Et la suite de l’article censuré n’a plus été soumise par l’auteur à Agoravox mais à d’autres sites. Voici un extrait, qui me semble bien correspondre au présent débat :
http://blog.360.yahoo.com/blog-hemwnYcgbq_SQcISKczR?p=119
Nicolas Sarkozy, l’Etat et l’identité nationale (2)
Le 28 mars, à Lille, Nicolas Sarkozy a relancé la thématique de la nation avec un discours qui se veut contre la « pensée unique » et qui refuse « que l’identité nationale soit considérée comme un gros mot ». Ségolène Royal, que le candidat UMP accuse de « prendre le parti des émeutiers » à propos de l’incident de la Gare du Nord, a à son tour dénoncé le « populisme » de Sarkozy et réitéré sa promesse d’un « ordre juste ». François Bayrou attribue à une rivalité entre la « droite » et la « gauche » tous les maux du pays et qualifie la France de « peuple fort regroupé autour de valeurs ». Mais les trois candidats défendent la « construction européenne », qu’ils présentent comme allant de soi. Rien d’atypique, dans la pièce de théâtre électoral qu’on nous joue depuis des mois et qui, conformément à sa vocation, escamote les vrais problèmes. Qui rappellera que les nationalismes du XIX siècle ont été le produit de la montée de la bourgeoisie industrielle et financière, et que c’est en fonction des intérêts des milieux financiers et industriels qu’il convient d’analyser les grands nationalismes du capitalisme actuel ? Ces nationalismes sont en réalité européen et planétaire, si on entend par nationalisme la volonté de mettre en place un Etat au service d’une classe sociale, comme ce fut le cas jadis.
(...)
Au discours de Nicolas Sarkozy sur l’ « identité nationale », François Bayrou oppose une « identité européenne », tout aussi nationaliste, qu’en réalité ni le candidat UMP ni Ségolène Royal ne récusent. Dans le même numéro du Figaro, il est fait état d’une intervention de la candidate PS, où elle déclare notamment : « La France est notre patrie, l’Europe est notre nouvelle frontière ». L’article ironise sur une précédente déclaration de l’intéressée : « La Chine est notre nouvelle frontière ». Mais les deux appréciations sont compatibles si on entend par « Europe » l’ensemble des 46 pays du Conseil de l’Europe, Russie comprise. Avec un « marché de la main d’œuvre » de plus de 800 millions d’habitants et des salaires extrêmement bas dans un Etat comme la Russie, par exemple. Une « frontière » qui correspond aux intérêts de groupes financiers et multinationales, comme la tutelle européenne sur l’Afrique préconisée par François Bayrou. Quant à Nicolas Sarkozy, dont le discours de Lille a entre autres cherché à rassurer les « petits entrepreneurs » et une partie des industriels, il n’a jamais prétendu le contraire, à quelques nuances lobbistes près. Le lobby colonial « français » sait très bien qu’il ne pourra pas garder, seul, le contrôle de ses zones d’influence. Tels sont les enjeux réels, et la valse médiatique des « identités » qui les escamote relève du panem et circenses électoral.
A ce stade, la décence commande de rappeler la manière dont les populations de vastes zones de la planète, notamment en Afrique, ont été asservies par la force brute des canonnières au cours de la « grande expansion coloniale », dans des conditions incroyablement humiliantes et par des pratiques d’une violence et d’un racisme extrêmes. En témoigne le discours de Jules Ferry du 28 juillet 1885 devant la Chambre des Députés, dont voici un extrait tiré du site de l’Assemblée Nationale qui évoque un « grand moment d’éloquence parlementaire » :
[début de l’extrait du discours de Jules Ferry]
« (Jules Ferry) Messieurs, il y a un second point, un second ordre d’idées que je dois également aborder, le plus rapidement possible, croyez-le bien : c’est le côté humanitaire et civilisateur de la question.
Sur ce point, l’honorable M. Camille Pelletan raille beaucoup, avec l’esprit et la finesse qui lui sont propres ; il raille, il condamne, et il dit : Qu’est ce que c’est que cette civilisation qu’on impose à coups de canon ? Qu’est-ce sinon une autre forme de la barbarie ? Est-ce que ces populations de race inférieure n’ont pas autant de droits que vous ? Est-ce qu’elles ne sont pas maîtresses chez elles ? Est-ce qu’elles vous appellent ? Vous allez chez elles contre leur gré ; vous les violentez, mais vous ne les civilisez pas.
Voilà, messieurs, la thèse ; je n’hésite pas à dire que ce n’est pas de la politique, cela, ni de l’histoire : c’est de la métaphysique politique...(Ah ! ah ! à l’extrême gauche.)
Voix à gauche. Parfaitement !
M. Jules Ferry.... et je vous défie - permettez-moi de vous porter ce défi, mon honorable collègue, monsieur Pelletan -, de soutenir jusqu’au bout votre thèse, qui repose sur l’égalité, la liberté, l’indépendance des races inférieures. Vous ne la soutiendrez pas jusqu’au bout, car vous êtes, comme votre honorable collègue et ami M. Georges Perin, le partisan de l’expansion coloniale qui se fait par voie de trafic et de commerce.
[...]
Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures... (Rumeurs sur plusieurs bancs à l’extrême gauche.)
M. Jules Maigne. Oh ! vous osez dire cela dans le pays où ont été proclamés les droits de l’homme !
M. de Guilloutet. C’est la justification de l’esclavage et de la traite des nègres !
M. Jules Ferry. Si l’honorable M. Maigne a raison, si la déclaration des droits de l’homme a été écrite pour les noirs de l’Afrique équatoriale, alors de quel droit allez-vous leur imposer les échanges, les trafics ? Ils ne vous appellent pas ! (Interruptions à l’extrême gauche et à droite. - Très bien ! très bien ! sur divers bancs à gauche.)
