David Chauvet, juriste de formation, membre fondateur de
l’association Droits des Animaux et auteur d’essais (notamment La mentaphobie
tue les animaux et Lavolonté des animaux). Il plaide pour la
reconnaissance de droits fondamentaux pour les animaux et leur
répercussion dans notre droit positif.
@ yoananda : vous écrivez "Comme quoi on fait dire ce qu’on veut aux
stats ... Que 20 millions d’animaux soient d’origine d’élevage, ca ne
change pas la fonction de régulation."
Vous plaisantez ? Ça change beaucoup de chose, ne serait-ce que pour
ces 20 millions-là, excusez du peu ! Si la chasse se justifie par la
régulation, qu’on commence par interdire les lâchers.
Quant au 10 millions restants, il faudrait évoquer :
-la chasse aux oiseaux migrateurs, sans doute en excès par rapport à nos écosystèmes français ?
-la destruction des prédateurs, comme le renard, classé « nuisible »
(faisant trop d’ombre au tableau de chasse de nos chers nemrods)
-et pour les sangliers, rappeler, d’une part que la prolifération dont
on les accuse résulte de la « gestion » de la nature des chasseurs, qui
les ont élevés et relâchés massivement avant l’interdiction de cette
pratique. D’autre part, chacun sait que le business lucratif des
battues de sangliers en incite certains à favoriser leur présence sur
leur terrain, notamment par l’agrainage (nourrissage des sangliers par
des dépôts de nourriture).
Enfin, en admettant que, parfois, les chasseurs suppriment les animaux
considérés en excès, ces méthodes demeurent illégitimes, dans la mesure
où il est possible de faire autrement, par exemple en pratiquant des
« chasses de repeuplement » (endormir les animaux en excès dans un milieu
pour les déplacer dans un autre, où ils sont rares). A ne pas confondre
avec les lâchers de repeuplement (élever des animaux pour obtenir du
gibier là où il n’y en avait pas).
Dans tous les cas, il conviendrait de rechercher une solution
alternative à cette violence qu’est la chasse, et dont le prétexte de
l’écologie ne masque pas la réalité : tuer pour se distraire. Qu’on
veuille nous faire croire que les chasseurs se sentent investis
d’une mission écologique, c’est juste nous prendre pour des poires.
Vous remerciant d’avoir pris la peine de me lire et de me répondre,
C’est tout
simplement scandaleux. De quel droit se
permet-on une telle censure ? Après la violence sur les animaux, la violence
sur la liberté d’information ! Fort heureusement, L214 va
porter l’affaire devant les tribunaux. A suivre !
Vous dites que “[Einstein, Gandhi, Léonard de Vinci, Théodore Monod, Tolstoï, Lamartine] n’étaient pas des intégristes car ils ne tentaient pas d’imposer à tous leurs congénères leur rejet de la viande”.
Tout dépend ce que vous entendez par “imposer”. Si vous considérez que défendre une position, c’est l’imposer, alors je crains qu’ils n’aient été tout aussi intégristes que je ne le suis selon vous. Jugez plutôt :
« On peut juger de la grandeur d’une nation par la façon dont les animaux y sont traités. » [ Gandhi ]
« Le jour viendra où les personnes comme moi regarderont le meurtre des animaux comme ils regardent aujourd’hui le meurtre des êtres humains. » [Léonard de Vinci]
« Tant qu’il y aura des abattoirs, il y aura des champs de bataille » [Tolstoï]
« On n’a pas deux cœurs, un pour les animaux, un pour les hommes. On a un seul cœur ou pas du tout. » [Lamartine]
Mais une telle conception reviendrait aussi à qualifier d’intégristes ceux qui se sont battus contre l’esclavage, contre le sexisme, les droits des enfants, etc. Je présume que vous ne le feriez pas les concernant, alors pourquoi me réservez ce qualificatif ? Une telle disqualification ne peut servir un débat serein.
