Je ne réponds que maintenant car il me faut du temps pour digérer les choses :)
J’avoue que cela m’a surpris d’apprendre que même pour les Belges il y avait des clichés allant si loin, du style les questions sur la télévision... Je sais qu’un Français se sent bien distinct d’un Belge et l’inverse (dans votre cas cela ne peut pas être le cas, sinon vous auriez souffert au trouble dissociatif de l’identité ;) mais ne pas savoir les choses de base sur son voisin cela étonne. En tout cas cette expérience vous a surement permis d’avoir de la réserve pour les stéréotypes nationaux quels qu’ils soient.
La timidité des Polonais dont vous parler après, cela est vrai. Vous évoquez la difficulté dans vos premiers contacts avec les Polonais qui résulte de la mécomprehension du caractère de l’autre. Je me reconnais dans cette histoire, j’ai eu le même problème quand je suis venue en France. Je suis une personne réservée, calme qui s’impose pas au premier coup : disons que je représente bien ma nation. Quand j’ai commencé mon travail, j’ai fait connaissance avec Arnaud. Après quelques mois dans l’entreprise où nous avions des contacts ponctuels il m’a avoué lors d’une soirée qu’au début il pensait que je l’aime pas ! Alors que c’était tout le contraire, j’avais de la sympathie pour lui ! Il m’a dit qu’il essayait d’être sympa avec moi, de faire des blagues mais moi je rigolais pas ! Je lui ai expliqué que tout d’abord je ne comprenais pas ses blagues (problème de langue) et que pour moi c’est pas comme ça qu’on montre la sympathie : en faisant semblant que les blagues me font rire. Puis il m’a rappelé un échange téléphonique qu’on a eu et comme quoi j’étais « brute » avec lui. Moi aussi j’ai gardé cet échange en mémoire, mais notamment comme preuve que nous nous entendons bien ! Quelle interprétation opposée de la même situation ! En répondant de façon « brute » et directe, j’ai voulu passer le message suivant : « Je t’aime bien et me sens à l’aise avec toi, donc je laisse tomber toutes les politesses et j’y vais droit au but dans ma réponse ». C’est comme ça que nous faisons en Pologne. Le rôle de la politesse en France n’est pas du tout le même. En Pologne si tu es trop poli cela veut dire que tu veux garder la distance ou que tu te sens mal à l’aise, en France la politesse c’est toujours une bonne chose. Bref, un problème typique de la rencontre des deux cultures différentes. Vous avez dit que « vous avez réfléchi dans votre coin », ou lieu de ça il fallait poser la question. Mais quand on est timide, c’est pas facile ☺ Moi j’avais de la chance de tomber sur quelqu’un plus directe qui après d’avoir bu quelques bières m’a dévoilé ce qui l’a échappé.
Ah, je vois qu’à nouveau j’écris trop. J’ajoute donc la dernière réflexion. Vous parlez de « l’esprit de la Pologne », on voit bien que vous êtes allé loin dans la compréhension de ce pays ! Mais même moi je me demande parfois si cela n’est pas en train de se décomposer, distraire. Si on ne le perdra pas avec le consumérisme. Vous me rassurez tout de même, je me dit que si vous, comme une personne externe, vous le voyez, le sentez dans l’air là bas en Pologne, cela veut dire que c’est une réalité !
