Vous êtes vraiment le seul à défendre cette thèse et cela aurait du vous faire réfléchir. Tout d’abord, la finance n’est pas contrôlée par la comptabilité, la compta sert plutôt à mesurer la finance. Donc, si la BCE dit que la monnaie est créée par les emprunts, c’est que cela doit être vrai. Ensuite, nous ne sommes plus à l’époque où la monnaie est uniquement constitué des pièces et des billets en circulation. Ces billets et ces pièces ne constituent qu’une infime partie de la monnaie en circulation. Il faut bien créer le reste.
La BCE fait de l’émission monétaire et les banques font de la création monétaire. La monnaie émise est réservée aux banques et au Trésor et ne doit pas circuler ; cela sert à établir les fonds propres des banques qui seront clonés pour les emprunts. Seul circulent la monnaie créée par les banques et les pièces et billets créés par le Trésor.
Ce mécanisme de clônage mérite d’être explicité. En fait on peut considérer que lors d’un emprunt, on enlève cette somme des fonds propres pour les mettres sur le compte de l’emprunteur. Comme l’emprunteur ne l’utilise pas immédiatement, on peut considérée que la somme est déposée par l’emprunteur à sa banque et remise dans les fonds propres. L’emprunteur va utiliser cette somme pour payer ses créanciers, une partie sera dirigé vers des comptes qui sont encore dans la même banque et sera donc toujours dans les fonds propres. De même, des emprunteurs d’autres banques vont payer des créantiers dans la première banque et les banques ne transfèrent entre elles que la différence dans une opération de compensation.
Au final, une petite partie seulement de la somme empruntée sortira de la banque. Le reste peut encore être utilisé pour d’autres emprunteur. La BCE impose des contraintes sur le nombre de fois qu’une somme émise peut être clonée pour limiter les risques d’impayés. On parle de ratio Cooke (ou Bâle 1) Bâle 2 et maintenant Bâle 3. Ces ratios n’auraient aucun sens si vous aviez raison.
Dans les faits, ces ratios ne sont pas très efficaces, car les banques font de la titrisation pour maximiser le chiffre d’affaire.
L’argent créé se retrouve sur le compte de l’emprunteur et est détruit dès qu’il est remboursé. Il n’est donc jamais sur le compte de la banque. Si ce mécanisme n’existait pas, il n’y aurait pas assez d’Euros en circulation. C’est un mécanisme anti-inflation grâce à le destruction de la monnaie. En théorie, il ne circule que la monnaie nécessaire à l’économie. Dans la pratique, c’est autre chose…
Une banque n’est pas une entreprise comme les autres puisqu’elle a le droit de créer de la monnaie dans des limites imposées. Si vous aviez raison, alors Bâle 3 serait du vent et la crise financière n’existerait pas...
« Les sommes correspondantes existent, elles sont juste concentrées chez les détenteurs de richesse (qui ne sont d’ailleurs pas tous banquiers). » Vu votre dernière phrase, vous n’êtes pas loin de défendre l’idée des monnaies fondantes. C’est une approche qui me semble pertinente pour rééquilibrer la création de richesse vis à vis de la prédation.
Une majorité de la population rêve de pouvoir faire de la prédation, c’est-à-dire de s’enrichir sans participer à un acte de création. Il y a juste ceux qui peuvent le faire et ceux qui ne peuvent qu’en rêver. La monnaie fondante à pour avantage de ne pas permettre un enrichissement sans participer à la création de richesse. Elle permet aussi de rééquilibrer la rélation entre un vendeur et un acheteur : l’acheteur est alors aussi pressé de finaliser la transaction que le vendeur.
C’est justement parce que la fonction bancaire est absolument nécessaire au fonctionnement de l’économie que les erreurs ont des conséquences sensibles. Il est donc normal que la fonction soit rémunérée mais aussi que les erreurs soient payées.
« Oui, mais ici les banques sont à considérer comme des entreprises comme les autres »
Ce n’est pas tout à fait vrai. De par la loi, les banques ont des privilèges particuliers :
- elles peuvent se financer à un taux très bas auprès de la BCE (partiellement tout de même).
- elles peuvent prêter beaucoup plus que leurs fonds propres.
A ce propos, la BPI n’est pas une banque, car elle ne possède pas ces caractéristiques.
Par ailleurs, pour maintenir un chiffre d’affaire équivalent avec la mise en œuvre de Bâle 3, elle ont commencé à titriser les emprunts de leurs clients comme si la crise des subprimes américaines n’avait pas déjà été un avertissement.
On ne peut pas invoquer les turpitudes des autres pour s’affranchir de ses propres responsabilités. Le métier des banques est de prêter de l’argent, il est de leur responsabilité de faire en sorte que les clients puissent rembourser en réinjectant les intérêts dans l’économie réelle. Dans le cas contraire, on pourra parler de faillite organisée et ça, c’est contraire à la loi.
Dans votre réponse à Robert Gil, vous jouez sur les mots. Dans une économie qui ne crée pas de richesse, les intérêts sont pris sur les richesses existantes. Les banques savent, lorsqu’elles prêtent, qu’il n’y aura pas assez de création de richesse pour couvrir les intérêts. Il s’agit bien d’une économie de prédation, surtout lorsque la création de richesse est économiquement non rentable. Je reconnais que les lois sont mal faites, mais ce ne sont pas les citoyens ordinaires qui les ont inspirées.
Sur le premier point, il me semble que les choses sont un peu plus compliquées. Il est vrai que l’argent gagné par la banque est remis en circulation et peut éventuellement être utilisé pour créer de la richesse. Le problème vient du fait que cet argent n’est pas majoritairement utilisé pour augmenter la richesse disponible. Il peut être utilisé dans des produits financiers dont le seul objectif est la prédation de richesse existante et non la création de nouvelles richesse. Il peut également être utilisé pour créer des richesses ailleurs, ce qui ne permettra pas d’enrichir le premier emprunteur.
L’indicateur à observer dans ce cas est le solde du commerce extérieur. S’il est positif, c’est qu’il y a eu suffisamment d’investissements pour permettre de l’apport d’argent frais qui va permettre de payer les intérêts.
S’il est négatif, nous avons tout faux. Les capitaux permanents disparaissent et il ne restera rien pour payer les intérêts et même le capital.
Le financement de la création de richesse peut même être un vrai casse-tête si le retour sur investissement se situe au delà de deux ans pendant lesquels il va falloir rembourser capital et intérêt. Le calcul du coût financier total rends l’investissement impossible. J’ai payé pour savoir, j’ai déjà eu l’occasion de créer une Start-up.
La solution passe par de la création de capitaux permanents pour l’investissement. Ceux-ci ne sont pas remboursée, mais la valeur de la monnaie reste basé sur la richesse créée, ce qui limite l’inflation. La France fonctionnait ainsi avant la loi Giscard de janvier 1973. Malheureusement, la création de monnaie n’était pas vraiment contrôlée à cette époque, aboutissant à une inflation à 2 chiffres. La limitation de la création monétaire aux seuls emprunts n’était pas une bonne solution au problème, même si cela a effectivement limité l’inflation.
Autre solution possible : ne pas faire payer d’intérêts à ceux qui s’endettent pour créer de la richesse. Il vaut mieux faire payer ceux qui ont de la monnaie et ne la font pas circuler plutôt que ceux qui ont des dettes. La définition de la richesse n’est ni simple ni consensuelle, mais une monnaie ne peut pas être un outil de mesure de la richesse si elle est utilisée pour mesurer des flux, car cela crée une confusion entre l’objet mesuré et l’outil qui la mesure. La monnaie n’est pas la richesse.