En politique il y a une explication qui vaut pour tout et qui excuse tout : le mythe du complot ! Mystérieux, caché, dont on ne saura jamais rien et qui décide de tout ce qui doit arriver.
En football, voire en sport, le pendant de ce complot tentaculaire secret, l’exécuteur des basses besognes et agent de terrain des "p’tits gars qui commandent", l’excuse facile de tout résultat négatif c’est : L’ARBITRE !
Il faut vraiment ne jamais avoir arbitré, ne jamais avoir eu à prendre de décision dans la seconde, être de la plus grande mauvaise foi, ou finalement n’avoir que le regard partisan de joueur/supporter de son équipe pour considérer qu’un arbitre dispose de l’arme du penalty pour inverser la tendanceou cherche à ne pas éliminer un favori en début de compétition. Imaginez-vous sérieusement les réunions de la DNA avec un M. Batta imposant à ses troupes les futurs vainqueurs du week-end ?
Que votre point de vue de joueur vous pousse à tout faire pour gagner (dans la limite des règles), c’est légitime. Mais l’arbitre qu’en a-t-il à faire de la victoire de l’un ou l’autre ? Il n’est pas là pour désigner un vainqueur mais pour... arbitrer ! Dans le cas extrême où une équipe ne se présente pas, on n’indique même pas "vainqueur par forfait" sur la feuille de match, mais "une seule équipe présente" et sans mentionner de score ; c’est à une commission administrative de donner suite. L’arbite lui, il a LU les lois du jeu, ce que n’ont pas fait 99% des joueurs qui considèrent les connaître de manière innée. Lui n’écoute pas les idées fausses véhiculées par la plupart des commentateurs [vous chercherez dans les lois du jeu les expressions "dernier défenseur", "jeu à terre", "hors-jeu passif", "pied haut/levé" et vous me communiquerez la page]. Lui, il s’est ENTRAINE à les appliquer et à se placer, comme un joueur s’entraîne à manier le ballon, à passer, à dribbler, à tirer. Avez-vous déjà entendu un arbitre dire à un joueur qui vient de mettre au-dessus de la barre une balle immanquable : "regarde le ballon la prochaine fois ; achète-toi une chaussure ; où est-ce que tu as eu ton maillot ?" Ce serait inconcevable, non ? Après tout, qu’est-ce qu’il y connait à la technique du football vu qu’il n’a pas à chausser les crampons tous les soirs après le boulôt. Sauf que la même critique dans l’autre sens est quasiment "normale" : n’est-ce pas un peu bizarre ?
Mais voilà de temps en temps, l’arbitre n’est pas parfait et il prend une décision non-conforme aux lois du jeu (et pas non-conforme à VOTRE interprétation de ces lois) parce que tout va très vite, parce qu’il a été masqué, parce que les mouvements contradictoires des joueurs et du ballon ont abusé ses sens... Et on lui reproche d’être nul parce que la caméra à 2000 images/s, 17 plans de vue et 5 minutes de repassage des images fait que finalement, on aurait pu décider autre chose que ce qu’il a vu dans la seconde à vitesse réelle et avec un seul angle. Facile. Et selon qu’il siffle ou pas pénalty (forcément parce qu’il en veut à une équipe et qu’il cherche à tout prix à favoriser l’autre bien sûr), le match est joué sur sa décision. Et on oublie alors le mauvais placement de la défense qui a entraîné cette faute, quelques minutes avant le tir de bourrin à angle complètement fermé de l’attaquant aveugle qui ne sait pas faire un centre en retrait, juste encore avant la passe facile mal ajustée qui a redonnée la possession aux adversaires... Il est plus facile de remettre la faute sur un homme extérieur que sur toute une équipe de proches, et sur une décision à un moment donné que sur tout un comportement pendant 90 minutes voire X matchs.
Le coup de pied de réparation (CPR ; c’est comme ça qu’il s’appelle dans les lois du jeu) n’est pas une arme et pas à discrétion mais une sanction conséquence d’une infraction précise aux lois. Idem pour les avertissements et exclusions. Alors si je peux me permettre deux conseils amicaux : lisez les règles (17 petites pages) et prenez un jour un sifflet face à deux vraies équipes opposées par un enjeu, et on en reparle...
Et si j’avais dû mettre des coups de tête à tous ceux qui m’ont insulté sur les terrains, je n’aurai plus besoin de mettre de casque.
Sauf qu’au début de tout ça, il y a un postulat qui mélange objectivité et subjectivité... "La meilleure équipe", "l’équipe la plus forte" : quels sont les critères qui permettent de la définir a priori ? Ne serait-ce pas plutôt à la fin des rencontres que cela doit se juger ?
Il y a des règles qui définissent les conditions d’accession à la victoire : mettre plus de buts au football, remporter plus de sets au tennis... Sur quels critères objectifs peut-on dire qu’une équipe qui a mis plus de buts qu’une autre est moins forte que son adversaire ? Temps de possession du ballon ? Différence de la masse salariale ? Nombre de spectateurs abonnés ? L’objectif est de gagner en inscrivant plus de buts, celui qui le fait est plus fort que son adversaire et d’autant plus si c’est répété sur les 38 matchs d’un championnat !
