Les frères musulmans (pas que d’Égypte d’ailleurs), dans leur forme contemporaine, sont d’une certaine façon l’alter-égo « oriental » des trotskystes : leur projet politique, de type « internationaliste », repose essentiellement sur l’instrumentalisation intellectualisée (au besoin par la violence) des masses prolétaires (voire d’une partie de la classe moyenne) des pays musulmans par une propagande clandestine bien rodée (prosélytisme, ou Dawa) et un embrigadement phallocrate, programme qui passe inévitablement par la liquidation des souverainetés nationales au profit d’un agglomérat supranational (la oumma) articulé autour d’un dogme totalitaire, la charia. Quant à leur « universalisme », à l’instar de celui d’un Jules Ferry, il implique que le « bien » consiste à exporter ses valeurs chez les autres, vivants naturellement dans l’ignorance (Jahiliya), fut-ce par les bombes. A priori, les « frérots » seraient moins radicaux que les wahabo-salafistes, mais il serait tout de même souhaitable de se rappeler que l’islamisme algérien par exemple trouve ses racines idéologiques en Egypte...
Cette cérémonie, bien que non dénuée de mérites, doit probablement être vue pour ce qu’elle est : le chant du cygne d’une civilisation en phase terminale, qui à l’instar de sa monarque au crépuscule de son existence, sait qu’elle ne peut désormais plus vivre que dans la nostalgie atavique de sa splendeur passée. L’hommage à la révolution industrielle renvoie immanquablement au très beau film de John Ford qu’elle était verte ma vallée, bien moins pudique sur les terribles souffrances endurées par le bon peuple sans gloriole aucune au profit de son oligarchie en hauts-de-forme. Et n’est-ce qu’un hasard si Boyle a rendu hommage à la politically correct Mary Poppins, au juvénile Peter Pan, ou encore au mercantile sorcier prépubère dont je ne daignerai citer le nom, plutôt qu’Oliver Twist ou David Copperfield, martyrs de la cruauté froide et machiniste de la société industrielle victorienne ? L’imaginaire Voldemort plutôt que le très réel Jack the ripper dont la progéniture à si bien essaimé à la City ? Rawling ou le nouveau rêve thatchérien ! Exit le colonialisme britannique, ses cortèges de crimes, ses rivières de sang : place à un cosmopolitisme de façade bien glamour façon sitcom, c’est bien connu, tout le monde est heureux et s’embrasse à Tottenham ! Le climax de la déchéance est atteint avec « Sir » McCartney, dont la voix flétrie était plus un crève-cœur que l’émouvant hommage que cela aurait dû être ; Mohamed Ali, glorieux et fringant géant du XXème siècle désormais catatonique (à l’instar de cet autre géant industriel, les USA ?), quelle tristesse ; et bien entendu, The Queen, accablée par le « Spectre » de l’âge que pas même son chaperon de 007 ne peut contrecarrer. Reste peut-être Rowan Atkinson, pitre jubilatoire has been qui ironiquement incarne peut-être de loin l’une des dimensions les plus humaines de cette grande messe au déclin sur fond de militarisme ostentatoire...