Alors voilà mon constat : bien souvent, les
opposants français à l’intervention en Syrie ont des sympathies avec le
Front National. Alors, je ne discute absolument pas de leurs
opinions politiques (d’autant plus que, pour ma part, je ne peux pas
dire que j’adhère inconditionellement aux thèses défendues par tel ou
tel parti politque, qu’il soit de gauche ou de droite) ; c’est donc un
tout autre débat.
Et je le vois bien, les cadres du F. N. eux-mêmes sont pour le moins favorables au régime d’Assad,
de même, assez bizarrement, que le parti de Mélanchon. Alors, c’est
vrai que ça fait plaisir de les voir d’accord pour une fois !
A
la rigueur, je vois une certaine logique dans la position de Mélanchon,
c’est un anti-capitaliste, anti-américain, héritier de la tradition du
P.C., donc toujours un peu favorable à la Russie et à la Chine. Bref,
véritable « anti-tout », il fait obstruction à tout ce qu’il peut. En revanche, je comprend beaucoup moins la position du F. N.
(si quelqu’un peut me l’expliquer, je suis preneur). Sans doute, la posture habituellement critique du F. N. envers l’Etat hébreu peut expliquer certaines
choses, mais ça n’est pas suffisant ! Il y a aussi l’opposition au
gouvernement d’Hollande qui effectivement multiplie les impairs et se
décrdibilise de plus en plus. Enfin, il y a le mécontentement général
envers la manière dont la France est dirigée depuis quelques décennies
maintenant (peut-être depuis le début des « Quarante piteuses »). Cela fait déjà trois raisons, l’une plus forte que l’autre.
Cependant, à mon sens, il y a aussi de très fortes contradictions dans la posture adoptée par le F. N. sur la question syrienne. Par exemple, il y a le fait que le régime d’Assad est un régime socialiste
et que le socialisme du parti « Baas » (le parti auquel appartient Assad,
ainsi que son père et Saddam Hussein en leur temps) est un socialisme
un peu « à l’ancienne », c’est-à-dire extrèmement autoritaire, très porté sur le culte
de la personnalité, et quasi stalinien — Saddam ne portait pas la
moustache pour rien (même si Assad a apparemment choisi d’imiter une autre moustache non moins célèbre).
Mais ce n’est pas tout. Sur le plan
international cette fois, le régime d’Assad passe des alliances que le
F. N. devrait hautement désapprouver. Il est l’allié de trois puissances
qui se réclament toutes d’idéologies qui sont à l’opposé de celle d’un
parti d’extrème droite occidentale : la Russie poutinienne (toujours
très portée sur son passé soviétique), la théocratie islamiste qu’est
l’Iran, et enfin la branche armée du « Parti de Dieu », c’est-à-dire le
Hezbollah. Dans les faits, soutenir ce régime, c’est donc aussi
soutenir ces trois puissances et les idéologies détestables dont elles
se revendiquent.
Enfin, il faut ajouter que la rébellion
elle-même, pour confuse qu’elle puisse paraître sur le terrain, a des
revendications très claires depuis la constitution du C.N.S. (Conseil
National Syrien) qui, lorsque le régime d’Assad aura été renversé —
c’est inévitable, le peuple syrien ne veut pas de lui — formera, à n’en
pas douter, le noyau du nouvel Etat syrien. Or, si on les examine un
peu, les revendications du C.N.S. ainsi que les idéaux dont il se
réclame n’ont aucun rapport avec l’islamisme. En effet, le C. N. S. entend incarner la Syrie républicaine et laïque d’avant le putsch qui a fini par amener le parti Baas au pouvoir. Mais il n’y réussira vraiment que si on lui vient en aide.
Donc,
il me semble que le F.N. joue surtout ici une carte électoraliste dans
la mesure où il table sur le ras-le-bol que l’on ressent tous dans ce
pays, pour une raison ou une autre. Mais en aucun cas, le F.N. n’est fidèle à son propre alignement qui devrait normalement le pousser à combattre le régime d’Assad ; et ce pour plusieurs raisons :
_ d’abord parce que ce régime n’incarne pas la Syrie et n’a pas à coeur son intérêt national ;
il n’est, depuis toujours, que le pion des soviétiques, puis de
Poutine, dans la région. Les contrats sont signés prioritairement avec
le grand frère russe au détriment des intérêts économiques du pays, de
la même façon la politique étrangère est accès sur un soutien
inconditionnel de la Fédération russe, au détriment des intérêts
régionaux de la Syrie.
_ensuite parce que le régime d’Assad est
l’allié de forces que le F.N. veut combattre, à savoir les mouvances
islamistes. De son côté, le C.N.S. n’a aucun intérêt à ce que la
présence islamiste se prolonge indéfiniment dans le pays, au contraire,
pour Assad elle est vitale car elle lui offre, depuis deux ans, des
justifications ou plutôt une batterie de prétextes. Voilà pourquoi je suis franchement déconcerté par la position du F.N. et de ses sympathisants sur la question syrienne. Si vous pensez que j’ai tort, faites-le moi savoir, et surtout dites-moi pourquoi.
Monsieur, je vous invite à vous référer à mon popre commentaire, le principe de non-intervention ne s’applique pas dans le cas où un Etat se retourne contre ses administrés.
Je me réfère directement au § portant sur la « responsabilité de protéger », je trouve l’argumentaire très insuffisant. Autant, dans les autres cas de figures évoqués, les arguments se tiennent, autant là, c’est carrément médiocre.
Je m’explique : il est tout à fait clair que c’est l’armée régulière qui bombarde les civils, et non les rebelles. Personne ne nie encore cette vérité que je sache, sauf peut-être le régime lui-même. Quand bien même, la responsabilité de protéger demeure un motif d’intervention valable, car à partir du moment où le régime ne peut plus protéger les civils soit des rebelles, soit de lui-même, il faillit à cette responsabilité.
En réalité, la responsabilité de protéger est un texte bizarre dont on voit qu’il a eu du mal à passer à l’époque (comme toujours, Chine et Russie faisaient obstruction). Il se fonde sur l’idée qu’un Etat recherche par nature à protéger les populations, que c’est sa fonction, sa raison d’être. D’où l’idée que des interventions peuvent être conduites dans le cas où il (l’Etat) ne serait plus à même de remplir sa fonction. Dans ce sens, l’intervention au Mali (qui a fait l’unanimité en France) se justifie pleinement avec la responsabilité de protéger. Mais dans le cas de la Syrie, le régime bafoue cette responsabilité et pratique le terrorisme institutionnel. A la manière des « Tontons macoutes » de Duvalier en Haïti, les milices d’Assad terrorisent la population et commettent des atrocités. Enfin, rappelons-le, Assad est le boucher qui bombarde quotidiennement son peuple. Assad n’a aucunement à coeur les intérêts de son pays, il n’est, dans toute cette affaire, que le pion de Poutine et de l’Iran auxquels il offre un champ d’action et d’influence étendu au Moyen-Orient. En échange, ceux-ci font tout leur possible pour le maintenir au pouvoir. C’est ce triste marché qui coûte si cher aux Syriens.
En ce sens, le régime syrien perd toute légitimité en tant qu’Etat, parce qu’Assad ne cherche pas à jouer son rôle de chef d’Etat, responsable et garant du bien-être de son peuple, il ne cherche qu’à sauver son trône. Autant dire que je ne plussoie pas vraiment cet article... Contrairement à ce qui y est dit, la responsabilité de protéger est un motif tout à fait valable d’intervention.