Réduire le sport à de simples équations logiques et mathématiques c’est tirer un trait sur tout le coté affectif lié à un affrontement, une compétition entre X joueurs/équipes/coureurs. Pourquoi une équipe obtient-elle globalement de meilleurs résultats chez elle qu’à l’extérieur ? Le terrain est le même, les joueurs aussi, les règles aussi. C’est donc qu’il n’y a pas que du rationnel dans tout ça.
Autre exemple :Tout le monde aura son avis personnel sur la "valeur" de Landreau mais ses multiples erreurs de main cette saison risquent de coûter une division à son équipe. On peut de même rejetter la faute sur l’entraîneur, la défense, les stars du club, les actionnaires ou qui vous voulez. Pour autant, Paris est le second budget de Ligue 1 (valeur objective), Landreau est le second gardien en France (valeur subjective de R. Domenech), le nombre de supporters parisiens est très important [pas de chiffres précis mais du même ordre je pense que les autres critères]. Mais aujourd’hui, il se trouve que Paris est 18e donc que 17 équipes sont plus fortes que Paris,selon les règles établies au début de la saison. Ces règles établissent un classement selon les résultats des matchs qui eux dépendent du nombre de buts inscrits. On aurait pu prendre d’autres règles : au nombre d’avertissements et d’exclusions, Lorient est la meilleure équipe du Championnat de France et le PSG est 2e ! Donc Lorient est la plus forte des équipes selon cet autre critère.
Si vos "plus forts" devaient forcément gagner, quel intérêt y aurait-il à organiser des confrontations ? Exit la "noble incertitude du sport". On réunit tout le monde au début de la saison, on choisit le mode de classement, on classe et c’est fini ! Quel intérêt ?
La réalité de l’action, la spécificité des faits humains font qu’il est difficile d’appliquer des méthodes de "sciences exactes" aux "sciences humaines". Espérer le même raisonnement et les mêmes résultats c’est nier la différence entre les deux.
Pour ma part, il m’est arrivé en 6e de corriger des fautes d’orthographe dans... leurs prénoms que m’écrivaient les élèves ! Il me semble que ce fameux 15% est le chiffre officiel du ministère. Je ne peux pas avancer de chiffre précis mais là où je travaille (Paris XIXe), d’une part je serai bien content que ce pourcentage soit vrai en fin de 3e parce qu’à l’entrée en 6e chez nous c’est beaucoup plus, et d’autre part il faut s’entendre sur les termes :
ne sait pas écrire : bien évidemment que tous savent gribouiller des lettres sur une feuille en respectant à peu près les lignes mais de là à recopier une phrase sans faute c’est déjà bien. Quant à en produire quelques unes à la suite, tout seul sans aide, avec du sens, en respectant syntaxe, grammaire, conjugaison... on frôle l’exploit pour à peine 15%... des meilleurs.
ne sait pas lire : là encore tout le monde déchiffre des syllabes et des mots avec plus ou moins de vitesse et de facilité. Mais quand il s’agit de comprendre ce que l’on vient de lire, c’est une compétence supplémentaire que seuls quelques uns ont acquis. L’étape ultime de la restitution du texte lu par ses propres termes, intelligibles et sensés, relève presque du miracle, au moins chez nous.
[Notre évaluation nationale de 6e donne environ 55% de réussite en Français et 50% en maths ; moyenne de Paris autour de 70%]
la pure logique mathématique n’est pas forcément la bonne : -x % d’élèves = -x % de profs ? Donc si une classe de collège de 30 élèves en perd 3 (-10%), elle perd aussi un prof (-10%) ! Lequel ? Quelle discipline sera sacrifiée sur l’autel libéral du "moins utile" (à court terme bien sûr) ? Le raisonnement serait le même à l’échelle d’un établissement. Sauf que là on communique avec des chiffres nationaux, où la logique pourraît paraître imparable si on ne se soucie pas de la réalité du terrain. A mélanger le micro et le macro, on aboutit à des inepties.
Mais soyons compréhensifs et tentons d’aider notre gentil ministre à ajuster le raisonnement : établissement d’environ 500 élèves pour environ 40 profs (comme chez moi...). Dans la vraie vie, il faudrait à notre classe initiale perdre 10 à 15 élèves pour la supprimer et répartir les élèves restants sur les autres classes du niveau (soit -30% à -50% d’élèves). Libéralement et mathématiquement, on supprime aussi les 9 profs correspondants (-23% du total des profs). Donc on s’aperçoit que le % d’élèves en moins doit être largement supérieur au % de profs en moins, si on essaye de faire coller l’argument de la baisse démographique nationale et la réalité locale. Mais alors : 40 000 élèves en moins (sur environ 12 000 000, soit 0,3%) justifiraient 10 000 profs en moins (sur environ 1 000 000, soit 1%) ? Là, ça ne colle plus du tout ! Cherchez une autre justification M. Darcos.
Et je ne rentre pas dans les détails du nombre d’heures de chaque discipline dans une classe, parce que -1 classe = -1H de dessin, - 2H de techno, -3H d’histoire, - 4 H de maths... Ce qui rend de fait encore moins automatique la suppression de postes.
En plus de la règle de trois et des conjugaisons, M. Darcos va devoir aussi réviser ses arguments de proportionnalités...
On n’a pas (encore !) la même conception de la vie de part et d’autres de l’Atlantique. Ici, la mort de Desproges relance le débat sur le "peut-on rire de tout ?", là-bas on ne se pose même plus la question du "peut-on s’enrichir de tout ?". Gros frissons pour l’avenir...