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Commentaire de Krokodilo

sur Erasmus, ou la mort du français dans les sciences ?


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Krokodilo Krokodilo 9 juin 2007 12:18

Merci pour les précisions sur le mode d’agrément de ces programmes, mais reconnaissez que l’info n’est pas facile à trouver, ni très explicite.

Je reviens sur un de vos messages :

« J’ajoute que concernant Erasmus Mundus, la proportion d’étudiants provenant des Etats tiers à l’UE et parlant le Français étant plus que réduite, il me semble cohérent que la plupart des universités qui les envoient en Europe... suggèrent que ceux-ci puissent étudier dans la langue usitée dans le milieu des échanges internationaux, c’est à dire l’anglais. »

C’est bien le sujet de mon article. Il était évident qu’en construisant de bric et de broc des cursus où l’étudiant étranger doit suivre successivement des cours dans trois pays européens différents en l’espace de peu de temps, la barrière des langues allait poser problème et favoriserait l’anglais. Ceux qui ont mis au point mundus ne pouvaient pas l’ignorer.

What language requirements are there for an Erasmus Mundus Masters Course ? Is there a prescribed language of instruction ? Erasmus Mundus Masters Courses provide students with the possibility of using at least two European languages spoken in the countries where the institutions offering the Erasmus Mundus Masters Courses are located. However, the use of at least two languages does not imply the use of two different languages of instruction : there can be a single language of instruction paired with the offer of learning a second language. Also, there is no obligation that the institutions use their national languages as the language of instruction. http://ec.europa.eu/education/programmes/mundus/faq/faq2_en.html#4

Si ce n’est pas une incitation à faire des cours en anglais, qu’est-ce que c’est ?

Car il était possible - et ça l’est toujours - de faire rayonner mondialement les masters européens sans les angliciser (quasi) systématiquement : il aurait été possible de définir de façon similaire un label européen mundus pour certains cursus, mais où chaque pays aurait fait l’enseignement dans sa propre langue, comme autrefois, à charge pour chaque pays d’organiser, de séduire, de sélectionner les candidats, de les prendre en charge, de valider. En outre, cela aurait été plus simple car calqué sur les cursus existants, il ne manquait qu’à les choisir et les proposer pour ce label européen.

Il y a quelque chose de schizoïde de la part de l’UE à réciter partout son mantra du plurilinguisme, à le promouvoir sur ses sites et auprès des états membres, et dans le même temps à organiser un programme qui développe clairement l’usage de l’anglais dans les universités européennes. Si ce n’est pas schizoïde, alors c’est seulement hypocrite !

En fait, ce n’est même pas hypocrite car de hauts responsables l’ont quasiment avoué : « Pour Viviane Reding, il ne s’agit pas moins que de  »reconstruire le Moyen-Age : en ce temps-là, les étudiants allaient d’université en université, de professeur en professeur«  a expliqué la commissaire.  »Mon rêve, a-t-elle ajouté, serait qu’un jeune commence ses études à Paris, les poursuive à Helsinki pour les finir à Barcelone, sans que cela ne lui pose aucune difficulté. Erasmus Mundus est un premier pas posé en direction de ce rêve.(...) Entre 2004 et 2008, ce ne sont pas moins de 250 masters européens qui devraient voir le jour." http://www.amue.fr/ACtu/Actu.asp?Id=698&Inst=AMUE Il est clair que pour cette commissaire européenne qui rêve d’un nouveau Moyen-âge, le latin de l’Europe, c’est l’anglais. C’est à se demander pourquoi la commission persiste à prétendre soutenir le plurilinguisme dans l’UE.

Pour ceux qui prendraient la discussion en cours de route et ne croient pas que des universités françaises organisent des cursus parfois exclusivement en anglais pour les étudianst de ces programmes Erasmus mundus, voici quelques exemples que j’avais enlevés pour raccourcir mon article :

European Master in Animal Breeding and Genetics (EM-ABG) « The language of instruction is English except at Paris-Grignon where French will also be used in the first year » IMMIT : International Master in Management of Information Technology (dont Aix-en-Provence) « The language of instruction is English. » EuroAquae Euro hydroinformatics and water management (à Sophia-antipolis, Nice) http://portail.unice.fr/jahia/page2070.html (le détail sur les langues d’enseignement est sur la plaquette en pdf) Masters Course running the Partnership : QUATERNAIRE ET PREHISTOIRE (National Museum of National History (FR)) « La langue de travail sera l’anglais. » EUROPEAN MASTER IN LAW AND ECONOMICS (University Paul Cezanne Aix-Marseille 3) « The language of instruction is English, but the master thesis can also be written in another European language, excluding the student’s mother tongue. »

Les médias préfèrent parler de l’Erasmus de base que de Mundus, de la merveilleuse mobilité des étudiants et des personnels, des vibrionniques vrais européens (nous, ceux qui ne bougent pas et ne sont pas polyglottes, sommes les faux européens, cela va sans dire), de la formidable ouverture d’esprit (nous sommes très bornés, nous les faux européens), etc., je les comprend, c’est plus « glamour » que de discuter de la barrière des langues.

Les choses sont pourtant simples et claires : autrefois, les étudiants étrangers qui venaient faire des études en France le faisaient en français, maintenant certains d’entre eux le font en anglais. C’est un pas de plus vers l’anglais lingua franca de l’Europe, un orteil de plus vers l’hégémonie de l’anglais dans les sciences, subventionnée par l’UE.

Je le répète, on peut très bien faire un label de qualité européenne où chacun enseignerait dans sa langue.


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