Marine Le Pen essaie de faire son beurre en tâtonnant sur les terres sociales, ça explique en grande partie son succès actuel.
Si tous les journalistes la mettaient en défaut sur ce plan (je crois qu’Elkabbach l’a fait aussi), elle subirait sans doute une double remise en question :
- Les nouveaux convertis se demanderaient si ses promesses sont vraiment applicables
- Les soutiens plus classiques, la voyant souvent en difficulté, pourraient la voir comme une fanfaronne, qui ne tient pas l’adversité quand elle est en face.
Evidemment, si les journalistes (à part une poignée) se contentent de dire « bouh le FN c’est raciste, regardez votre père... », ça leur donnera l’occasion de faire des ventes et de l’audimat sur le succès incroyable du Front National aux présidentielles...
Je suis d’accord sur un point avec Roungalashinga : cette rudesse des journalistes ne doit pas s’appliquer qu’à Le Pen ! Mais je suis sûr que des Holande, Sarkozy, Bayrou et Mélenchon ont bien assez d’expérience et des équipes assez efficaces pour pouvoir retomber sur leurs pieds. Pas nécessairement à la première interview, mais les suivantes seront préparées. Et peut-être entre-temps un peu moins démago, ce qui ne serait pas un mal.
Le Pen est d’ailleurs piégée à ce jeu-là : ne cessant de vanter sa sincérité contre la démagogie des autres candidats, elle ne peut se permettre d’annoncer publiquement la réduction ou l’abandon d’une de ses mesures. Elle joue trop la différence pour pouvoir se permettre d’être mise dans le même sac que ses concurrents.
Malheureusement, ce discours ne convaincra pas uniquement « ceux qui n’ont jamais connu la difficulté, ceux qui ont toujours eu un salaire élevé, ceux qui comme vous n’ont pas la plus petite idée de ce que veut dire « difficulté financière » ou « impossibilité de retrouver un emploi » », mais aussi certains qui bossent comme tout le monde (dans des conditions ni plus ni moins dures que les autres), ont du mal à boucler leur fin de mois, surtout après avoir payé les remboursements des crédits de la vieille maison à retaper, de la voiture, la bouffe et les soins du chien, l’abonnement canal+, l’abonnement téléphone, l’abonnement pour aller au stade, l’abonnement cinéma, et puis les cadeaux de Noël, des anniversaires, de la St Valentin, les deux semaines de vacances en Bretagne et les trois jours au ski dans le Jura, plus le week-end entre amis ans un chalet des Vosges...
Une certaine classe moyenne : celle qui s’endette pour consommer et ne comprend pas pourquoi, malgré ses 5 à 10h supplémentaires par semaine (heureusement qu’elles sont détaxées !) et en travaillant à deux, elle n’arrive pas à avoir l’impression de pouvoir souffler financièrement.
Certains de ceux-là entendront le discours du président, se diront que c’est dégueulasse de pouvoir vivre aussi bien (ou aussi mal) sans travailler, grâce à toutes les aides : RSA, allocations familiales, allocations logement, CMU, revenus non-imposables, logements sociaux...
Ils auront tort, et seront tombés dans le piège qui consiste à diviser pour mieux régner. Mais ils représentent le gros des électeurs de Sarkozy en 2007, et le coeur de cible de sa campagne de 2012.
Bien sûr, on pourrait riposter en annonçant que plutôt que réduire la qualité de vie de ceux qui vivent des aides sociales, on va tout faire pour améliorer celle de ceux qui ont à la fois la chance et la volonté de travailler. Mais voilà, le contre-argument est déjà prêt : c’est la crise, la France est en faillite, le pays ne peut pas continuer à vivre à crédit et hypothéquer l’avenir de ses enfants.