Vous dites : « Vos lecteurs sont en droit de douter du fait que vous ayez apporté un raisonnement éclairé par la raison. », au motif, selon vous, que « [mon] article est biaisé et susceptible d’une accusation de mauvaise foi. » car « Ceux qui ne regarderont pas le film ne sauront pas qu’il s’agit d’abattages rituels. »
L’abattage rituel est certainement plus générateur de souffrances que l’abattage conventionnel, si l’on ne prend en compte que l’acte de tuer. Mais la consommation carnée implique bien plus que cela. Comme le rappelle un représentant de L214 : « Aujourd’hui en France, 3 millions d’animaux sont abattus à la chaîne chaque jour. Il est illusoire de penser qu’il est possible d’effectuer un pareil carnage sans faire souffrir les animaux. Le chargement et le déchargement sont brutaux, le transport est brutal, l’abattage est brutal. » http://www.developpementdurable.com/interview/2009/09/I56/l214.html
Pour ne parler que du transport :
« Les animaux n’ont pas l’habitude d’être transportés. De ce fait, ces transports peuvent être très stressants pour eux. Il est fréquent que les animaux soient entassés au-delà des densités de chargement tolérées par la réglementation. Si un animal tombe, il risque d’être piétiné par ses congénères et d’être dans l’impossibilité de se relever. Lors des fortes chaleurs, les animaux peuvent souffrir considérablement et même mourir. Les porcs en particulier souffrent beaucoup des fortes chaleurs du fait qu’ils ne peuvent pas transpirer. Si seulement quelques animaux sont dans le camion, sans séparation, ils peuvent être projetés d’un bout à l’autre du camion et être victimes de blessures, lorsque le camion freine, prend des virages trop brusquement, etc. En hiver, les animaux souffrent également du froid. Bien souvent, lors des transports sur de longues distances, les animaux ne reçoivent pas d’eau, de nourriture, ni de temps de repos. Le déchargement se fait souvent très brutalement, bien souvent à l’aide d’un aiguillon électrique. » http://pmaf.org/s-informer/nos-campagnes/transport.html
D’autre part, à la lecture de ce que j’ai écrit, vous constaterez que le raisonnement que je tiens ne repose pas exclusivement sur la souffrance. C’est bien sur la base d’un refus de tuer, quelles que soient les conditions de la mise à mort, que je mets en cause de la consommation d’animaux, celle-ci n’étant pas une nécessité.
Restant à votre disposition pour tout développement,
D’abord, permettez-moi de
vous remercier d’avoir pris connaissance de cet article et de vous
être donné la peine d’y répondre. Beaucoup de
points ont été soulevés et ont déjà
trouvé une réponse lors des échanges. Un point
supplémentaire mérite, je pense, d’être évoqué.
Il m’a été
reproché de manquer de retenue, voire d’être un
« intégriste », en « demandant
aux gens d’être végétariens ».
Pourtant, si vous lisez attentivement mon article, il n’est à
aucun moment prescrit quoi que ce soit. Je me contente d’apporter des
informations, en particulier sur le fait que la consommation de
viande n’est pas une nécessité, et de discuter en
conséquence du bien fondé du fait de tuer les animaux
pour notre alimentation.
N’y voyez pas une
manœuvre ou une hésitation à dire les choses : c’est
tout le contraire. C’est que je ne souhaite pas que le débat
prenne une tournure identitaire, avec d’un coté les
végétariens ou les végétaliens, de
l’autre les mangeurs de viande. Cette question cruciale qu’est la
condition animale mérite mieux que cela. Toute personne, pour
qui l’éthique importe, ne peut l’ignorer. Elle sait que les
arguments ad hominem ne peuvent suffire à apprécier la
question. Certaines réactions épidermiques, refusant à
titre préliminaire tout changement dans leur alimentation et
rejetant mes arguments comme « intégristes »,
me font penser à un refus radicale d’examiner la question au
fond. Mais, qu’on le veuille ou non, la question se pose à
tous.
Comme je l’ai dit, les
animaux dits « de boucherie » sont tués
pour rien, à part notre plaisir culinaire. Aucune nécessité
ne commande de manger les animaux, et j’estime que notre plaisir ne peut
justifier qu’on les fasse souffrir et qu’on les tue. C’est le cœur
du débat, et la question que chacun doit se poser, sans tenter
de la fuir en la réduisant à un « intégrisme ».
Ou bien il faudrait dire qu’Einstein, Gandhi, Léonard de
Vinci, Théodore Monod, Tolstoï, Lamartine, et j’en passe, qui
rejetaient la viande au nom du respect dû aux animaux,
n’étaient qu’une bande d’intégristes !
Tirer les conséquences
pratiques d’un jugement éclairé par la raison n’est pas
faire preuve d’intégrisme. Le débat sur la consommation
carnée ne date pas d’hier mais de l’Antiquité, avec
Pythagore, Plutarque ou encore Plotin. Il s’est poursuivi plus tard
avec Montaigne et Rousseau, entre autres, pour parvenir jusqu’à
nous. Plus que jamais, la question se pose, si nous considérons
le nombre de victimes : 3 millions par jour dans les seuls abattoirs
français.
En ce moment même,
les avocats de la marque Charal font pression auprès des
médias, hélas avec succès, pour que les images
tournées par L214 disparaissent d’internet. Je trouve cela
très choquant : n’a-t-on pas le droit de savoir de quelle
manière cette entreprise traite les animaux ? Demandons-nous
de quel coté se trouve l’intégrisme et la censure, et
de quel coté l’ouverture au débat.