Ici, le parti pris est de considérer que l’interlocuteur est de mauvaise foi, de lui faire des procès d’intention. Sur ce terrain je ne vous suivrai pas. Vous semblez considérer que mettre en cause une thèse c’est automatiquement affirmer la thèse opposée. Comme si le doute n’existait pas. Comme si on pouvait avoir des certitudes sur tout. Bonne chance.
Le lien que vous donnez pointe sur le site Spunik (site dépendant du gouvernement russe), qui pointe lu même sur une page du site shoah.org.uk (qui reprend quasiment mot pour mot les thèses du gouvernement russe sur le conflit syrien). Le texte de shoah prend appui, sans le citer, sur un tweet d’un lançeur d’alertes turc, lié à Wikileaks. J’ai pu trouver ce tweet, en turc. Or je ne lis pas le turc. Pouvez-vous m’indiquer où je pourrais lire le texte original en anglais ? Voyez vous, il faut vérifier tout ce que disent le sites gouvernementaux. Un jour, je trouve sur Sputnik une page critiquant les abus « régime putshiste Ukrainien », citant un rapport de Human Rights Watch. Ce rapport dénonce de graves atteintes aux droits de l’homme en Ukraine. Je vérifie sur le site de HRW : effectivement, le rapport existe bien, il est bien conforme au texte publié par Sputnik. Sauf que ... il est daté d’AVANT la chute de Yanoukovitch. Propagande, quand tu nous tiens ...
Par ailleurs, je ne doute absolument pas de votre sincérité, mais est-ce que vous réalisez que dire que la coalition occidentale ne lutte pas contre DAESH, alors que c’est la « Russie qui fait le boulot », c’est reprendre très exactement un thème récurrent de la propagande de Poutine ? Par ailleurs, le site Sputnik nous dit lui-même que sur ce point Poutine ment, publiant une carte de Syrie où l’on peut constater que l’essentiel des frappes russes se concentre sur des zones dont DAESH est absent !!! Voir http://fr.sputniknews.com/infographies/20151013/1018797137/syrie-russie-ei-frappes.html
Merci pour votre réponse. Pourriez-vous me traduire »kama toudine toudane« ?
1) Il y a malentendu : je ne compare pas la Russie aux soutiens du terrorisme. Je suis gêné par une tendance trop systématique à mon goût de donner systématiquement raison à la Russie et tort à l’Occident, en ne voyant que les faits soutenant les positions de la Russie et en oubliant ceux qui pourraient donner raison à l’Occident. Et en reprenant sans discernement les grands thèmes de la propagande Russe. Comme, à rebours, ceux qui ont avalé toute crue la propagande de Bush sur l’Irak soutien du terrorisme et doté d’armes de destruction massive.
2) D’accord avec vous sur un point : l’action de la Russie en Syrie est légale. Et Assad est le dirigeant légal de la Syrie.
Seulement soupesons et nuançons. La dictature héréditaire des Assad enlève, emprisonne, torture et tue depuis 45 ans, en violation de tous les principes de l’ONU dont elle est pourtant membre, ce qui la rend illégitime.
Disons les choses autrement : on ne peut pas dénoncer la dictature héréditaire saoudienne et, en même temps se taire sur la dictature syrienne.
Ou encore, si on invoque la légalité du régime syrien, il FAUT dire AUSSI que le régime saoudien est légal, même s’il n’est pas à mes yeux légitime (peines dégradantes, droits des femmes niés, libertés bafouées, ...)
3) D’accord en partie avec vous que l’Occident ne devrait pas prétendre libérer un peuple avec des dictatures.
Mais d’une part on ne peut pas dire cela sans dire EN MÊME TEMPS que la Russie ne devrait pas prétendre libérer un peuple en voulant maintenir à sa tête un dictateur sanguinaire prêt à tout pour sauver son pouvoir.
Et d’autre part, le problème est bien plus compliqué. Pour libérer l’Europe en 1945, l’Occident s’est allié avec Staline décrit comme un dictateur criminel. Et, sous un autre de point de vue, l’URSS s’est alliée avec le maudit »Impérialisme américain« . Pas très appétissant, quel que soit le point de vue, pas vrai ? Et pourtant, 70 ans plus tard, qui propose une autre solution ?
