« Afin d’annuler l’effet de l’influence familiale, les chercheurs se sont intéressés aux jumeaux élevés dans la même famille. (...) Les résultats sont les suivants : g est significativement plus corrélé chez les MZ que chez les DZ. L’héritabilité de g est d’environ 0,86, établissant clairement le lien entre l’intelligence et la génétique [1]. La subtilité de cette étude consiste en ce qu’elle n’utilise pas directement les scores g, mais l’écart de scores entre deux jumeaux, supprimant ainsi le biais créé par le milieu familial. »
Je ne suis pas d’accord avec les affirmations précédentes. Des études utilisant la méthode des jumeaux ont montré que la corrélation entre les scores de QI ( et donc, le facteur g) de jumeaux MZ élevés dans un même milieu est plus importante que cette même corrélation mesurée chez des MZ élevés dans des milieux différents. Donc, plutôt que d’exclure à proprement parler l’influence du milieu, l’étude citée ici se met dans des « conditions trop favorables » pour pouvoir être concluante.
A mon avis, l’étude citée ici augmente artificiellement le lien entre génétique et intelligence, en se plaçant dans des conditions dans lesquelles ce lien est déjà très fort (jumeaux MZ élevés dans une même famille). Elle ne permet donc pas distinguer la part propre de la génétique de celle du milieu.
Il faudrait comparer la corrélation entre des personnes ayant un patrimoine génétique identique élevés dans un milieu identique, à la fois à celle de personnes ayant un même patrimoine mais élevés dans un milieu différent et à celle de personnes ayant un patrimoine génétique différent et élevés dans le même milieu que les premiers, et ce en contrôlant pour tous les autres facteurs connus pour avoir une influence dans le développement de l’intelligence (telle que, par exemple, la place dans la fratrie—les ainés étant en moyenne plus intelligents que les cadets, et ainsi de suite—, etc.)
A mon avis, la seule conclusion à tirer ici est qu’il est impossible à l’aide des méthodes actuelles de déterminer la part du génétique de la part environnementale.
En l’absence de corrélation entre la présence d’un marqueur génétique spécifique dans le sang, et « l’intelligence », on ne pourra pas conclure grand chose.
Votre commentaire souligne exactement la position dominante de l’époque concernant les déterminants des exactions perpétrées par les Nazis, à savoir, une personnalité perverse. Ce que nous voulions mettre en avant dans la citation de Arendt n’était pas son opinion concernant l’impression que Eichmann lui aurait laissé, mais bel et bien une illustration du fait que la population attribuait principalement les causes du comportement des soldats nazis à une personnalité particulière.
L’expérience de Milgram, en mettant en avant l’extrémité des comportements que l’on peut adopter par « simple » soumission à une autorité, permet d’affirmer que la personnalité n’est pas le seul déterminant de ceux-ci, et que des facteurs autres que les facteurs idiosyncrasiques généralement mobilisés dans l’explication des comportements sont, au moins en partie, responsables de ces derniers.
« Cette expérience me serait apparue plus intéressante si le »naïf« s’était vu confier la blouse blanche et la responsabilité de mener l’expérimentation. On aurait obtenu des statistiques sur la capacité des cadres intermédiaires à se soumettre, et à soumettre, à l’autorité. »
C’est le cas. Dans l’article, nous présentons une variante de l’expérience de Milgram dans laquelle le participant naïf se voit attribuer un un rôle d’intermédiaire entre l’expérimentateur et la personne qui va administrer les chocs électriques. Lorsque le participant est dans cette position « d’assistant de l’expérimentateur », le taux de soumission (mesuré par le pourcentage de personnes allant jusqu’au bout de l’expérience, soit 450V) monte à 92.5%.
Merci pour ce commentaire hautement constructif qui souligne à la fois votre ouverture d’esprit et l’importance que vous accordez à la volonté de vulgariser le savoir scientifique.
« je ne peux qu’être soufflée de la tendance de l’auteur à politiser et moraliser le champ des sciences humaines et de la psycho sociale »
Moi, ce qui me laisse sans voix c’est de constater qu’aujourd’hui encore, malgré les avancées de l’épistémologie et de la sociologie des sciences, il existe encore des gens pour croire que les sciences (qu’elles soient sociales ou naturelles) puissent être dénuées de toute idéologie politique. A moi de vous renvoyer à de saines lectures telles que Latour, Gibbons, ou encore Nowotny
« Enfin, parler de Milgram comme pivot de la pensée de la psycho sociale, c’est un peu comme penser la sociologie à l’aune de Durkheim ou Weber, c’est un bon début, mais c’est un peu daté, non ? »
L’intérêt de l’article n’étant pas de faire une présentation exhaustive des dernières recherches en psychologie sociale expérimentale, mais bien de présenter à un public non initié la démarche expérimentale de façon intéressante et attractive, je trouve que le choix de Michaël d’illustrer cette méthode à l’aide de l’expérience de Milgram très judicieux.
Petite question au passage : Est-ce bien de Arthur T. Hall vers lequel vous nous renvoyez et pas de Edward T. Hall (l’auteur de « The Silent Language », « The Hidden Dimension », ou encore « Beyond Culture ») ?
Même si je suis en partie d’accord avec certaines de vos remarques, notamment celles qui visent à souligner la différence entre les dirigeants et idéologues nazis, et la population ou les militaires, je me dois tout de même de corriger une petite incompréhension de votre part.
« Il faut noter en effet que dans l’expérience de Milgram, le sujet est dit »naïf« , qu’il est placé dans un environnement inhabituel et déstabilisateur. En outre, l’expérimentateur (vêtu d’une blouse blanche) lui demande »inlassablement« d’envoyer le choc électrique. Il s’agit là d’une situation de type hypnotique, c’est-à-dire d’un état modifié de la conscience alors que dans le cas d’Eichmann et des bourreaux nazis, il s’agit de responsables parfaitement conscients de leurs actes. »
La situation dans laquelle se trouvaient les participants de l’expérience de Milgram n’était pas à proprement parler une situation induisant de la suggestion hypnotique. La situation était standardisée, et l’expérimentateur n’avait pas pour tâche de « demander »inlassablement« d’envoyer le choc électrique ». Il disposait de 4 injonctions standard qu’il devait dire si le participant se montrait hésitant, et l’expérience s’arrêtait après 3 refus du participants d’aller plus loin. Dans les liens qui sont proposés à la fin de l’article figurent des vidéos d’archives de l’expérience de Milgram, et il vous sera possible de constater que les participants ne sont pas dans un état hypnotique.