Je me demandais parfois : Sommes-nous vraiment si
repoussant que l’on ne nous aime pas à tel point dans l’Europe de
l’Ouest ? En Allemagne, j’ai lu quelque part qu’à la question « Quelle
nation tu aimes le moins ? » ils ont tout d’abord indiqués les
Polonais. En Grande Bretagne, qui a tant profité de main œuvre pas chère de
Pologne, on devient aujourd’hui une « grande erreur » et on nous coupe les
aides sociales en menant ouvertement la politique de discrimination au sein de
l’UE. J’ai vu une fois dans la télévision française un échange à propos du
nouveau gouvernement en Pologne. A la question pertinente : « N’est
se passe-t-il pas quelques chose de marquant dans l’Union Européenne en ce
moment ? Nous avons Hongrie, maintenant la Pologne qui semblent prendre la
même voie eurosceptique. » la réponse suivante : « Avant l’accès
de la Pologne dans l’Union Européenne on se demandait si cela est une bonne
idée. Aujourd’hui nous voyons bien que nous ne partageons toujours pas les
mêmes valeurs ». Bah oui ! Il faut pas s’étonner de ce gouvernement en
Pologne, de toute façon elle est depuis toujours antisémite, raciste, catholo,
conservatiste, et maintenant elle ne fait que nous confirmer tout ça ! Voilà
une raison de plus pourquoi je n’ai pas de télé à la maison !
J’essaye de ne pas le prendre pour moi comme tu le dis
Knail, mais cela fait mal au cœur quand même ! Notamment parce qu’on parle
des valeurs. La Pologne s’est toujours identifié avec les valeurs de l’Europe,
l’Europe au sens large : la Grèce antique, le christianisme, attirance par
la liberté, histoire mouvementée, la faim de la culture, de l’éducation etc. En
tout cas moi j’étais élevé dans cet esprit. Si on pose la question à un Polonais,
il va dire que la Pologne s’inscrit pleinement dans la culture européenne. Il
se sent l’Européen pas seulement parce que la Pologne est dans l’UE ! Mais
parce qu’elle a contribuée à la richesse de l’Europe dans ces diverses
manifestations. Mais quand on vient à l’Ouest on a l’impression que nous sommes
des élevés d’un système mensonger, l’éducation polonaise raconte des salades !
Tout d’abord on constate en France que nous ne sommes pas un pays de l’Europe
Central mais l’Europe de l’Est et que nos valeurs sont aussi celles « de l’est ».
On découvre que même Maria
Sklodowska-Curie est Française de souche renommée ici Marie Curie (dans un des
numéros « Le Point » : on peut voir « Le génie français »
avec comme une des têtes celle de Sklodowska). Je me rappelle la déception de
mon père (sa première visite à Paris) quand nous avons visité le Panthéon et nous
sommes tombés sur une exposition sur la résistance en Europe : il n’y
avait pas un seul mot parlant de Pologne… pour un Polonais c’est un choque.
Et pour se plaindre encore en peu J les deux postures que
je rencontre dans la vie de tous les jours en France c’est soit une vision
bourrée des clichés qu’on me communique sans pardon et avec la sûreté qui n’aime
pas les objections (ils savent mieux que moi quelle est la réalité en Pologne !)
surtout sous forme des « blagues » (blessantes !), soit l’attitude
que je vois encore plus souvent : un désintéressement total, le familier
et si souvent entendu : « on s’en fou » ! On m’a même dit
cette phrase frontalement quand je voulais lancer une discussion.
Heureusement je rencontre des personnes plus sensibles, délicates
et ouvertes, mais toujours la même méconnaissance fait que le sujet ne pas
facile à lancer. En même temps dès que je dis que je suis Polonaise il y a
toujours quelqu’un qui me répond : « Je connais un(e) Polonais(e).
Il/elle est trop cool ! ». Lui ou elle est cool mais cela ne veut pas
dire que les Polonais sont cool ou que la Pologne peut être cool… ?
Je ne veux absolument pas dire que les Polonais sont
parfaits. Loin de là. Je connais bien nos défauts et d’ailleurs quand j’habitais
en Pologne je remettais en cause ce qui est mauvais chez nous. C’est peut-être
aussi mon caractère, ma « przekora » (j’ai pas trouvé la traduction
exacte, « taquin » ne me semble pas utilisé pour définir une posture),
tendance à remettre en causes toutes les vérités « évidentes » qui me
poussent à critiquer.
