Comme d’habitude, un aspect fondamental est totalement passé sous silence : la langue. Personnellement, je ne suis pas contre l’idée européenne, mais contre une Europe anglophone.
Si l’on ambitionne de faire de l’UE autre chose qu’un grand marché commun avec des organismes de coopération (ce qui n’est déjà pas si mal), si on veut construire une sorte de pays doté d’une constitution et d’Européens, il faut que ces Européens puissent discuter entre eux ! Ca paraît évident, pourtant on n’en parle jamais.
Hubert Vedrine a comme d’habitude dit des choses très intéressantes l’autre jour à la télé, que la construction européenne serait probablement l’affaire de plusieurs générations, qu’il fallait se concentrer sur des choses concrètes, précises plutôt que des grands projets inapplicables (je résume en déformant ses propos). Eh bien, que les Européens soient aptes à communiquer entre eux est à mon sens l’exemple même d’un problème pratique qu’il faut résoudre en priorité.
Je passe rapidement sur le plurilinguisme qui est une bonne chose pour ceux qui maîtrisent quatre langues pour des raisons diverses (profession, famille, etc) mais inapplicable comme solution et menant aussi à l’anglais lingua franca.
La Belgique et la Suisse ont déjà beaucoup de difficultés avec 3 ou 4 langues, comment l’UE pourrait-elle faire avec 25 ou 27 ?
Je passe encore plus rapidement sur l’intercompréhension passive qui n’est qu’une théorie citée depuis une quinzaine d’années, sans aucun fondement pédagogique, aucune expérimentation, aucune méthode d’enseignement.
L’UE actuelle est totalement anglophone, chose soigneusement passée sous silence par les médias : pratiquement tous les organismes de coopération utilisent l’anglais (militaires, politiques, Erasmus mundus, scientifiques, tout sauf le juridique), presque tous les sites sont en anglais, environ 70% des documents officiels, beaucoup d’ONG, la liste est longue.
Tous les grands discours sur le multilinguisme ne sont là que pour cacher ce fait très dérangeant car contraire aux textes européens, contraire aux lois sur la discrimination à l’embauche, et injuste car il ramène une fortune à la GB, fait que cachent également les journaux et télés, parce que presque toute l’élite intellectuelle et politique a fait allégeance à cette Europe anglophone.
Il ne s’agit pas d’anti-américanisme, nos civilisations sont proches, nos valeurs aussi (excepté les évangélistes et autres fanatiques !), mais de refuser les grandes injustices engendrées par l’hégémonie de la langue anglaise, même par le soi-disant « anglais international » qui n’est qu’un mauvais anglais. On ne peut construire l’UE sur l’injustice, sur la notion qu’il y a d’un côté quelques langues de travail et de grande culture, de l’autre côté des petites langues « d’inculture »...
Les Européens doivent pouvoir s’adresser à l’UE dans leur propre langue, mais ce n’est pas suffisant. Si l’on ambitionne de faire naître un sentiment européen -qui n’existe pas à ce jour-, il est indispensable que ces futurs citoyens puissent se parler facilement, et autrement qu’en anglais.
Or, l’outil de communication adapté au problème de l’UE existe depuis un siècle, c’est l’espéranto. Le vocabulaire est européen ( latin, grec, germanique), la grammaire internationale, et la langue est au moins dix fois plus facile en raison de sa structure, de sa régularité grammaticale et phonétique. En favorisant une langue auxiliaire, en partageant l’effort pour la communication, le sentiment d’injustice qui peut naître lors d’une discussion entre un anglophone natif et un autre européen disparaîtrait. Chacun a fait un effort. Alors qu’aujourd’hui, nous devons apprendre l’anglais (devenu quasiment obligatoire en France) depuis l’école primaire jusqu’au bac, voire faire des séjours d’été et stages à la City, financer une télévision en anglais, etc, pendant que les natifs sont libres de consacrer ces années et cet argent selon leurs souhaits.
On dit que l’Europe est en panne, qu’il n’y a plus de projet. Quel projet serait plus utile que de disposer d’une langue auxiliaire pour se comprendre enfin entre Européens ?
Apprenons l’espéranto, la langue interculturelle, et que chacun y mette du sien pour construire l’Europe, pour donner une âme à une Europe qui n’existe pas vraiment.
Les élites boycottent cette solution pourtant analysée parmi d’autres par le rapport officiel Grin -boycotté lui aussi. Puisque les élites ont fait allégeance à la solution anglais lingua franca, c’est au peuple, à nous de décider si nous adhérons à cette vision d’une Europe anglophone, si nous préférons une Europe marché commun, ou si nous oeuvrons pour une Europe dotée de l’espéranto comme langue interculturelle dans laquelle les Européens arriveront à parler entre eux, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
A chacun de faire son choix et de le faire savoir, car manifestement, l’Europe anglophone gagne du terrain chaque jour un peu plus.
Et cette rumeur de Tony Blair comme premier Président de l’Europe... Ce serait de la provocation, la GB n’a même pas adopté l’euro.