Le gouvernement Abe a choisi d’ignorer la résolution adoptée le mardi 26 juin par la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants aux Etats-Unis appelant le Japon à « reconnaître sans équivoque la responsabilité historique de son armée dans la coercition » dont ont été victimes des femmes asiatiques au cours de la guerre du Pacifique. Votée à la quasi-unanimité, cette résolution exhorte les autorités japonaises à présenter leurs excuses, « clairement et publiquement » aux victimes de cet « esclavage sexuel ».
« La position du gouvernement a été explicitée à plusieurs reprises et nous ne souhaitons pas ajouter quoi que ce soit », a déclaré, mercredi, le porte-parole du gouvernement, Yasuhisa Shiozaki. Tokyo s’en tient aux « excuses et regrets sincères » exprimés officiellement en 1993.
« MÉCONNAISSANCE DES FAITS »
Cette question a été remise sur le tapis en mars par une malencontreuse déclaration du premier ministre Shinzo Abe sur l’absence de « preuve tangible » de coercition de l’armée dans le recrutement des prostituées.
La thèse a été reprise récemment dans une pleine page de publicité du Washington Post, signée de personnalités et de parlementaires japonais qui vont jusqu’à soutenir que les filles à soldats étaient mieux loties financièrement que bien des officiers.
La plupart des journaux épousent la thèse officielle selon laquelle il ne s’agissait pas de rafles. Certains, comme le Yomiuri (centre droit), parlent de « méconnaissance des faits » et voient dans cette résolution une manoeuvre de lobbies pro-chinois aux Etats-Unis visant à affaiblir l’alliance américano-nippone. L’Asahi (centre gauche) se fait l’écho de « la honte » que ressent le pays et estime que cette affaire reflète « la non-reconnaissance par le Japon des erreurs passées ».
Le négationnisme ambiant, conjugué à la complexité des mécanismes de la « traite » des 200 000 femmes dites de « réconfort », alimente la polémique. S’il n’y a pas eu de coercition systématique dans leur « recrutement », des documents n’en montrent pas moins l’implication de l’état-major qui, le plus souvent, sous-traitait cette besogne à des « marchands de femmes ».
Les Etats-Unis ne sont pas les mieux placés pour dénoncer le Japon car l’armée d’occupation américaine profita d’un système qui présente des analogies avec les bordels de l’armée impériale. Trois jours après la défaite du 15 août 1945, le ministère de l’intérieur nippon donnait ordre à la police d’organiser des « lieux de réconfort » pour l’occupant et consacrait un budget à cette opération.