Quel article ! Quelle verve ! Quelle originalité ! On n’avait jamais jusque là filé à ce point la métaphore de l’acteur, de la marionnette, du théâtre politique avec un tel brio. Mais reprenons point par point. Déjà les attaques sur le physique, la taille, la calvitie… les chroniques politiques sont trop pauvres sur ces sujets. Parlons enfin de la scandaleuse couleur de cheveux de Marine Le Pen ou du choix discutable de Mélenchon d’avoir rasé le bouc qui lui allait si bien, sans parler bien sûr de la taille des uns, et l’absence de taille des autres ! Osons ! Entrons enfin dans le débat de fond !
Ensuite l’élocution et la mise en scène du discours mérite bien sûr d’être disséquer. Nos hommes politiques ne sont pas assez formatés. Ne laissons rien passé ! Ni lapsus, ni tic où approximation de langage ne doivent nous échapper. Pourquoi avoir posé la main sur le pupitre à ce moment là ? Pourquoi avoir remis ses lunettes de la main gauche alors qu’il aurait pu le faire de la main droite. Disséquons, analysons, jugeons… et nous aurons enfin, peut être, des candidats qui se ressemblent tous, où rien ne dépasse.
Enfin, il serait injuste de ne pas critiquer les spectateurs. En effet, on critique bien le supporter de football qui chante où ne chante pas ce qu’il faudrait, l’amateur du spectacle vivant qui ne choisit pas les bons spectacles et qui est trop où pas assez réceptif et le téléspectateur qui ne choisit pas les bons programmes. Pourquoi ne pas critiquer les auditeurs d’un discours ? Sont-ils trop enthousiastes ? Trop réservés ? Tant de critiques si constructives qui ne sont jamais mises en avant.
Bref, j’admire l’impartialité et la rigueur qui ont guidé l’auteur de cette brillante analyse au niveau d’analystes politiques tels que Steevy Boulay, Thierry Rolland où Didier Barbelivien.
L’analyse me parait intéressante mais souffre de mon point de vue de plusieurs faiblesses :
1- Les moyens : La communication, ça coûte beaucoup d’argent et quoi qu’on en dise, c’est extrêmement efficace. Là où ceux qui ont le plus de moyens (candidats avec un appareil politique fort, structuré et avec des liquidités) peuvent faire du « damage control » grâce à la communication s’ils font des dérapages, les candidats plus modestes, eux, n’ont quasiment pas le droit à l’erreur. Or, trois mois, c’est long….
2- L’inertie : Changer oui, mais changer pour quoi ? Les français sont traditionnellement habitués à une stabilité politique relative, l’envie de changement à ses limites. Si je change tout, ne vais-je pas y perdre aussi à titres personnel, même si ma situation est précaire à l’heure actuelle ? En temps de crise, cette donnée n’est pas à négliger.
3- Enfin, le sérieux. Oui, il y a le rêve partagé par les futurs électeurs des candidats antisystème. Un grand soir où l’on peut enfin mettre aux piquets les responsables de l’ensemble des maux de notre société (choisissez selon votre camp : les patrons, les étrangers, les banquiers, l’euro, les européens, les américains, les chinois….) et que nous puissions enfin vivre dans une société où l’on est solidaire et où l’on se fait des bisous. Mais promettre une solution miracle, même si elle passe par « du sang et des larmes », amène souvent à tenir un discours manichéen et populiste qui révèle souvent de nombreuses faiblesses quand on les analyse méticuleusement.
Bref, je ne renie pas le droit et même le devoir d’utopie. C’est juste dur de le confronter à la dure réalité.
Loin de moi l’idée de vouloir défendre à tout prix Yann Barthès qui a, de mon point de vue, perdu quelque peu de son efficacité humoristique ces derniers mois. Cependant, le procès fait à son encontre dans cet article me semble quelque peu disproportionné.
Certes, il travaille pour Canal Plus qui fait partie du groupe Vivendi- Universal, donc il est forcément méchant. De plus, il est journaliste de télévision, donc forcément aux ordres du grand capital.
Certes, il n’hésite pas à se moquer de la bêtise des gens, de leur admiration sans borne pour Céline Dion, Justin Bieber où Marine Le Pen, ce qui fait de lui un dangereux élitiste s’amusant de ridiculiser le bon peuple qui n’a pas reçu l’éducation qu’il mérite.
Certes, il ose se moquer de Jean-Luc Mélenchon qui critique la dérive du journalisme vers la peopolisation tout en apparaissant dans Gala.
Certes, il monte ses reportages pour leur donner l’aspect, la forme et le message qu’il veut faire passer, quitte à élaguer certaines images qui ne l’arrange pas, ce qu’aucun rédacteur sur Internet où ailleurs ne se permettrais de faire, l’intégralité des articles de fonds comme celui présenté ci-dessus sont parfaitement impartiaux et montre le sujet dans toute sa complexité sans jamais céder à la facilité de la critique gratuite et partisane.
Mais réfléchissons un peu, si on ne peut plus se faire de l’argent en ridiculisant les pauvres, les masses populaires, les imbéciles, les politiques honnêtes ou non, quel monde allons nous laisser à nos enfants ?