Il me semble qu’il met en avant du "déterminisme avec bruit" plutôt qu’un scheme intrinsèquement probabiliste. Je crois que certains passages de "L’individuation à la lumière ..." sont explicites. J’ai regardé rapidement ce soir mais je ne les retrouve pas. Il faut que je me replonge dedans.
"selon lui, l’équation être=un est le sophisme principal qui a donné lieu à tant d’erreurs philosophiques"
ça c’est essentiel. Je suis entièrement d’accord. comme je vous l’ai dit, je suis parti des données factuelles de la biologie. Pour moi le dépassement le "l’être-un" se situe dans la généalogie et le continuum biologique (thèse 4 et chapitre 7). C’est enitèrement contenu dans la notion d’ontophylogenèse.
Décidément il va falloir que je me replonge la-dedans.
Merci
Bonsoir,
JJK
Je ne sais pas si J-J Kupiec lit encore les commentaires de cet article, mais si tel est le cas j’aimerais lui poser une question.
JJK : Je viens de le faire …
Voilà, je suis en train de lire votre livre (je précise que je suis étudiant en philosophie, et donc incompétent en biologie : ma question sera ontologique) et il me semble que vous critiquez les théories de l’auto-organisation basées sur le concept de méta-stabilité, dans la mesure où elles ne feraient que ré-introduire une contrainte externe cachée.
JJK : plus précisément : les modèles de métastabilité proposés en biologie (Turing, Brusselator de Prigogine, etc.) repose sur molécules spécifiques ils sont donc invalides parce que les molécules biologiques ne le sont pas. C’est aujourd’hui un acquis de la recherche qui est incontestable. Mon propos est d’élaborer une théorie qui ne repose pas sur la spécificité. Les autres modèles improprement appelés d’auto-organisation, lorsqu’ils ne reposent pas sur des molécules spécifiques, font appel à des contraintes externes (les cellules de Bénard par exemple).
Je ne suis pas sûr que la métastabilité pour Simondon soit la même chose que les modèles précis de métastabilité dont je parle (de type Turing).
Ma question était : avez vous connaissance des travaux désormais classiques de Gilbert Simondon sur l’individuation ? Si oui, les pensez vous pertinents ? Comment vous situez-vous face à ses conceptions ?
JJK : j’ai lu (tardivement) le livre de Simondon sur l’individuation et quelques livres sur lui comme d’ailleurs Pichot intégralement pour répondre à une observation précédente). J’ai deux problèmes avec Simondon. Je perçois son intérêt mais je n’arrive pas à le relier concrètement à ma recherche. Je pense qu’il y a deux raisons à cela. 1) Ma culture est avant tout une culture de biologiste et je n’arrive pas à relierla théorie de Simondon aux acquis concrets de la recherche expérimentale. 2- Il est déterministe alors que je suis « probabilisite ».
En quelques mots, si vous ne l’avez jamais lu, ou pour les autres lecteurs de ce blog : Simondon propose (enfin, cela fait déjà 40 ans) une nouvelle conceptualisation de l’individu, basée sur le schème de la métastabilité, qui prend le contre-pied, tant de l’hylémorphisme (individu= matière+ forme) que de l’atomisme (les vrais individus sont des particules élémentaires insécables) au profit d’une théorie de l’individuation qui conçoit celle-ci comme un processus dynamique résultant de la rencontre entre un système riche en potentialités et un germe structurant externe.
JJK : J’en reconnais l’intérêt mais cf ma remarque précédente.
De votre point de vue, on pourrait dire qu’une telle théorie de l’organisation n’est pas une théorie de l’auto-organisation, mais qu’elle prend pour point central l’intervention d’un facteur externe (le germe structurant, par exemple la poussière qui, tombant dans un liquide en état de surfusion, produit le cristal).
JJK : Là c’est un bon exemple de ce qui peut-être nous sépare : il me semble que ce point de départ structurant est un accident (la poussière qui tombe) alors que je pense l’ontogenèse comme un processus intrinsèquement probabiliste.
Mais en étant attentif aux analyses de Simondon, on voit qu’il place en fait la réelle organisation de l’individu dans la relation elle-même et non dans l’un des termes : la solution sursaturée apporte le possible, le possible étant donné, tandis que le germe structurant ne fait que permettre la « solution » de la problématique inhérente à cette solution sursaturée.
Je l’explique mal, mais bon, l’idée est là : l’individu est l’être de la relation.
JJK : ça c’est très important et intéressant. Cela rejoint à point de vue le darwinisme, ce que je développe : l’être vivant n’existe que dans la relation à l’environnement. Cette idée je la trouve chez Darwin et Claude Bernanrd (depuis longtemps). Comme je vous l’ai dit il y a peut-être là un problème de culture disciplinaire qui cache des convergences réelles. Mais, elles sont à travailler (cela fait partie des choses que j’avais en tête pour poursuivre mon travail).
