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Commentaire de ocean

sur Un juge poignardé à Metz : à qui la faute ?


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ocean 8 juin 2007 14:31

Paul, les écoutes de l’Elysée ont certes été faites ’’sous la présidence de F. Mitterrand’’, mais elles ont surtout été faites sur ordre de F. Mitterrand !

Ce détail dit, votre article m’inspire deux réflexions :

La premiere, a propos d’Outreau, est que encore une fois, j’ai vraiment du mal a voir en appeler a l’institution judiciaire, meme si son besoin de réforme est évident :

il me semble que dire quelque chose comme ’’il ne s’agit pas tant d’un juge que de toute une institution a revoir dans son ensemble’’, discours tres souvent entendu, est la meilleure facon non seulement de déresponsabiliser, mais de déshumaniser l’acte judiciaire de la facon la plus odieuse, la plus insupportable et la plus lourde de conséquences qui soit.

Dans ce sens, ce poignardage rappelle la responsabilité personnelle du juge (je ne dis pas ’’du magistrat’’, je dis bien du juge, celui ou celle qui « juge »)

Un accusé a tort, enfermé pour rien et par hasard, saccagé pour rien et par hasard, au petit bonheur de la survenue d’un juge qui s’autorise a débarquer dans sa vie du jour au lendemain et sans prévenir, ne peut pas accepter l’idée que la faute en revient a une institution.

Ce n’est pas l’institution qui parle dans le prétoire. Les auditions ne sont pas faites par une institution, ni les réquisitions. Les courriers des prévenus ne sont pas lus par une institution, la nourriture de celui qui est écroué ne lui est pas servie par une institution, le maton n’est pas une institution, ni les menaces ni les dangers réels que subissent les ’’pointeurs’’ ne sont le fait d’institution, et a la sortie, le rejet n’est pas le fait de ’’la société’’.

Ou alors, on va dire que ce sont les locomotives qui ont amené les déportés dans les camps, et que c’est le crayon qui fait les fautes d’orthographe, comme a dit Papon entre autres.

Dépersonnaliserait-on ainsi l’acte délinquant ? Condamnerait-on ’’la délinquance’’ ? Enfermerait-on, saccagerait-on, menacerait-on, humilierait-on ’’la faute’’ ? Est-ce ’’le délit’’ qui se fait tabasser dans la douche ? (s’il a de la chance). Est-ce ’’le péché’’ qui fait trois ans de préventive parce que M. Untel ou Mme Unetelle, immature, irresponsable et paranoiaque en a décidé ainsi dans sa tete malade ?

Non, je crois indispensable de ne pas manquer de dire que derriere tout cela il y a une personne, qui a une adresse, un nom et un prénom. Tel juge, monsieur ou madame untel, qui habite telle ville, qui a ou n’a pas d’enfants, etc., tel ou telle procureur, qui ont dit ceci et cela précisément.

Nous ne sommes JAMAIS obligés de faire quelque chose, nous sommes responsables personnellement parce que nous sommes libres. Nier notre entiere responsabilité c’est nier notre liberté.

_____________________

La deuxieme réflexion que m’inspire votre article, c’est que je crois important de ne pas oublier que la position, le lieu du juge, sa situation, son cadre, sont toujours sur des interfaces, et a ce titre forcément ambigus.

Interfaces entre le bien et le mal, entre le légal et le légitime, entre l’intéret personnel et l’intéret collectif, entre la raison personnelle ou collective et la raison d’état.

Entre le juge et son ’’client’’ justiciable, entre le meilleur bien et le moindre mal, entre le présent (ici maintenant, la situation sur mon bureau) et l’avenir (la jurisprudence que constituera la chose jugée, voire simplement ’’la porte ouverte a tous les abus’’), entre le ’’fait’’jugé et les projections et pulsions inconscientes et inavouables du juge... entre la doctrine inscrite dans le passé et la situation tres présente, etc etc.

Ce que j’essaye de dire, c’est que cette situation d’interface fait naturellement, structurellement, de l’acte posé par le juge un lieu de symptome.

L’acte judiciaire est posé par un juge (qui devrait etre responsable et qui est malheureusement irresponsable) mais dans l’acte judiciaire, c’est une société qui s’exprime.

Ici, dans ce poignardage, on trouve l’égalité entre les hommes et les femmes (elles accedent a la violence publique et décomplexée, a une sorte de sommet d’acte délinquant, (c’était quand meme un magistrat !), elles accedent aussi au droit de ne pas avoir la sacro-sainte garde des enfants, droit jusque la apanage des hommes).

On trouve aussi la suite logique de l’affirmation de soi (’’parce que je le vaux bien’’, non ?). Mon idée vaut ton idée, ca m’est égal que tu sois juge ou pas, moi je suis moi, tu me nuis, je te poignarde.

Outre ce prolongement de la déclinaison ’’républicaine’’ actuelle de l’Egalité, on trouve encore un prolongement de la déclinaison ’’républicaine’’ actuelle de la Liberté : c’est pas toi qui va m’empecher d’exprimer ma haine !

Egalement l’appel au mythe de la (mere) Nature : ’’Normal, vous savez, une Mere, pour ses enfants, c’est comme une Louve...’’>

Etc. etc...

Je crois que c’est important de dissocier la claire responsablité personnelle du juge M. ou Mme Untel, en faisant tres attention a ne pas regarder les institutions tenantes et aboutissantes comme des acteurs, mais en les cantonnant bien a ce qu’elles sont avant tout : un lieu d’expression, d’apparition, et donc de lecture de symptomes, de manifestations visibles, a fin de les comprendre.

Ma peau est une membrane, une interface entre moi et l’extérieur ; le bouton qui y apparait, certes c’est bien lui qui me gene, et certes je peux le traiter lui, localement. Mais il ne faut pas oublier que s’il est personnellement responsable de la démangeaison, c’est la lecture de son apparition au lieu ou cette apparition se produit, qui me renseignera sur l’état de mon foie, état dans lequel se trouvent d’autres niveaux de causalités et de significations.

Les dysfonctionnements - et ce poignardage en est un indéniablement - sont des indicateurs>

Leurs acteurs (auteurs) sont libres, et responsables.


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