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Accueil du site > Tribune Libre > La délation et le président Sarkozy : faire confiance à l’administration

La délation et le président Sarkozy : faire confiance à l’administration ou à la responsabilité de chacun ?

Pour avoir écrit récemment sur AGORAVOX un article intitulé, « France, patrie des droits... du délateur », comment ne pas applaudir le président Sarkozy quand, dans son discours devant le MEDEF à HEC en Jouy-en-Josas, jeudi 30 août 2007, il s’est écrié : « A quoi sert-il d’expliquer à nos enfants que Vichy, la collaboration, c’est une page sombre de notre histoire, et de tolérer des contrôles fiscaux sur une dénonciation anonyme, ou des enquêtes sur une dénonciation anonyme ? Si quelqu’un veut dénoncer, qu’il donne son nom et l’administration garantira son anonymat » ?

Sauf erreur, il est le premier président de la République à poser si ouvertement le problème de la délation dans notre démocratie. Cela mérite d’être salué.

Entretenir la confusion dans les esprits ?

À en juger par les réactions réservées voire négatives des milieux policiers et judiciaires dont Le Monde a fait état dans son édition du 1er septembre, on mesure à quel point la dénonciation est inscrite dans les mœurs de la société française. Commissaires et magistrats s’insurgent contre ce qu’ils perçoivent comme une menace pour l’élucidation des crimes et des délits : « Je ne vois pas comment on pourrait se passer de ce type d’informations, dans des affaires comme les stupéfiants, les affaires sexuelles, les violences dans les cités », déclare au Monde Patrice Ribero, secrétaire général adjoint du syndicat Synergie. « Si le seul objectif, c’est d’éviter la délation, c’est louable, renchérit un procureur, mais si c’est pour éviter que certaines affaires sortent, c’est plus embêtant. »
On voit bien comment la confusion est tout de suite entretenue dans les esprits sur un sujet aussi capital, à seule fin sans doute de défendre un statu quo qui fait de chaque Français un possible dénonciateur. Or quelle société de solidarité peut se construire sur un tel soupçon permanent de chacun à propos de chacun ?

Le rappel d’un principe et d’une expérience nationale tragique

De la réponse que l’on apporte à la question du rôle de la dénonciation dépend à l’évidence le type de société dans laquelle on veut vivre.
Le président de la République a le mérite de poser un principe et de rappeler une expérience nationale tragique : la dénonciation à tout va est le propre des sociétés totalitaires.
Même les enfants étaient appelés sous le régime nazi à dénoncer leurs propres parents. On embauchait sous Pétain pour traiter le flot de dénonciations qui se déversait chaque jour sur les bureaux de la Milice. Les polices politiques dans les pays de l’Est avaient des indicateurs partout : la Stasi en RDA était particulièrement performante. Mais dans des démocraties en crise, la dénonciation a aussi gangréné les relations sociales comme au temps du macarthysme aux USA ou au cours de la guerre anglo-irlandaise quand la recherche de l’information conduisait à infiltrer des agents au sein même des groupes ennemis ; un événement est venu récemment rappeler cette réalité : Denis Donaldson était un des amis de Bobby Sands, ce militant irlandais qui a mené en 1981 une grève de la faim mortelle avec ses compagnons sans pouvoir obtenir le statut de prisonnier politique revendiqué ; il a été retrouvé assassiné de plusieurs balles en avril 2006 ; il avait avoué, en décembre 2005, avoir travaillé pendant vingt ans pour les services secrets britanniques !

Un nécessaire encadrement de la dénonciation par la loi

Ceci dit, dans une démocratie, la lutte contre le crime ne peut se passer d’informations. La loi encadre précisément la dénonciation : elle en fait même un devoir au citoyen pour certains crimes particuliers avant comme après leur perpétration.
Seulement, chacun sait que ces dénonciations obligatoires représentent bien peu de chose dans l’immense prurit de délation qui démange tant d’ « honnêtes gens » et les poussent à saisir les autorités pour un oui ou pour un non. Un obscur inspecteur d’académie du Gard déclarait en novembre 2000 recevoir une « cinquantaine de dénonciations par semaine » ! Peut-on soutenir que ce sont toujours des sentiments estimables, civiques et moraux qui animent ces maniaques de la dénonciation ?
Ne faut-il donc pas cadrer ces initiatives qui peuvent nuire durablement à une personne ? On peut penser que l’expérience de « l’affaire Clearstream » où il a été dénoncé à tort, a fait toucher du doigt au président Sarkozy la malignité de ce système où tout le monde peut dire n’importe quoi sur tout le monde sans en assumer la responsabilité ? On ne croit finalement au bâton que quand on l’a reçu.

La sagesse de l’administration comme garantie ?

