Le 15 février 1941, à la demande de la SS, le MSR de Deloncle
fusionne avec le Rassemblement national populaire (RNP) de Marcel Déat.
Le patron de L’Oréal, Eugène Schueller, devient la personnalité
économique de référence. Son livre, La Révolution de l’économie,
se classe dans les ouvrage de référence du fascisme
français.
Le 15 juin 1941, dans son discours au congrès de l’organisation au
Palais de la Mutualité, il appelle à « une révolution préliminaire à
la fois d’épuration et de redressement » qui ne peut « être que
sanglante. Elle consistera tout simplement à fusiller vite cinquante ou
cent grands personnages ».
Le 22 juin 1941, le Reich attaque l’Union soviétique. Deloncle et
Schueller décident de créer la Légion des volontaires français (LVF)
pour combattre le bolchévisme sur le front de l’Est et de la placer sous
l’autorité de Jacques Corrèze. Tous ses membres prêtent serment
d’allégeance au führer.
Ils tentent de s’appuyer sur cette puissante formation armée pour
éliminer leur adversaire politique Pierre Laval et leur allié et
néanmoins rival Marcel Déat. Le 27 août 1941, à l’occasion d’une
cérémonie de départ d’un contingent de la LVF sur le front russe, ils
organisent un double attentat au cours duquel Laval et Déat sont
blessés.
« La Terre
Française »Publication nazie
française dirigée par André Bettencourt (voir l’agrandissement : document
associé à cet article)
Le 20 décembre 1941, André Bettencourt, qui n’ignore rien des débats
en cours à Berlin, écrit dans l’éditorial de Noël de La Terre
française : « Un jour, trente ans plus tard, les juifs
s’imagineront pourtant gagner la partie. Ils avaient réussi à mettre la
main sur Jésus et l’avaient crucifié. En se frottant les mains, ils
s’étaient écriés : « que son sang retombe sur nous et nos enfants ».
Vous savez d’ailleurs de quelle manière il est retombé et retombe
encore. Il faut que s’accomplissent les prescriptions du livre éternel ».
En effet, quelques jours plus tard la Conférence de Wansee décide la
« solution finale » : des millions de personnes vont être exterminées
dans le plus grand secret.
À l’issue des affrontements internes à la mouvance nazie française,
c’est en définitive Deloncle qui tombe en disgrâce. Eugène Schueller se
précipe alors, le 18 mars 1942, à l’ambassade du Reich pour se
désolidariser de son ami. L’entretien est dûment consigné dans les
archives allemandes.
L’OSS s’en mèle
La bataille de Stalingrad inverse le cours des événements. Désormais
le Reich n’est plus invincible. André Bettencourt se rapproche de son
ami François Mitterrand qui exerce diverses fonctions à Vichy où il
partage son bureau avec Jean Ousset, le responsable du mouvement de
jeunesse de la Légion française des combattants de Joseph Darnand. Ils
seraient alors entrés en résistance au sein d’un Mouvement national des
prisonniers de guerre et déportés (MNPGD) dont l’activité a été
officiellement reconnue quarante ans plus tard par l’administration
Mitterrand, mais sur laquelle les historiens s’interrogent toujours.
Fin 1942, André Bettencourt est envoyé par Eugène Schueller
« aryaniser » la société Nestlé en Suisse, dont le patron de L’Oréal est
devenu l’un des actionnaires principaux. Il profite de ses déplacements
pour rencontrer Allen Dulles et Max Schoop des services secrets
états-uniens (OSS). En 1944, ils lui donnent 2,5 millions de francs de
l’époque pour financer leur réseau. On ignore tout, encore aujourd’hui,
de l’usage de cette somme.
Eugène Deloncle est assassiné. Mais les crimes des cagoulards ne
prennent pas fin pour autant, pas même avec le débarquement allié en
Normandie. Le 10 juin 1944, Jean
Filliol conduit la division SS Das
Reich à Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) où elle massacre 644 habitants
dans des conditions particulièrement horribles.
Parce qu’ils le valaient bien...
