Jean Renoir dans « La grande illusion » nous « vendra » un conflit de 14-18 mené dans un esprit chevaleresque et aristocratique, alors qu’il s’est le plus souvent agi de bouchers gantés, le petit doigt sur la couture du pantalon civil et militaire, impeccables certes ! Habiles dans le maniement de leur lorgnon, c’est vrai ! mais bouchers quand même ! Et leurs épouses, marraines de guerre, n’y changeront rien ; colis sous le bras, chacune viendra ajouter une touche obscène à ce sacrifice sans scrupule et sans objet qu’est cette première guerre mondiale.
Il y a des réalisateurs qui feraient bien de retenir un « Moteur ! » avant de donner le signal de faire tourner la caméra d’un projet cinématographique qui soumettra à notre perspicacité des questions qui n’en sont pas et des réponses… pas davantage.
En effet, les « de Boëldieu » et les « von Rauffenstein », héros de Renoir n’étaient au mieux qu’une exception qui confirme la règle suivante : dans les faits, « les Rauffenstein et les de Boëldieu » de ces années-là avaient la rancune sournoise ; n’en doutons pas un seul instant, ils étaient bien trop contents de précipiter sous la mitraille des gueux souvent grévistes et revêches, sans doute pour leur apprendre à obéir une fois pour toutes les fois, la dernière, où ils auront été tentés de n’en faire qu’à leur tête d’ouvriers décidément indomptables. .
Quant à l’alliance de l’ouvrier et du banquier (Gabin et Dalio dans l’ordre), là, on atteint des sommets dans le récit de ce qui s’avère être à la fois un conte pour enfants et une fable pour adultes hémiplégiques de la mémoire ( il devait leur en manquer au moins la moitié) ; conte et fable pour un film. tourné pourtant en 1939, et que le front populaire est déjà derrière nous ; il faudra attendre 30 ans son retour : le « Mai 68 ouvrier » s’entend.
Notons au passage que toutes ces guerres dévastatrices du XIXe siècle trouveront leur apogée dans la première guerre mondiale, la dernière boucherie militaire qui mettra à contribution le soldat et son barda de plusieurs kilos en attendant les grandes boucheries des bombardements massifs de civils de la seconde guerre mondiale - 60 millions de morts dont 45 millions de civils ; tenez : 75000 morts en quelques secondes à Hiroshima et à Nagasaki ! Sans doute le plus grand crime raciste de l’histoire soit dit en passant -, pour ne rien dire des guerres suivantes : Indochine, Algérie, Vietnam, Cambodge, Timor Oriental, Bangladesh, Irak, Gaza, Syrie, Libye …
Le poids économique, politique et médiatique des cibles du racisme et de l’islamophobie, à savoir les populations issues de notre « ancien » empire colonial, est quasiment nul ; d’où la complaisance avec laquelle les médias, la justice relativisent le racisme dont ils sont les victimes ; d’où aussi la tolérance à l’égard des propos racistes : Zemmour dans tous les médias depuis 15 ans et d’autres encore – Finkielkraut par exemple.
On notera ce qui suit : les complotistes qui dénoncent la menace d’un « grand remplacement » et le « racisme anti-blanc » ( ce sont les mêmes) n’ont jamais participé aux manifestations contre le racisme à l’endroit de ces populations ou ne les ont jamais soutenues ; de plus, un nombre conséquent d’entre eux ont aussi la fâcheuse habitude de nier ce racisme.
Tous ceux qui assimilent la dénonciation du racisme par ceux qui en sont les victimes comme du « racisme anti-blanc » sont à rapprocher de ceux qui dénoncent comme « ressentiment, envie ou jalousie » la dénonciation des injustices sociales par les plus démunis – les victimes ; ce qui, soit dit en passant, n’est pas le cas lorsque ce sont des sociologues et autres universitaires qui s’en font l’écho ; ceux-là sont généralement traités de « gauchistes. »
Qu’est-ce à dire ?
La dénonciation du « racisme anti-blanc » et de la menace du complot du « grand remplacement » et l’islamophobie, c’est encore et surtout la continuation par d’autres moyens (subterfuges) du racisme anti-arabe, anti-musulman et anti-africain.