Pour Simondon, il faut absolutiser le concept de milieu, d’interface, en le plaçant à chaque moment de l’individuation (y compris dans celle d’un cristal, mais aussi dans celles des êtres vivants et des groupes sociaux). L’organisation n’est pas d’emblée donnée dans l’être sursaturé puisqu’il n’est qu’un réservoir de possibles, mais elle n’est pas non plus donnée seule dans le germe structurant (puisqu’il n’est que l’occasion de l’individuation, l’indice qui permet la résolution) : l’individu réside en fait dans la relation et dans le processus relationnel (ex : la transduction qui forme le cristal ; ce qui explique que pour Simondon l’individu cristal existe « réellement » durant sa formation, et non une fois formé. Car une fois formé, il n’a plus qu’un très faible degré d’individualité).
Il me semble que par ailleurs, même si Simondon désigne des « niveaux » d’individuation (physique, biologique, psycho-social), comme vous il ne pense pas une spécificité de la vie puisqu’elle consiste simplement pour lui en un régime différent d’individuation (et non dans une finalité immanente et mystérieuse).
Bref, Simondon se place dans le cadre du schème de la métastabilité, mais par d’autres aspects il me semble que certaines de vos analyses se rejoignent : pas de spécificité pour la vie, extension à l’infini du problème du « milieu » (par l’interface et la relation comme lieu réel de l’individu pour S.). Enfin, même si Simondon ne s’attarde pas sur Darwin, il y a quelque chose de la sélection naturelle (au sens étendu) dans son idée d’une détermination des individus en fonction du degré d’efficacité (dans la résolution des problèmes propres à la solution sursaturée) de tel ou tel germe structurant spécifique : la vie est résolution de problèmes pour lui, mais toutes les solutions ne sont pas équivalentes ; certaines solutions « marchent » mieux que d’autres, permettent la conservation d’un plus grand degré d’information.
Bon, mon explication est sans doute bancale, et si vous n’avez pas lu Simondon tout cela doit vous sembler faible (j’ai oublié de lier à mon texte beaucoup de notions essentielles comme celles de néguentropie, de disparation). Mais ma question demeure : avez vous lu Simondon ? Comment vous situez vous face à lui ? Je précise pour tout le monde que Simondon est un philosophe français de la deuxième moitié du 20ème siècle, qui passa inaperçu à l’époque (seul Deleuze reconnut l’originalité de ses travaux, et le plagia d’ailleurs largement dans certains livres), qui fait aujourd’hui l’objet d’un fort réinvestissement spéculatif dans les champs de l’épistémologie et de la pensée de la technique (c’est même l’un des auteurs les plus à la mode chez les jeunes philosophes français).
Voilà.
Au revoir, et dans l’attente de votre réponse.
J’ai déjà répondu sur la fin de votre texte (en gros je suis d’accord, le seul point difficile est la question du probabilisme que Simondon rejette). Je suis tout à fait ouvert.
Je vous réponds finalement sur un point, celui du soleil et de l’auto-organisation.
Je ne connais pas la physique du soleil précisément - mea culpa - mais je vais me renseigner pour ma gouverne personnelle. Je collabore régulièrement avec des physiciens des hautes énergies qui m’aident à faire des simulations du darwinisme cellulaire et je vais leur demander des éclaircissements.
Mais je n’ai pas besoin de cet exemple. L’auto-organisation n’existe pas. C’est la question ontologique qui fait que nous ne pouvons pas nous comprendre. Vous pensez l’origine homogène alors que je la pense hétérogène. C’est ce point qui nous sépare et qui décide de tout le reste. Vous êtes du côté du Même et moi de l’Autre.
Je vous souhaite bonne chance pour votre recherche.
JJK
PS : Je ne vous ai rien demandé. Vous devriez sortir de cette posture. Personne ne vous a diffamé, et si la Raison vous importune tant, cessez donc de la fréquenter.
B.L. : Sérieusement : Est-ce que vous êtes vraiment en train d’essayer de dire que le soleil pourrait être un modèle valable pour comprendre l’organisation des systèmes biologiques soumis à la combinatoire des protéines, qui est le sujet que je traite dans mon livre. Allons, ressaisissez-vous !!
Dans votre livre, vous dites que l’auto-organisation n’existe pas, que la matière ne peut rien créer de son propre mouvement. Je vous montre un exemple du contraire : vous éludez le problème.
