces excès ont un sens, et une portée grave. De surcroît,
ils donnent de votre vision de la démocratie une idée particulièrement saugrenue
et, vous me le pardonnerez car je vous sens très ouvert, très française je le
crains, en ce qu’elle témoigne d’une incapacité préoccupante à vous intéresser
à d’autres sensibilités ou manières que la vôtre de concevoir et faire vivre la
démocratie. On retombe hélas dans cette perversion de ceux qui prétendent
toujours et mieux que n’importe qui savoir ce qui et juste et bon, qui semblent
ici considérer que le peuple n’a pas à s’exprimer, puisqu’il est incompétent et
guidé par ses perversions. Vous plairait-il que, par souci d’équité, je fasse
allusion à ces dossiers à jamais irréductibles que sont la collaboration, le
colonialisme, les guerres toujours recommencées ? On ne parle plus de la même
chose, du médiocre repli sur soi. Vous comprendrez donc que je m’en garde bien,
tant je sais la déloyauté du procédé envers les justes.
S’agissant de
l’initiative « contre l’immigration massive », vous faites là
aussi offense à cette immense minorité, ces 49,7% des votants pour qui ce texte
n’était pas acceptable. Vous ignorez que les cantons d’expression française, très
minoritaires en Suisse, ont refusé cette initiative. Vous méprisez l’épreuve ou
parfois la douleur que représente ce résultat pour eux. Vous passez sous
silence le fait que nous sommes reconnaissants, dans ces cantons, envers les
dizaines de milliers de Français travailleurs frontaliers qui contribuent à l’économie
de la Suisse, qui en retour bénéficient de la santé économique du pays et d’un
emploi plutôt que du chômage de leur région de résidence. Vous vous moquez de
vos concitoyens qui apprécient la Suisse pour ce qu’elle conserve encore comme
valeurs, ce mot que les imbéciles ne voient que dans le fond hypothétique des
coffres de banque, parce qu’ils ont les idées très courtes.
Une manchette de
journal affichait aujourd’hui : 2,2 millions d’étranger en Suisse. Je ne
sais pas d’où sort ce chiffre ni s’il est exact, mais je vous rappelle que la
Suisse compte 8 millions d’habitants. Et quand je lis des bêtises insondables
comme celui-là qui parle plus haut de politique anti-frouze, je prie le lecteur
de récupérer ses esprits, si ce n’est pas déjà fait : non, la France n’est
pas le centre absolu de la culture, de la distinction, de l’humanisme. Non, il
n’y a pas en Suisse 2,2 millions de Français et non, ils ne constituent pas le
seul et unique aspect des problèmes d’intégration que représente l’ensemble des
personnes d’origine étrangère que le pays accueille. Non, la France n’est pas
le centre du monde, ni l’exclusive source des préoccupations suisses en termes
d’identité et de cohésion sociale entre les communautés, d’économie, d’aménagement
du territoire, etc. Oui, l’accueil des réfugiés, bannis de la terre, pose de
lourdes difficultés. Non, cette décision populaire et singulièrement
démocratique, aussi discutable soit-elle, n’est pas une déclaration de guerre
ni à la France, ni à l’Europe. Faut-il quand même être nombriliste pour se l’imaginer !
Elle est liée au fait que la Suisse, de par son économie préservée, est perçue
comme l’eldorado par des milliers de personnes (80000 arrivants par an) issues d’une
Europe frappée par la crise et une cure austéritaire sans précédent depuis la
dernière guerre, sans parler des réfugiés politiques, économiques, fuyant les
zones de conflits mondiaux.
Il faut avoir
l’intelligence et la correction de reconnaître que le vote en faveur du rétablissement
de règles d’immigration plus strictes ne relève pas a priori d’un racisme et
d’un égoïsme particulièrement déshonorants, quand bien même il ne fait aucun
doute que de telles déficiences morales ont aussi joué un rôle. Il n’est à mon
sens pas vraiment difficile de comprendre que, sans contrôle, par un phénomène
de vases communicants, cet état de grâce propre à la Suisse puisse être voué à
disparaître. J’aimerais, avant d’en accepter l’inéluctable perte, que l’on me
présente les peuples et les individus qui, dans un formidable élan humaniste,
ont démontré et démontreront encore qu’ils sont prêts à donner leur vie dans
les guerres économiques sinon militaires, et à faire vœu de pauvreté
volontaire. Ce choix en l’occurrence ne se pose déjà plus pour 10% de la
population suisse vivant en dessous du seuil de pauvreté. Quant à ceux qui
brament que la Suisse est devenue raciste et qu’elle compte expulser les
étrangers intégrés, comme je l’ai entendu sur France Inter, je leur conseille
vivement de s’interroger sur le sens du mot intelligence, et de tenter d’en
faire usage. Cela nous fera un bien fou.
