Merci de ce billet ; c’est bon de voir coucher en mots ce qui parfois nous ronge. Vous n’êtes pas seul non. Bon nombre inspire aux changements mais réalisent avec lucidité je pense, que l’on ne peut rien... disons que l’on ne peut régler nous même l’intégralité du problème... il faut hélas se consoler avec l’ersatz d’idée que toute structure, tout problème se décompose en morceaux plus petits ; et que comme il a déjà été suggéré plus tôt sur cette page, on peut s’attaquer à ce qui est à notre portée.. Les grandes révolutions sont aussi rares que belles, les petites en revanche, sont silencieuses et triviales. Elle n’en reste pas moins efficaces ;)
Merci de votre commentaire. Je m’en
voudrais de vous faire avaler votre pipe. Je suis bien en peine de
vous répondre sans faire moi aussi appel au jugement de valeur ou à
l’argument d’autorité voire même au péremptoire. Il y aurait tant
à dire et à dédire, je vais tacher de faire concis.
Tout ce
que je peux vous dire c’est que, si je reconnais tout à fait
l’apport essentiel de Descartes à une période où la métaphysique,
et surtout le religieux battait son plein, il n’en reste pas moins
qu’il a négligé, comme d’autres après lui, l’autre composante
essentielle de l’homme.
Nous sommes bien les enfants de
Descartes, particulièrement en France, ou tout acte doit
nécessairement être le fruit d’un raisonnement.
Or, si vous me permettez de frôler
l’actualité un instant, cela aboutit à de la résolution de
problème permanente et non à une pensée, une vision globale d’un
système basé non plus sur un pragmatisme pour le coup cartésien,
mais bien sur une morale au sens Kantien du terme.
La neutralisation du savoir que
j’appelle de mes vœux n’est pas, comme je l’ai dit, un retour à
l’obscurantisme ou au religieux, mais simplement une possibilité à
s’offrir, dès que faire se peut, de contempler le monde sans
légiférer sur lui. c’est le pis aller de la candeur pour un adulte,
si vous préférez.
Maintenant, place aux jugements de valeur
: l’idée de Descartes de se rendre comme maître et possesseur
de la nature est pour moi détestable, car elle sous tend une
supériorité voire même un prima de l’homme sur tout ce qui nous
entoure. Or s’il y a bien quelque chose que la science, pour le coup,
nous prouve tout les jours c’est notre insignifiance face à ce qui
nous entoure. (au passage vous parliez plus haut des méditations
métaphysiques, c’est là ou il a besoin d’envisager un dieu qui ne
soit pas trompeur, un deus ex machina quoi, je ne suis pas très
impressionné par ça..)
C’est cette même illusion de
grandeur qui nous fait continuer dans les mêmes travers écologiques
malgré les avertissements de la science. C’est la certitude
d’avoir « raison » sur tout en somme..
Un peu à la manière de celui qui écrit, certes
finement, dès la première ligne qu’il est professeur de philosophie
pour assoir sa domination sur son texte, certain que son diplôme
accroché au mur le guide vers la vérité, mais qui néanmoins
ressens le besoin de l’argument d’autorité pour assoir son propos.
La dignité du philosophe dont vous parliez plus tôt fuit déjà au
galop..
Quant au texte de Camus, je trouve
pour ma part que c’est probablement un des plus beaux. Qui plus est,
lorsqu’on sait qu’il l’a écrit à 23 ans. Alors oui c’est primaire,
parce qu’on le comprend à la première lecture. Il y a pourtant bien
plus à penser que l’on ne veut bien le voir au premier regard. Aussi peut-il vous sembler être du bon sens que de rejeter ce texte
puisqu’il vous parle sans artifice, mais vous savez ce que disait
Descartes au sujet du bon sens .. « [..] Chacun pense en être
bien pourvu ».
Merci de votre réaction. Vous vous méprenez sur mon propos. Le Chevalier n’est pas l’image d’une aristocratie quelconque, c’est simplement l’image de celui qui est toujours du coté des plus faibles, celui qui brave le danger, celui qui n’abandonne pas ses idéaux au profit de l’argent par exemple. En cela vous avez raison, il s’agit bien d’un être noble.