M. Raoul Durai. Nous ne voulons pas les leur imposer ! C’est vous qui les leur imposez !
M. Jules Maigne. Proposer et imposer sont choses fort différentes !
M. Georges Perin. Vous ne pouvez pas cependant faire des échanges forcés !
M. Jules Ferry. Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures... (Marques d’approbation sur les mêmes bancs à gauche - Nouvelles interruptions à l’extrême gauche et à droite.)
M. Joseph Fabre. C’est excessif ! Vous aboutissez ainsi à l’abdication des principes de 1789 et de 1848... (Bruit), à la consécration de la loi de grâce remplaçant la loi de justice.
M. Vernhes. Alors les missionnaires ont aussi leur droit ! Ne leur reprochez donc pas d’en user ! (Bruit.)
M. le président. N’interrompez pas, monsieur Vernhes !
M. Jules Ferry. Je dis que les races supérieures...
M. Vernhes. Protégez les missionnaires, alors ! (Très bien ! à droite.)
Voix à gauche. N’interrompez donc pas !
M. Jules Ferry. Je dis que les races supérieures ont des devoirs...
M. Vernhes. Allons donc !
M. Jules Ferry. Ces devoirs, messieurs, ont été souvent méconnus dans l’histoire des siècles précédents, et certainement, quand les soldats et les explorateurs espagnols introduisaient l’esclavage dans l’Amérique centrale, ils n’accomplissaient pas leur devoir d’hommes de race supérieure. (Très bien ! très bien !) Mais, de nos jours, je soutiens que les nations européennes s’acquittent avec largeur, avec grandeur et honnêteté, de ce devoir supérieur de civilisation.
M. Paul Bert. La France l’a toujours fait !
M. Jules Ferry. Est-ce que vous pouvez nier, est-ce que quelqu’un peut nier qu’il y a plus de justice, plus d’ordre matériel et moral, plus d’équité, plus de vertus sociales dans l’Afrique du Nord depuis que la France a fait sa conquête ? Quand nous sommes allés à Alger pour détruire la piraterie, et assurer la liberté du commerce dans la Méditerranée, est-ce que nous faisions œuvre de forbans, de conquérants, de dévastateurs ? Est-il possible de nier que, dans l’Inde, et malgré les épisodes douloureux qui se rencontrent dans l’histoire de cette conquête, il y a aujourd’hui infiniment plus de justice, plus de lumière, d’ordre, de vertus publiques et privées depuis la conquête anglaise qu’auparavant ?
M. Clemenceau. C’est très douteux ! »
[fin de l’extrait du « grand moment d’éloquence parlementaire »]
La première constatation qui s’impose, à la lecture de ce débat hallucinant, est que les « théoriciens » de l’impérialisme protectionniste comme Jules Ferry ne brandissaient pas la théorie des « races supérieures » sur la base d’une quelconque conviction. Ils le faisaient sans trop d’égards et de la manière la plus cynique, parce qu’elle convenait aux intérêts des groupes financiers et des grands spéculateurs. Ferry avoue ouvertement que la raison d’être de son discours est, entre autres, de pouvoir « imposer les échanges, les trafics » aux « noirs de l’Afrique équatoriale ». Le reste relève de la pure mise en scène. L’ancien président du Conseil était sans doute bien conscient du caractère parfaitement antiscientifique de sa « théorie », mais il s’en fichait éperdument. C’est cela, la politique politicienne.
La deuxième évidence est celle de la capacité du « centre » pour faire passer les pires politiques, combines et manipulations au nom de la « raison », du « consensus », de la « bonne gestion », de l’ « entente nationale »... L’oligarchie financière de la fin du XIX siècle a confié la mise en œuvre de l’impérialisme protectionniste au « centre gauche » plutôt qu’aux libéraux, dont les réticences envers cette politique étaient bien connues, ou aux conservateurs, parmi lesquels militaient des propriétaires agricoles hostiles à toute politique de confrontation avec le client riche qu’était l’Allemagne. On ne peut pas sérieusement douter du bien-fondé de ce choix des milieux d’affaires, car personne d’autre n’aurait pu « placer » un discours comme celui de Jules Ferry du 28 juillet 1885.
Au point que, de nos jours, Jules Ferry passe pour un grand réformateur et on peut même lire son nom sur des banderoles syndicales. Mais ses réformes n’étaient-elles pas intéressées et conformes à la stratégie de l’oligarchie ? D’une part, pour garantir l’efficacité d’un appareil militaire et colonial qui ne pouvait pas fonctionner avec des illettrés. De l’autre, pour répandre un sentiment nationaliste propice à l’entreprise coloniale dans un premier temps et, à terme si nécessaire, à une nouvelle guerre avec l’Allemagne. Une guerre qui a bien fini par éclater en 1914.
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02/09 15:28 - Kamo31
Il existe une seule solution pour se sortir de tout cela : rendre l’Afrique aux africains (...)
02/09 10:38 - Gilles
02/09 10:29 - Gilles
« Les Noirs n’ont tous simplement pas de civilisation sur laquelle ils auraient pu (...)
29/08 23:22 - Antoine Diederick
pour savoir s’il y a « pillage » faut des chiffres...ensuite c’est quoi le Niger et (...)
29/08 23:15 - Antoine Diederick
d’accord, d’accord....mais les questions africaines ne sont pas aussi simples mme (...)
27/08 22:10 - Act
Antoine Diederick, Je suis désolé mais je n’ai pas tout compris à vos posts. Je vais (...)
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