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Commentaire de Luciole

sur La violence des images : une continuité historique


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Luciole Luciole 19 mai 2007 21:50

@ l’auteur

Vous avez raison de dire que je me suis éloignée un peu du sujet. La question que vous soulevez est l’impact psychologique d’une représentation de la violence. Il est évident que si la violence est très peu représentée dans l’Antiquité, c’est parce qu’elle est contagieuse. Voir la violence est de nature à déclencher la violence. Les anciens en étaient absolument convaincus.

Or, dès lors que la violence n’est pas canalisée vers un ennemi ou un « monstre », elle est susceptible de détruire le groupe entier par contagion, vengeance et vendetta (voir simplement ce qu’il se passe en Irak).

Les anciens étaient donc extrêment prudents dans la représentation de la violence, qui devait se produire lors de cérémonies religieuses très encadrées (sacrifices humains, animal, jeux du cirque...).

Lorsqu’elle est mise en image, c’est pour être totalement justifiée, afin que jamais l’image ne déclenche de sentiment d’injustice ou de désir de vengeance. le groupe doit rester unanime dans la violence.

Ainsi le pauvre Polyphème tué par Ulysse et ses compagnons n’est-il plus un pauvre berger borgne qui a refusé de laisser les grecs piller sa bergerie, mais un horrible cyclope anthropophage.

La Bible hébraïque rompt avec ce tabou en présentant la violence de façon beaucoup plus crue et peu idéalisée. Lorsque Moise et les lévites font massacrer un homme sur dix par tribus après l’épisode du veau d’or, le lecteur peut rester sceptique sur la justification d’une telle tuerie. Elle n’est ni justifiée ni idéalisée par le texte.

A l’origine, le meurtre de Caïn n’est pas voilé. La Bible ne fait pas d’Abel un horrible cyclope, mais Dieu demande à Caïn « qu’as-tu fait de ton frère ? ».

Avec la croix, la violence est totalement dévoilée et totalement condamnée. Elle est dénoncée comme s’exerçant de façon arbitraire jusque sur les plus innocents. C’est ce message terrible que rappelle chaque crucfix et qui « travaille » en profondeur notre perception de la violence.

Le cinéma moderne reste fortement archaïque et sacrificiel dans le sens où le film passe deux heures à nous convaincre de la culpabilité de la victime qui est tuée à la fin. Ainsi, ce n’est pas une pauvre paysanne que les sept nains de Walt Disney précipitent d’une falaise, mais une abominable sorcière...

Pourtant, cette justification marche de moins en moins bien, parce que nous doutons toujours de la culpabilité des victimes. C’est pourquoi les films d’horreur fabrique des monstres plus terrifiants, sadiques et monstrueux les uns que les autres, afin que le public ne puisse recommencer à respirer qu’avec la mort du « méchant ».

Le cinéma plus évolué et intellectuel essaye au contraire de nous faire réfléchir sur la culpabilité.

Ainsi quand le petit Kirikou demande à sa mère « Pourquoi Karaba est-elle méchante ? » sa mère lui répond « il n’y a pas qu’elle qui soit méchante... »


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