@ Paul Villach
Le problème est le désir inconscient de chacun d’entre nous de vivre dans un monde parfait . Certes nous voulons tous que les fraudeurs fiscaux ou autres soient sanctionnés en fonction du préjudice qu’ils occasionnent à la société , mais nous voulons simultanément que les comportements honteux de délation anonyme qui avaient lieu sous l’occupation disparaîssent . Il est clair que ces deux objectifs sont mutuellement incompatibles : une France sans délation anonymes ( qui est souhaitable ) sera aussi une France avec plus de fraude fiscale , il y a fort à parier que personne n’osera faire une dénonciation signée , car chacun sait qu’il risque dans ce cas un procès en diffamation ou en dénonciation calomnieuse .
Un problème similaire se pose dans le domaine de la médecine , celui de la dénonciation , en principe obligatoire , de la suspicion de mauvais traitement à enfants . Chaque médecin sait bien que s’il fait ce genre de dénonciation , il risque très gros , c’est à dire un procès en violation du secret professionnel , un procès en diffamation ou en dénonciation calomnieuse , sans compter des sanctions ordinales . Le risque de ce genre de dénonciations est six mois d’interdiction d’exercice et environ 200 000 francs de dommages et intérêts ! Théoriquement il est censé exister une loi protégeant le médecin s’il dénonce une suspicion de mauvais traitements à enfants , mais en pratique , cette protection ne marche pas , je crois qu’une pédiatre s’est encore pris dernièrement trois ans d’interdiction d’exercice pour s’être trompée dans plusieurs signalements de mauvais traitements ( autrement dit , la faillite de son cabinet ) !
Fort heureusement , les cas de suspicions de mauvais traitements à enfants sont tellement rares ( 2 ou 3 cas non confirmés en vingt deux ans de carrière en ce qui me concerne ) que le problème ne se pose quasiment jamais . En cas de doute , on évite la dénonciation de mauvais traitements et ses risques dissuaifs de procès en hospitalisant l’enfant sous un faux prétexte et en passant un coup de fil explicatif au médecin hospitalier . ( L’immense majorité de ces supposés mauvais traitement sortent de l’imaginaire de femmes cherchant à avoir une garde exclusive lors d’un divorce , ou de belles-mères voulant se débarasser de leur gendre ! ). Il n’en reste pas moins que la peur de la dénonciation est peut-être à l’origine de la non-dénonciation d’un petit nombre de sévices cette fois-ci réels ...