La probité réalisée est par essence inaccessible car elle est le fruit d’une morale pure.Or, notre nature profonde d’être à la fois sensible et raisonnable, nous pousse par un jeu de ressac à osciller tantôt vers le moral, tantôt vers le pragmatique. On acquiert néanmoins je crois, un élan dans un sens ou dans l’autre quand on le choisi. Le chevalier de mon enfance lui, de par son statut imaginaire peut se permettre de n’avoir qu’une nature simple, une morale pure.
Quant à me trouver convaincant, ce n’est précisément pas à votre raison que je faisais appel dans ce texte mais bien à vos sentiments. J’espère avoir partagé les miens avec vous.
Vous semblez familier de Kant, aussi je finirai ce dialogue avec ceci. Kant était un philosophe des limites, il distinguait ce que nous pouvons connaitre (faire l’expérience) qu’il assignait aux limites et ce que nous pouvons penser (l’abstrait, dieu etc..) au delà de la limite jusqu’au bornes.
Je vous laisse la paternité de votre notion de société. On pourrait tout à fait en discuter dans d’autres circonstances.
Concernant mon propos, je m’efforcerais ici de ne pas mélanger ce que je connais de ce que je pense. Aussi m’en tiendrais je à la première acception de société, à savoir celle dont tous nous faisons l’expérience chaque jour.
Merci de vos remarques dont je prends acte. Je m’empresse par ailleurs de dire que tout mon propos ne tournait pas autour
de Kant bien que son point de vue soit pertinent à mes yeux.
Tout dépend si vous entendez par raison morale, ce que Kant appelle la loi morale. Dans ce cas je suis en désaccord avec vous.
Dans le cas contraire, j’entends bien la tension que vous soulevez. Il insiste néanmoins bien sur le fait que cet accord à la société est « pathologiquement extorqué ». On spécule sur le pire, les « bas » instincts de l’homme, pour que ce dernier, bon grès mal grès, « accepte » de vivre en société.
Je remarque en outre que vous dites à dessein « amoral » et non « immoral ». Le texte ci dessous issu lui aussi de Kant, répond bien mieux que je ne pourrais le faire à votre objection :
"Il faut donc remercier la nature pour leur
incompatibilité d’humeur, pour leur vanité qui en fait des rivaux jaloux, pour
leur désir insatiable de possession et même de domination ! Sans cela
toutes les excellentes dispositions naturelles qui sont en l’humanité
sommeilleraient éternellement sans se développer. L’homme veut la
concorde ; mais la nature sait mieux ce qui est bon pour son espèce :
elle veut la discorde. Il veut vivre nonchalamment et à son aise, mais la
nature le veut, il doit sortir de l’indolence et du consentement oisif, se
jeter dans le travail et la peine, pour trouver en retour le moyen de s’en
délivrer par sa prudence. Les mobiles naturels qui l’y entraînent, les sources
de l’insociabilité et de l’opposition générale d’où naissent tant de maux, mais
qui pourtant le poussent à tendre toujours ses forces et à développer davantage
ses dispositions naturelles, dévoilent donc bien l’ordonnance d’un sage
créateur et non quelque chose comme la main d’un mauvais génie qui aurait gâché
son magnifique ouvrage ou l’aurait gâté par jalousie.«
On comprend ici que contrairement à ce que vous dites, le contrat moral ne vient pas de l’instinct de domination seul, (vous : » ce que Kant nous dit très
clairement c’est que le contrat moral qui est censé lier les membres d’une
société nous vient de l’instinct de domination, de la volonté d’assujettir autrui.") mais de la concomitance de cet instinct avec la faiblesse qui est la sienne lorsqu’il est seul. il s’agit du produit de deux termes et en aucun cas de l’origine seule.
Pour simplifier encore davantage, deux négatifs forment ici un positif. soif de domination etc (-) + faiblesse lorsque seul (-) = (+) accord à la société
On pourrait d’ailleurs conclure sur ce modèle que ce qui rend l’équation négative de nos jours est précisément la disparition d’un des deux termes négatifs au profit d’une sécurité monétaire ; mais c’est un autre débat.