Rien n’est simple, tout est en nuances. C’est inconfortable. Nous adorons les situations simples, voire simplistes. Noir-blanc. Style axe du mal de Bush. On sait la suite
Et sans vous vexer, des mots comme »enculés« ou »racaille« n’aident pas à juger de façon nuancée.
4) Pas d’accord sur votre définition du terrorisme. Le terroriste s’en prend à des civils innocents. Son but est d’asseoir son pouvoir par la peur. La plupart des penseurs condamnent le terrorisme, MAIS pensent que le recours à la violence peut être légitime lorsque des citoyens d’un état oppresseur n’ont aucun autre moyen de faire triompher leurs droits. Donc NON, »tout civil qui prend les armes contre l’état de son pays d’origine« n’est pas un terroriste. Ceux qui ont tenté d’assassiner Hitler n’étaient pas des terroristes, quoi qu’en aient dit les Nazis. Les Palestiniens qui s’en prennent à des militaires israéliens peuvent difficilement être traités de terroristes tant les chances d’obtenir l’arrêt de la colonisation de façon pacifique semblent éloignés. Les Palestiniens qui appellent à tuer tous les Israéliens sont des terroristes. Les syriens qui ont manifesté pacifiquement contre le régime Assad n’étaient pas des terroristes, pourtant Assad a utilisé contre eux les mitrailleuses, les chars et l’aviation. Les Syriens qui ont pris ensuite les armes contre l’armée dans l’intention d’établir un régime démocratique n’étaient pas des terroristes. Mais, scénario maintes fois vu dans l’histoire, les terroristes prospèrent dans les situations de désordre comme les mouches sur un tas de fumier : alors sont arrivés les Al-Nosra, Daech et autres terroristes, qui s’en sont pris en priorité aux démocrates, aux civils, aux minorités (Kurdes, Yézidis, ...). Alors mettre tous les opposants à Assad dans le même sac, ça ne correspond pas à la complexité de la situation. C’est un élément récurrent de la propagande des dirigeants russes. Nous qui défendons les droits de l’homme, nous ne devrions jamais reprendre à notre compte et sans nuance la propagande d’AUCUN gouvernement. Même chose pour l’amalgame consistant à ignorer la nature du régime syrien et ses lourdes responsabilités, à ignorer le caractère pacifique du printemps syrien à ses débuts et à résumer toute la crise syrienne à des causes extérieures au régime : intervention de l’Occident, de la Turquie ou des pays du golfe + terrorisme.
5) Deux petites choses un peu plus personnelles. Nous sommes défenseurs des droits de l’homme et soucieux de justice, n’est-ce pas ?
- Nous devrions éviter de distinguer des catégories de citoyens, les »traîtres« d’un côté et le »vrai peuple syrien« comme vous dites. Qui est capable, qui a le droit de mettre une étiquette sur chaque citoyen syrien ? Et puis, même si ce n’est pas votre intention, en créant des catégories nous risquons de favoriser l’intolérance et ensuite la violence.
Je ne peux m’empêcher de penser au »Parti des Vrais Finlandais« en Finlande. Voyez ses positions contre les immigrés, accusés implicitement d’être des »Faux Finlandais« voire, en creusant un peu, des »Traîtres"
- Nous ne devrions jamais prier pour que le malheur s’abatte sur les autres, même à nos ennemis. Juste pour la justice et la paix. Parce que, lorsque nous prions pour qu’un mal arrive, nous faisons toujours des disciples qui ne se contentent pas de prier.
Je vous rassure : je ne découvre pas que « chaque partie défend ses intérêts ». Ce qui me gêne énormément c’est cette façon de considérer à priori et dans tous les cas de figure que les intérêts de l’Occident (pour simplifier, car l’OTAN n’est pas impliqué en Syrie) sont illégitimes et ceux de la Russie sont légitimes. En résumé, l’article dit : la Russie a raison et elle va gagner. On appelle cela le parti-pris.
La comparaison De Gaulle - Hitler est très intéressante : si Poutine était un De Gaulle et l’Occident une sorte de régime totalitaire, j’applaudirais des deux mains Poutine. Seulement, malgré tous ses défauts, l’Occident est traversé en permanence de débats internes et connaît régulièrement l’alternance démocratique, ce qui est loin d’être le cas du régime de Poutine. Donc non, les intérêts de la Russie ne sont pas plus légitimes que ceux de l’Occident.