Personne en Europe ne peut exiger d’une femme adulte qu’elle porte le voile ; de même pour les mineures. Le nécessaire a donc été fait : la loi oblige ; elle protège aussi et surtout ces femmes, ces enfants et jeunes filles.
Continuer d’insulter (de stigmatiser) les femmes adultes qui portent ce voile, ici en Europe, n’est pas acceptable. D’autant plus que nul aujourd’hui ne peut ignorer ce qui suit : vouloir faire le bonheur des autres contre leur gré n’est jamais que la marque d’un esprit d’une ignorance crasse ; ce qui lui devrait lui interdire tout jugement ; c’est aussi indéniablement la marque d’une intolérance qui n’ose pas dire son nom : le fait d’avoir beaucoup de mal avec ceux qui ne vous ressemblent pas.
Les femmes qui se vautrent dans cette stigmatisation avec la complicité implicite des médias qui ne manquent jamais de leur donner la parole ( pour preuve le fait que ces mêmes médias ne donnent jamais la parole aux femmes qui portent le voile) et qui se réclament du féminisme, n’ont aucune excuse ; aussi, à chaque opportunité qui nous est donnée, il faut sans relâche condamner ce discours méprisant de certaines femmes à l’endroit d’autres femmes ; discours qui réduisent les femmes qui portent le voile à des citoyennes de second rang, intellectuellement déficientes et humainement indignes de considération ; ces discours sont moralement dégueulasses, politiquement irresponsables et socialement condamnables par voie de conséquence.
Pareillement, on doit condamner sans réserve le fait que ce soient les hommes de la communauté musulmanes qui viennent tantôt défendre, tantôt expliquer le port du voile ainsi que la complicité des médias à ce sujet car, seules les femmes qui portent le voile devraient se sentir autorisées, et seulement elles, à prendre la parole. Dans le cas contraire, nombreux sont ceux (et principalement « celles ») qui s’évertueront à qualifier ces femmes « d’êtres humains sans voix car soumises ».
A propos de la tentation de réduire l’oeuvre de Céline à son antisémitisme... précisons ceci :
Il y a une vie en dehors de l’antisémitisme d’autant plus qu’il y a 24 heures dans une journée et ce pour tout le monde ; un tueur en série n’est pas tueur H24 ; réduire un individu à son « antisémitisme » (« antisémitisme obsessionnel » s’entend), c’est un peu comme réduire un individu au fait qu’il doit faire pipi et caca tous les jours.
Quant à Céline, son antisémitisme forcené ( dont il a écrit « les plus belles pages » côté style littéraire - dixit George Steiner) ressemble plus à de l’opportunisme qu’à une conviction personnelle (sans oublier le fait que tout le monde est antisémite dans ces années-là ; et sur un plan historique, tous nos auteurs, de Voltaire à Bernanos, ont dit du mal des Juifs avant de passer à autre chose).
Notons que l’antisémitisme de Céline se déclare au moment où l’on peut légitimement penser que l’on a tout à gagner sur le plan de la réussite sociale en soutenant un gouvernement et un milieu littéraire ouvertement antisémites. On oublie trop souvent que Céline n’a pas de culture politique historique ( il n’a pas pensé à l’après-Vichy ni à la défaite du Nazisme), qu’il n’a pas non plus de courage physique ni moral ( sa fuite en 1944 en Allemagne puis au Danemark et son positionnement victimaire durant sa cavale, l’atteste amplement ) et qu’il n’a jamais assumé ses écrits antisémites ; on oublie tout aussi souvent que Céline était un « arriviste » (terme employé ici sans connotation péjorative) : il avait soif de reconnaissance sociale d’autant plus que la première partie de sa vie est un échec (humiliation : il ne sera pas médecin car la médecine ne lui permettra pas de « payer son terme ») et qu’il vient d’un milieu éduqué mais marqué par un échec social cuisant aussi.
Un fait semble avoir échappé à bon nombre de commentateurs : Céline aurait tout aussi bien pu être résistant si la reconnaissance sociale dans ces années-là passait par un tel engagement. Aussi, grande est la tentation d’affirmer ce qui suit : Céline est « un Lacombe Lucien » au génie littéraire ; génie qui le sauvera de l’oubli. Engagé dans la résistance, il aurait sans aucun doute écrit les plus belles pages de ce mouvement.