J.J.K. Non je n’élude pas le problème. La différence entre vous et moi c’est que vous parlez de tout donc de rien alors que moi je suis un chercheur besogneux qui avance doucement et difficilement sur les pistes qu’il a eu la chance d’ouvrir (et qui doit en plus gérer des interventions parasites). Dans" L’origine des individus" j’ai traité les exemples principaux donnés par les défenseurs de l’auto-organisation et j’ai démontré qu’il y avait toujours des contraintes externes dans ces exemples. (Je remarque que tout à coup vous ne parlez plus des "cellules de convenction" qui vous sont pourtant proches !). Vous sortez maintenant le soleil de votre chapeau d’illusionniste. Mon réflexe de chercheur besogneux est d’être prudent sur un sujet que je ne connais pas.
B.L. De fait, une telle conception est irrationnelle, incompatible avec la démarche scientifique, qui au contraire s’appuie sur la raison. Elle pourrait se justifier en tant que discours religieux, mais pas en tant que théorie scientifique. (p. 113)
Quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage. Voilà en tout cas une méthode pour éliminer la contradiction qui fleure bon le scientisme poussièreux du XIXe s.
J.J.K Là je comprends que cela ne vous plaise pas, mais vous vous doutez bien que ce n’était pas mon intention ...
B.L. Pauvre raison qui en est réduite à jeter des anathèmes...
J.J.K. Mais oui la science s’appuie sur la raison. Où est l’anathème ?
Je vais devoir ralentir le rythme de nos échanges bien qu’ils m’amusent beaucoup, car j’ai aussi d’autres (beaucoup) choses à faire, comme vous probablement.
B.L. Ma critique du dispositif expérimental n’a jamais voulu dire que "cela signifie que les "cellules de convection" ne sont que des artefacts". Pour quelqu’un qui critique l’essentialisme, je trouve que vous avez beaucoup de mal à raisonner autrement que "si c’est pas noir, c’est blanc" !
J.J.K Ah là j’ai touché un point sensible. Vous devriez vous relire (peut-être que vous parlez trop et de trop de choses à la fois). Je vous recite :
B.L. mais il ne faut pas oublier aussi que le dispositif expérimental qui permet d’étudier les Cellules de Benard est spécialement conçu dans le but d’étudier ce phénomène dans toute sa pureté, c’est-à-dire en circonvenant la matière à l’aide d’un maximum de contraintes et ne lui laissant que fort peu de degrés de liberté, sinon celle de manifester ces cellules de convenction.
J.J.K Si on vous suit, les "cellules de convenction" sont bien soit un artefact soit le produit des contraintes que l’on applique dans ce dispositif. Dans les deux cas cela met à mal la théorie de l’auto-organisation. Réfléchissez-y. Ne vous enfermez pas dans une position intenable.
B.L. Et le Soleil, ce n’est pas un dispositif expérimental : on observe là le libre jeu des lois de la physique, et dont le déploiement des capacités combinatoires de la matière. Expliquez-moi comment le vide intersidéral (son environnement) se "reflète" dans sa structure, qu’on rigole un peu. Est-ce un système auto-organisé, oui ou non ?
J.J.K. Sérieusement : Est-ce que vous êtes vraiment en train d’essayer de dire que le soleil pourrait être un modèle valable pour comprendre l’organisation des systèmes biologiques soumis à la combinatoire des protéines, qui est le sujet que je traite dans mon livre. Allons, ressaisissez-vous !! Est-ce Madame Soleil qui vous a soufflé ça ?
B.L. Quand à votre parallèle avec le libéralisme, c’est une fois de plus un contresens : Reagan et Tatcher n’ont pas fait que déréguler les systèmes d’assistance et de protection sociale, etc. Ils ont également mis en place toute une législation très tatillonne et écrasante que seules les grandes entreprises industrielles et financières pouvaient respecter, et pour cause, c’est elles qui les avaient inspirée précisement pour en tirer un maximum de profit. Le capitalisme se dévelloppe en détruisant ou empechant les activités autonomes des individus et des communauté pour les remplacer par des marchandises et des services produits par l’industrie, par des intérêts privés. Sans l’intervention, parfois brutale et sanglante de l’Etat (voir ce qui s’est passé durant le colonialisme, ou le mouvement des enclosures en Angleterre au XVIIIe s.) (qui garanti la propriété privée des moyens de production et empêche leur appropriation collective), le marché prétenduement "auto-régulateur" ne tiendrais pas bien longtemps.
J.J.K. Là c’est vous qui faites un contresens grossier ! (je reprends votre terminologie). Je vous ai parlé de l’idéologie ultra-libérale et non de la réalité du capitalisme. Evidemment que le capitalisme ce n’est pas la même chose que l’idéologie qui essaye de le justifier.
Madame Soleil ne vous a donc pas expliqué que le Wall Street Journal apprécie beaucoup les théories de Stuart Kauffmann (partisan de l’auto-organisation très à la mode pour ceux qui nous lisent si il y en a).
Je vous le dis vous êtes mal informé ...