C’est pourquoi la solution que préconise le président Sarkozy paraît insuffisante. À l’en croire, il suffirait de faire confiance à l’administration dont la sagesse saurait faire le tri entre « le grain et l’ivraie », la bonne dénonciation et la délation calomnieuse. Outre que le délit de dénonciation calomnieuse est quasiment impossible à prouver grâce à la jurisprudence savamment restrictive concoctée par la Cour de cassation, peut-on être sûr que les autorités administratives chargées de cette discrimination entre les dénonciations ne seront jamais malveillantes ? L’expérience montre au contraire que ces dénonciations sont attendues comme pain bénit - quand elles ne sont pas suscitées - par des administrateurs qui ne tolèrent aucune opposition, et aujourd’hui, par temps de contre-pouvoirs démantelés, ils sont plus nombreux qu’on pense ! On imagine aisément ce qu’ils peuvent faire des dénonciations mettant en cause leurs amis et le traitement qu’ils réservent au contraire à celles qui dénigrent leurs ennemis.

La démolition secrète et concertée de la loi du 17 juillet 1978

Une règle avait donc été trouvée, il y a 29 ans, sous la présidence de V. Giscard d’Estaing, et on ne comprend pas qu’elle ait été abrogée, il y a 7 ans en catimini... par le gouvernement de la Gauche plurielle ! La loi du 17 juillet 1978 avait posé en principe dans son article 6 bis que tout document nominatif mettant en cause une personne par son nom lui était communicable de droit si elle en faisait la demande. Il s’agissait ni plus ni moins que de donner la possibilité à une personne dénoncée de pouvoir se défendre et au dénonciateur d’assumer la responsabilité de sa dénonciation. L’administration a très mal vécu cette loi, au point qu’on peut soutenir qu’elle a tout fait pour l’appliquer avec mauvaise grâce, voire en obtenir des modifications comme "l’anonymisation" du signataire de la dénonciation ou encore le droit... de perdre une lettre qu’elle ne voulait pas donner.
L’étape ultime de son combat pour l’opacité a été la loi du 12 avril 2000 dont on a décrit sur AGORAVOX tous les méfaits. Un nouvel article 6 a remplacé l’article 6 bis initial et a, par un jeu de mots, rendu impossible la transmission d’une lettre de dénonciation à sa victime, au motif que sa divulgation pourrait porter préjudice... au dénonciateur ! Il faut le faire ! Le sort de la victime préoccupe moins la loi française que celui de son éventuel agresseur !
Interrogés depuis sept ans sur ce scandale, tous les ténors politiques ou bien ont nié en chœur et en toute mauvaise foi la réalité des faits, ou bien l’ont approuvée chaudement.

La République sérénissime de Venise a fait régner la terreur dans la ville pendant des siècles par un réseau d’indicateurs omniprésents : une « Bocca di Leone » dans chaque quartier et au Palais des Doges était à disposition pour recueillir dans sa gueule grimaçante les billets de dénonciation attendus. On en était venu à faire durer le plus longtemps possible le Carnaval tant l’air de la délation était devenu irrespirable : sous les masques les langues pouvaient au moins un peu se délier. On voit encore aujourd’hui ces « Bocca di Leone » en se promenant dans Venise. Mais les touristes se soucient-ils de ce que signifient ces curieuses boîtes aux lettres en pierre ? (Voir la photo ci-contre)
Sans doute n’en voit-on pas dans les rues en France, mais la société française n’en accorde pas moins un régime favorable aux dénonciateurs puisqu’ils n’ont pas à craindre d’avoir à assumer la responsabilité du préjudice qu’ils peuvent causer à leur victime par leur dénonciation quand elle est calomnieuse.
Si le président Sarkozy veut montrer, comme il l’a dit devant le Medef, qu’il croit vraiment à la nécessaire éducation des citoyens en temps de paix civile pour que ne se revoie plus la frénésie de délation qui s’est emparée des Français sous le régime de Pétain, il n’a qu’une simple mesure à prendre : soumettre au Parlement l’abrogation du funeste article 6 de la loi du 12 avril 2000 et le rétablissement de l’article 6 bis originel de la loi du 17 juillet 1978. Ce sera la pierre de touche de sa volonté de réformer la société française en matière de délation.


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21 réactions à cet article    


  • Cédric 4 septembre 2007 12:47

    Les dénonciations sont inscrites dans le code pénal depuis bien longtemps et il appartient à l’administration de les traiter comme des informations. Quand cette information n’a aucun fondement alors il ne se passe rien. En clair, rien de bien nouveau depuis l’Ancien Régime, ce qui change réellement c’est la nature même du pouvoir.

    De ce constat, on peut comprendre pourquoi votre article est totalement biaisé et cherche à entretenir la confusion pour justifier la volonté de Sarkozy de protéger les milieux d’affaires dont il est très proche. Ce n’est pas le principe même de la dénonciation qui est dérangeant. Pour lutter contre la maffia en Italie par exemple, le principe de l’anonymat est même primordial. Pour pouvoir avoir connaissance des principaux scandales financiers de ces dernières années, c’est même une nécessité.

