easy

Et bien essayons de dissiper ton malaise.

La guerre est une plaie, la paix est sa résolution.
Or , pour parvenir à la paix, il faut forcément embrasser son ennemi d’hier. On peut tourner et retourner le problème dans tous les sens, la paix impose de se faire à nouveau confiance.
Vouloir la paix, entreprendre la paix c’est forcément concevoir de pacifier avec l’ancien ennemi.

Tout membre des FARC qui serait éventuellement admis en France, serait de ceux qui se seront résolus à cesser la lutte, à se diriger vers un compromis de paix (comme l’IRA autrefois, comme l’ETA demain peut-être)

Un ex- FARC, réfugié en France ou ailleurs aura non seulement basculé vers le renoncement au radicalisme, mais aura même avancé vers le camp d’Ingrid (syndrome de Constantin ou de Stockholm inversé  ) Et cela en craignant des représailles de la part de tout radicaliste communiste, de quelque horizon que ce soit.

Je vois donc très mal ce qui pourrait pousser un ex FARC réfugié en France à se replacer dans une galère pas possible en s’en prenant à une IB connue à la fois pour sa politique de la main tendue et pour ne menacer personne.

Oui, nous avons vécu la récupération de la libération d’Ingrid, Ad nauseam. Et quitte à écrire mille articles de plus, si c’est pour exprimer notre nausée, il ne faut pas s’en priver. C’est l’ensemble qui donnera finalement la couleur d’équilibre. Il n’est pas indispensable de sabrer le champagne pour faire la fête. Mais il y a dans le fait de dépenser cher pour un peu de vin à bulles, un geste qui est de l’ordre du sacrifice et le sacrifice, la messe, la communion, tout ça forme du lien. Alors oui, on aurait très bien pu s’épargner la dépense d’un avion spécial, surtout en cette période de chasse ouverte au gaspillages (en tous cas dans les déclarations et à l’encontre des "petits"). Mais que chacun de nous mette 0,05 € sur la table pour lui payer un avion spécial plein de bulles, c’est le genre de geste qu’il faut bien faire de temps en temps. Faute de quoi, rien...plus de lien...plus de liesse...plus de peuple gai...plus de peuple du tout.


Ah mais ! Du champagne pour une Française oui, pour une Colombienne pas question !

Chais pas.

Moi quand je vois une personne lutter pour la liberté, que ce soit un Chinois devant des chars à Tien An Men, un Noir dans une geôle Sud Africaine, une tite femme dans une colline Birmane ou dans une hutte de la jungle Amazonienne, j’ai le sentiment qu’elle mène un combat pour moi, ou en tous cas pour les valeurs auxquelles je crois.

Il se trouve que la plupart du temps, alors que j’aimerais bien en découdre avec les méchants, ils sont très loin, trop loin. Dois-je alors me laver les mains de toute responsabilité ? Bin je pense que non ;

Si je ne peux pas me tenir devant les chars de Tien An Men faute d’ubiquité et de courage, je dois au moins soutenir celui ou celle qui, sur place, résiste à la brutalité, à l’arbitraire, comme si c’était mon frère ou ma sœur. Et chaque fois que c’est possible, je dois lui apporter ma part de sacrifice, ma part de champagne pour chacune de ces victoires (il y en a si peu)
Et si moi, minuscule Easy, je trouve normal de livrer ma part de toasts, je pense qu’il est normal que les "grands" en fassent autant à leur haut niveau. Ça fait qu’au bout du compte, les fastes de l’Elysée et de notre Parlement, pour cette femme qui a défendu bec et ongle les valeurs de liberté et de respect, ne sont pas déplacés.
Chacun tenant à livrer sa part de bulles, ya un moment où ça sature, m’enfin, faut mettre cette nausée sur le compte du nombre que nous sommes, pas sur le compte des petitesses. Le principe de la fête n’est pas bafoué et ça fait quand même bien la nique aux méchants.

Pourquoi champagner plus Ingrid que les autres otages ?
C’est volontiers nous aurions versé le champagne sur leurs têtes aux autres aussi. Mais c’est ainsi, nous communiquons toujours mieux avec ceux et celles qui parlent la même langue que nous, qui nous disent des mots d’attachement, des mots d’amour en Français, qui viennent vers nous, faire la fête avec nous. Voili voilo.  Il suffit qu’un Tony Blair nous parle en Français pour qu’on fonde, alors quand du fin fond de la jungle émerge une ombre qu’on croyait éteinte, qu’elle rayonne et exulte sa joie dans notre langue, ça nous fait craquer aussi.



Si tenir 6 ans est méritoire au regard de la durée, alors tenir 12 ans c’est deux fois plus méritoire.

Ce qui est remarquable, c’est qu’a priori, tous les otages semblent s’être comportés, tout au long de leur captivité, de façon très digne. Sans jamais renier leurs valeurs. Faut le faire. C’est très important de tenir le cap de ses convictions sur les valeurs de liberté. C’est la partie essentielle du geste. Ça ne sert pas la cause de la liberté si on se met à fayotter nos geôliers dès qu’on commence à avoir des furoncles aux fesses ou les dents qui tombent. Chaque seconde qui passe pendant laquelle un prisonnier des FARCS marque sa résistance morale est une seconde de victoire pour les valeurs de liberté.

Bravo à eux tous.

En comparaison de cette résistance de chaque seconde, du refus constant de retourner sa veste, d’embrasser ces kidnappeurs, le fait de lutter au corps à corps face à des assassins équipés de poignards et de mourir lardé de coups est aussi un geste en l’honneur de la Liberté. Mais ces deux étudiants ont surtout défendu leur vie, ce que chacun ferait automatiquement, sans aucun engagement idéologique.

Un engagement idéologique a toujours une dimension altruiste. Il est donc logique que ceux dont les valeurs sont défendues coûte que coûte par l’engagement d’un individu, lui témoignent leur reconnaissance. Nous avons à regretter la mort des suppliciés des camps de concentration et nous avons à nous incliner devant la mort des jean Moulin. Nous devons pleurer la mort de nos deux étudiants et déverser des fleuves de champagne sur la tête d’Ingrid Quitte à la noyer ou à la dégouter des bulles pour le restant de ses jours.

Je rappelle que Ingrid, dès le début de sa captivité et malgré l’implication d’autres otages, avait fait savoir à Uribe qu’il devait attaquer les FARCS sans céder au chantage, sans se préoccuper de leur vie fragile. C’est absolument exceptionnel. On a bien souvent vu des soldats pourtant rudement entraînés, se mettre à supplier devant une caméra qu’on accorde à leurs geôliers ce qu’ils demandent.

A l’heure où nous manquons cruellement de repères sûrs et de gens dignes de foi, le cas Ingrid est à considérer à sa très haute valeur, en faisant abstraction de la pétarade qui est faite autour.

Ca fait 60 ans que les Français ne connaissent pas de guerre sur place (ce qui ne les empêche pas d’être continuellement en guerre outre-mer) Ca fait 60 ans que personne ici n’a eu à résister à des hommes armés, pendant si longtemps, pour défendre la Liberté.
Il est logique, très logique que nous la récupérions, surtout qu’elle s’offre volontiers à ce service de plus.