Ensuite de quoi
et en conséquence, il serait intellectuellement urgent d’analyser la manière
dont se comporte l’Europe à l’égard du reste du monde, et la façon dont elle
gère l’immigration, choisie ou exclue. Il serait urgent d’établir d’intéressants
parallèles avec les pratiques de nombreux autres pays au monde, à commencer par
les USA. Le moindre respect moral consisterait à évaluer les chiffres dont je
viens de parler, et à accepter le fait que le citoyen suisse, ni plus égoïste ni
moins vertueux que ses voisins, se trouvait confronté le 9 février à une
question que personne ne pose jamais ou presque dans les démocraties
avoisinantes. Il ferait beau voir que les Français aient l’opportunité d’y
répondre par votation : il n’est qu’à lire et entendre ce qui se dit actuellement
à propos de l’immigration dans nombre de sociétés européennes (et bien entendu extracommunautaires)
pour imaginer soit les mêmes conséquences pour les mêmes causes, soit pire
encore que le résultat de l’initiative suisse. Au fait, ne vous avisez pas de
préjuger de mes convictions sur ces sujets. Pour l’instant, je constate un
formidable effet de meute qui se propage chez les (auto) proclamés importants
en Europe. Ce triomphe de l’intelligence humaniste est vraiment émouvant, mais
puisque vous aimez évoquer les heures sombres, sachez le rendre modeste et inquiétez-vous de la meute : merci.
Mélenchon raisonnable... Mais oui, c’est ce que des milliers de militants lui demandaient, douloureusement : ne pas torpiller des engagements vitaux de refondation de ce monde par une attitude, des postures suicidaires. Ses intervention du début de l’année m’ont laissé deux sentiments. Premièrement, je l’ai trouvé plein de force renouvelée, comme si ce passage obligé (!) de l’an lui avait été favorable. Puis sa dernière interview à Nice pour « La voix est libre », qui débute de manière fluide, semble sur la bonne voie... mais le pire se produit, et c’est le Mélenchon teigneux, procédurier, qui répond à côté, confus, tout sauf « raisonnable » qui prend le dessus dans la deuxième partie. Il s’emporte, invective, retombe dans ce lourd travers tout sauf raisonnable qui le fait détester par nombre de ceux-là même qui auraient intérêt à soutenir ses idées, et même l’avaient porté dans un élan de ferveur bien réelle en 2012. Mélenchon s’est usé, ne reste que sa part insupportable qui se voit toute nue désormais, qui l’a fait haïr même, qui l’a relégué au fin fond de l’extrêmisme tout à côté de le Pen, par un effet de mimétisme incroyablement prévisible. Nous sommes des milliers à nous être usés à espérer et donner crédit entier à son engagement, ses thèses, en excluant de disséquer le détail qui divise, ou de faire un choix discriminatoire dans le programme. Je suis vaincu par le sentiment que la manière dont il s’exprime a détruit le travail du FDG et sa trajectoire après l’avoir grandi, mais surexposé. Ce qui avait du sens lors de ses discours de campagne ne pouvait être transcrit en minuscule au goût de rancoeur jour après jour. Nous l’avons pensé et dit, nous avons fini par renoncer à le répéter, face aux prises deposition toujours plus raides de Mélenchon à propos du parler « cru et dru ». La raison « raisonnable » est indéfinissable lorsqu’il s’agit de réunir des militants si divers qui pressentent bien que la victoire de leurs rêves n’est pas à portée immédiate des urnes. Il fallait durer, et grandir, se faire respecter, mais non par l’insulte. Personnellement, j’ai tant espéré que Mélenchon soit raisonnable, non pas dans sa ligne politique, mais dans son langage. On ne lâche rien, mais on se donne les moyens de partager... de faire partager les convictions, les messages, les buts. Tout dernièrement, on a pu voir A.Corbières puis Besançenot chez Ardisson. Le premier n’a rien eu à dire, on ne saurait le lui reprocher. Le deuxième m’a plu parce que justement, il peut même passer pour raisonnable dans sa manière d’être, d’argumenter. Dois-je croire qu’il est aussi vendu que tous les autres, syndrome du touts pourris dans lequel il semble que nous rechutions en ce début d’année ? Je n’en sais rien. Mais il me semble que Mélenchon a finalement réussi à faire autant de mal à la gauche qu’il lui a apporté durant la campagne présidentielle. Certes, il ne manque pas, depuis des mois, de laisser entendre que lui ou un autre, seule compte l’avancée du programme et des idées du Front. Et alors donc ?
« En cette fin d’année 2013, il est tout d’abord l’homme politique le plus rabaissé, insulté, ridiculisé, même. Il est « le chef » qu’il faut abattre. »
Les lepen ont été ceux-là durant des années, et mlp l’a été, l’est toujours par Jean-Luc de la plus violente des manières. Je ne suis pas sûr que je vais me faire comprendre, mais j’ai toujours eu l’impression que cette manière de faire de la politique était au moins contre productive (l’insulte, ou le propos pris pour telle par un honorable adversaire politique). Ce n’est donc pas « un juste retour de bâton », mais au moins une explication possible d’une part des difficultés du PG, auquel je souhaite une meilleure année 2014.
(le tu, c’est parce que c’est Noël, et que j’ai une réelle affection pour la cause)