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Commentaire de Aoriste

sur Traité européen : ce que veut l'Allemagne


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Aoriste Aoriste 20 août 2007 22:46

M. Kotoujansky,

Les arguments exposés lors de votre intervention sur l’origine fédéraliste de l’Europe sont intéressants et pertinents, mais économiquement ciblés pour abonder dans l’optique qui est vôtre. Or, sans contester une partie économique d’inspiration libérale, ne serait-ce que par le parcours professionnel de M. Jean Monnet, ce profil me paraît incomplet.

Que ce soit le discours d’Aristide Briand devant l’Assemblée de la Société des nations, tenu le 5 septembre 1929 pour la partie un peu plus idéologique, où il évoque :

« qu’entre des peuples qui sont géographiquement groupés comme les peuples de l’Europe, il doit exister une sorte de lien fédéral (....) ; ces peuples doivent avoir à tout instant la possibilité d’entrer en contact, de discuter leurs intérêts, de prendre des résolutions communes, d’établir entre eux un lien de solidarité »

sans parler de son mémorandum sur l’organisation d’un régime d’Union fédérale européenne (17 mai 1930), et enfin le discours de M. Winston Churchill en 1946 à Zurich, historiquement plus marqué à la sortie du dernier conflit mondial, où il est question d’ Etats-Unis d’Europe, il apparaît difficile d’imputer l’idée latente d’une Union de type fédérale à une seule initiative américaine portée par ses intérêts économiques et impérialistes après la seconde guerre mondiale. L’Union constituerait justement à mes yeux un rempart à ces velléités.

Que les Etats-Unis se soient certes appuyés sur une Allemagne défaite pour jeter leur dévolu militaire sur l’Europe occidentale dans l’optique de la guerre froide, est certain, et ce même en dépit des efforts développés par certains Etats européens pour s’unir militairement au sein de l’UEO (sans participation américaine Cfr. Traité de Bruxelles du 17 mars 1948) ou politiquement au sein du Conseil de l’Europe. Quoi qu’il en soit, la couverture militaire en Europe du grand frère américain a fondu comme neige au soleil depuis la chute de l’empire soviétique à tel point que certains Etats l’ont regrettée et l’affrontement s’il en est un (d’autres parleront de concurrence) se situe désormais sur le plan économique voire diplomatique et ce derner manque (encore) cruellement à l’Europe justement.

Ensuite, cette bien putative volonté d’hégémonie allemande représentant des intérêts américains sous couvert de régionalismes imposés me semble un peu anachronique ou stigmatisée à l’extrême, mouvances extrémistes exclues évidemment. En ce qui concerne les régionalismes outre-Rhin, il sera peut-être poncif pour certains d’évoquer l’histoire de cet Etat ou de ces Etats qui, à contrario de ce qui a été martelé par les sbires de la IIIème République, n’ont jamais eu de frontières aussi naturelles, aussi fixes et des formes étatiques aussi centralisées qu’en France, ancien régime compris. D’une façon bien lapidaire, le Saint Empire romain germanique était composé d’une pléthore de « Splitterstaaten » relativement indépendants, donc très propices au développement pérenne des régionalismes et particularismes ; le rôle de l’Empereur se limitait peu avant sa chute grossièrement à l’administration postale ! Même l’essor prussien s’est toujours trouvé endigué par la résistance affichée ou latente des Etats du sud (Bavière, Bade et Württemberg), traditionnellement plus proche de l’Autriche et francophiles. À l’exception évidente du IIIème Reich et même précédemment sous l’époque Wilhelminienne pourtant unificatrice, les régionalismes ont perduré et s’expriment de nouveau pleinement au sein de cette République fédérale : continuité sous des formes politiques différentes, plus actuelles, il en va de même pour la France et ses volontés centripètes héritées de l’ancien régime qui perdurent toujours.

Or, bien que ces deux système intrinsèquement antinomiques co-existent, l’absence de conflit militaire est une évidence en dépit des sombres collusions et machinations suggérées. Qu’il existe de part et d’autre pressions et lobbies nationalistes, extrémistes, oui (preuve en est dans certaines interventions précédentes) : demeurerait à savoir lesquels des français ou allemands sont les plus nuisibles, dans tous les cas de figure, il ne l’ont pas été (ou ne le sont pas encore) suffisamment pour mettre en danger un espace de paix européen.

Pourquoi ne pas envisager la coexistence pacifique de ces deux formes étatiques ayant délégués certaines compétences régaliennes —d’un commun accord— et selon leurs hiérarchies et normes de valeurs respectives à des institutions supranationales ? D’aucuns pourront accentuer la nécessité économique ou diplomatique à la fin de la seconde guerre mondiale plutôt que d’une volonté idéaliste d’union morganatique : quand bien même, le résultat est bien là, l’Europe pacifique continue son chemin tant bien que mal.

Se pose ensuite le problème oh combien sensible de la qualification juridique de l’Union, un débat sans fin, aussi passionnant pour les juristes qu’abscons pour le citoyen lambda. L’Union est difficilement qualifiable avec des concepts hérités du droit international public (fédération, confédération, consociation, union d’Etat nation, cette liste n’est pas exhaustive) alors qu’elle est un projet évolutif sans antécédents historiques, avec un niveau d’intégration sectoriel original, avec ses propres normes et hiérarchies juridiques, bref passons les détails connus, toute la difficulté sera de trouver un qualificatif à cet ensemble hétéroclite en évolution constante : une histoire sans fin.

L’Europe du citoyen, celle palpable, exploitable par tous m’intéresse bien davantage pourvu que ne soit pas fait l’amalgame consistant à diaboliser l’Union ou ses représentants pour ce qu’elle ne peut juridiquement faire en place et lieu des Etats qui manquent de façon croissante à leurs devoirs.

La Mairie de Paris compte 45 000 fonctionnaires pour 2 153 600 habitants en 2005, la Commission européenne ne compte « que » 25 000 fonctionnaires pour approximativement 480 millions d’habitants. Si tous les fonctionnaires sont des prévaricateurs et concussionnaires en herbe que l’on se livre à une règle de trois pour savoir où se trouvent véritablement les abus.

Pour conclure, je partage entièrement les inquiétudes de M. Koutoujansky relatives à la précarisation et paupérisation sociales qui semblent se développer dans des proportions alarmantes en France, sans disposer de sources « officielles ». Je préconiserais évidemment des solutions opposées aux siennes : soit l’institution d’une véritable politique sociale commune, encore à définir, mais comportant autant de planchers sociaux (éventuellement répartis en fonction du PNB pour chaque Etat) là où les Etats membres sont pris en défaut, mais, là encore, ces politiques sont de la compétence exclusive des Etats membres et l’Union n’a guère sont mot à dire, à quoi bon donc lui faire porter le chapeau pour ce qu’elle ne peut faire ?

Au plaisir


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