À la Libération, les cagoulards de Londres sauvent les cagoulards de
Vichy. Grâce au témoignage d’André Bettencourt et de François
Mitterrand, Eugène Schueller est relaxé au motif qu’il aurait aussi été
résistant. L’Oréal devient le refuge des vieux amis. François Mitterand
est engagé comme directeur du magazine Votre Beauté. André
Bettencourt rejoint la direction du groupe. Avec l’aide de l’Opus
Dei, une confrérie catholique franquiste, Henri Deloncle (frère
d’Eugène) développe
L’Oréal-Espagne où il emploie Jean Filliol. Quant à
Jacques Corrèze, il devient patron de l’Oréal-États-Unis. En 1950, André
Bettencourt épouse Liliane, la fille unique d’Eugène Schueller.
André
Bettencourt
Rue Saint-Dominique, le bureau d’André Bettencourt lorsqu’il dirigait
la PropagandaStaffel, devient une résidence de l’Opus Dei. Tandis que
Robert Mitterrand s’installe rue Dufrenoy dans l’immeuble qui abritera
le siège de l’Opus en France. Cette œuvre est politiquement dirigée par
Jean Ousset.
André Bettencourt a poursuivi une brillante carrière. Journaliste, il
a créé en 1945 le Journal agricole, pour les anciens lecteurs de
La Terre française. Sa carrière politique l’a conduit plusieurs
fois au Parlement et au Gouvernement. Il a ainsi pu renouer avec ses
activités passées en devenant secrétaire d’État à l’Information
(1954-55), poste créé par son ami François Mitterrand, en 1948, et où
ils auront tous deux forgé la presse française contemporaine. Les deux
hommes sont inséparables, au point qu’en 1986 lorsque Mitterrand devenu
socialiste et président de la République doit cohabiter avec une
Assemblée de droite, il hésite à choisir André Bettencourt comme Premier
ministre. Mais craignant le retour des fantômes du passé, il
s’abstient. Cependant, ce passé reste présent.
À la suite de cet événement, il fonde avec l’ingénieur Eugène Deloncle, La
Cagoule ou Comité Secret d’Action Révolutionnaire (C.S.A.R.),
un groupe d’extrême-droite qui à
partir de 1935
s’oriente dans des actions de plus en plus violentes dans le but de
renverser le régime républicain. Le 13 février 1936, il tente de porter
un coup de baïonnette à Léon
Blum. Entre autres meurtres, en 1937,
il
participe à l’assassinat des frères Carlo et Nello Rosselli à Bagnoles-de-l’Orne pour
le compte de Mussolini et se réfugie en 1937 en Italie
puis en
Espagne.
En 1941, il revient en France et rejoint l’équipe dirigeante du Mouvement
social
révolutionnaire de Deloncle où il est en charge du renseignement. Le
14 mai 1942, il organise un « putsch » pour évincer Deloncle. Mais Laval,
échaudé depuis la tentative d’assassinat dont il a été victime de la
part de Collette en août 1941, voit en lui un
assassin en
puissance et le fait interner en novembre 1942 au camp de Saint Paul
d’Eyjeaux.
Joseph Darnand, secrétaire d’État au
maintien de l’ordre et
chef de la Milice, le fait libérer
début 1944 et
l’affecte à la Franc-garde de la Milice dans le
Limousin, en
charge, encore, du renseignement. La tragédie d’Oradour sur Glane eut
lieu dans cette période, des SS déversent leur fureur sur les habitants
d’Oradour. Chef milicien à Limoges,Jean Filliolsemble bien avoir guidé leur choix sur ce village
, Il se
réfugie en Allemagne et participe à la création de « maquis blancs » pour
reconquérir la France.
Jean Filliol, réfugié en Espagne,
est condamné par contumace à la peine capitale. Il travaille pour la
branche espagnole de L’Oréal.[1]
Pour l’historien Robert O. Paxton, il est évident que
Jean Filliol fait partie de ces Français marginaux qui « ont émargé aux
fonds secrets de l’Allemagne et de l’Italie à
la fin des années 30 » (La France de Vichy, 1940-1944).
On ignore ce qu’est devenu Jean Filliol, probablement décédé en
Espagne où il s’était établi.