Maintenant j’ai laissé tomber l’idée de parler de ça avec
les gens ici. Cela me coute beaucoup d’énergie et apporte pas de fruit, j’ai
aussi l’impression que je fatigue vraiment les gens moi avec ma Pologne… Même pour
cet article je me demande à chaque fois si je dois poster un commentaire ou
pas J
Si vraiment ce sujet peut être intéressant pour qqn…
Knail, je te laisse mon mail [email protected] : j’aimerais
bien garder le contact si cela ne te gêne pas.
Allez-y, faites vos valises. De toute façon je suis trop touchée par vos propos pour pouvoir vous répondre. Si tous les Français réfléchissaient comme vous, je pense pouvoir rester toute ma vie en France.
J’ai lu votre article et les échanges qui le suivent avec
un souffle coupé. En tant que Polonaise qui vit en France, cela est peut être
la première fois depuis mes 5 ans ici que j’ai pu lire des propos tellement adéquats
à la réalité de la Pologne et qui reflètent à tel point les sentiments de
nombreux Polonais. J’avoue que cela est dur, voir impossible d’avoir une
conversation pertinente sur la problématique polonaise avec des Français que je
rencontre. Grâce à votre article et la posture dont vous faites preuve, Knail,
je me rends compte que cet aveuglement des Français c’est la conséquence de l’image
réductionniste que les médias français transmettent. J’ajouterai aussi le manque
général d’intérêt pour la culture et l’histoire de la Pologne. En France, en
parle de Pologne soit mal, soit pas du tout. Dès que je vois un mot « Pologne »,
« Varsovie », « polonais » dans un article, je me prépare
au pire. Mais votre témoignage et surtout votre façon d’analyser les choses c’est
le baume pour le cœur de cette Polonaise Bac+20 qui est partie à l’étranger et qui
vit de façon intense tous ce qui parle de son pays d’origine. C’est vrai que
les Polonais sont très susceptibles aux remarques des étrangers. Je dirais que
nous nous sentons toujours dans le devoir de prouver que nous valons quelque
chose, à tel point les sentiments de la mécompréhension et sous-estimations de
la part des pays occidentaux nous submergent.
J’apprécie également vos remarques pour leurs effets
sur l’état de ma conscience. Elles me donnent une lumière éclaircissant sur le
trajet des transformations politico-sociales en Pologne, une vision différente de
ligne directrice actuelle (notamment du diktat capitaliste). Cette dialectique
entre le communisme dur du passé et le capitalisme pas moins dur du présent, vit
dans chacun d’entre nous (même moi, malgré que j’ai eu seulement 5 an quand le régime
communiste a chuté), Mais cette dialectique reste souvent dans les non-dits. On
a le réflexe, comme votre ami Darek, de confirmer par défaut le bonheur du départ
du communisme, même si le nouveau système commence à nous décevoir… J’ai l’impression
qu’il y a encore dis ans, l’ambiance en Pologne était beaucoup plus favorable
aux changements vers ce monde globalisé, on était dans la posture de « rattrapage »
suite aux années de communisme, et prêts à un travail intense avec beaucoup de
sacrifices. On acceptait même d’être mal-jugé ou considérés comme des « arriérés ».
Bien plus encore, nous avons assimilé cette vision comme si nous regardions
nous-mêmes avec les yeux du monde Occidental ! Mais aujourd’hui, nous
avons fait nos preuves, nous avons « rattrapé » l’Europe dans des
nombreux domaines en si peu de temps. Et nous nous rendons compte que cela ne
change pas grande chose dans notre image auprès des pays occidentaux et que
notre travail n’apporte pas forcement les bénéfices pour la Pologne, que la vie
là-bas change, mais pas vraiment pour le mieux. J’ai vraiment peur de ce qui va
encore arriver à mon pays, j’ai peur de cette ambiance nationaliste et
destructrice née en Pologne suite à la déception et désillusion par rapport à l’UE,
mais aussi des tensions autour, avec comme toujours le jeu des grands de ce
monde : les Etats Unis, la Russie, prêts à faire de nous un jouet de leurs
propres intérêts.
Mes vous me donnez trop envie de rentrer en Pologne
avec vos histoires sur la compagne polonaise !