    Alors, vous avez beau jeu de rappeler le passé français, tous ces régimes dans l’histoire mondiale qui s’en servit pour mener ses politiques de répression politique ou raciales. Mais la très grande différence, celle dont vous ne parlez évidemment pas car cela pourrait faire tomber à plat votre démonstration, c’est que ces régimes sont tout sauf des démocraties. Vous avez beau jeu de faire croire qu’il s’agit de la main du pouvoir administratif, « les fonctionnaires, touts des salauds », en oubliant que ces fonctionnaires ne font qu’appliquer une politique qui n’est pas décidée par eux. C’était l’axe de défense d’un Papon et c’est en ce sens qu’il en était le plus gênant pour ses détracteurs parce qu’il renvoyait à une réalité. Cependant, heureusement, nous vivons aujourd’hui en démocratie. Il devient donc bien pratique de renvoyer les commentaires, en particulier des magistrats, à une réalité qui n’est plus la nôtre.

    Les propos de Nicolas Sarkozy ont sans aucun doute beaucoup plus à voir avec l’affaire Clearstream qu’avec une volonté d’éducation des masses ou de solidarité.


    • Paul Villach Paul Villach 4 septembre 2007 13:32

      Vous n’avez pas bien lu mon article. 1- Je parle aussi des démocraties qui ont connu des encouragements à la dénonciation. 2- Vous me prêtez des intentions que je n’ai pas. Où voyez-vous écrit - je vous cite - « Les fonctionnaires, tous des salauds » ? 3- Je souligne en revanche le danger d’une administration sans contre-pouvoir et les dérives qui en découlent 4- J’insiste sur la nécessaire responsabilité de chacun, seule barrière face aux excès. Encore faut-il que cette responsabilité puisse être effectivement mise en jeu. La loi du 12 avril 2000 l’interdit. Paul Villach


    • Cédric 4 septembre 2007 14:19

      1- Vous n’écrivez effectivement pas « les fonctionnaires tous des salauds », il suffit juste de le laisser penser quand vous commentez les réactions de certains syndicats qui rappellent l’utilité de ce genre de procédure en disant « On voit bien comment la confusion est tout de suite entretenue dans les esprits sur un sujet aussi capital, à seule fin sans doute de défendre un statu quo qui fait de chaque Français un possible dénonciateur ». La confusion, s’il en est, est plus dans votre esprit que dans le leur. Il ne s’agit pas de défendre un statu quo, ce qui renvoit au discours sur le conservatisme de la fonction publique (vous connaissez la suite de ce genre de discours), mais de rappeler certains faits. Je vous renvoie aussi à l’interview d’Eva Joly sur France-Info.

      2- Si les démocraties prennent soin de rééditer des encouragements à la dénonciation, c’est aussi parce que celle-ci connaît beaucoup de résistances dans et hors de l’appareil de l’Etat. Mais surtout vous oubliez une disposition pénale essentielle en droit français qui veut que tout citoyen ayant connaissance de faits délictueux est tenu d’en faire part au procureur de la République. Nous ne sommes là pas dans une option mais dans une obligation. Ceci, non pas pour assurer une moyen de contrôle sur les masses, mais dans l’objectif de la protection des victimes (mot à la mode s’il en est). Or si on comprend que M. Sarkozy veuille protéger par ailleurs les victimes de crimes sexuels, on comprend mal qu’il ne veuille plus faire de même pour les victimes de délits financiers. Pourtant ceux-ci peuvent conduire à des extrêmes et l’anonymat devient essentiel. Je vous renvoie pour cela au nombre de morts assez édifiant de l’affaire dite « des frégates de Taïwan ».

      3- Il est évident que l’appareil administratif sans contre pouvoir est un monstre inquiétant. Cependant, il y a un contre pouvoir qui est la loi elle-même. Pour condamner une personne, dénoncer ne suffit pas car il faut prouver. Une personne qui peut en parler avec une certaine autorité est Nicolas Sarkozy lui-même. Sujet d’une dénonciation calomnieuse, il est passé du statut de suspect à celui de victime et ce sont les calomniateurs qui sont aujourd’hui en position délicate.

      4- Il est quand même curieux que la volonté de mettre fin à cette pratique ne concerne que le milieux des affaires. Quid du reste ? Il semble que le voleur de pomme n’entre pas dans le cadre de ce retour à la vertu. Dans un pays où l’on prétend vouloir mettre en cause la responsabilité pénale des enfants ou des fous, on organise la protection des milieux financiers, on ne vient parler de morale qu’à partir du moment où l’on veut protéger ceux qui se présentent comme étant l’élite.


    • aurelien 4 septembre 2007 14:16

      Mettre au même niveau des contrôles fiscaux et le régime de Vichy, montre la dangerosité et l’inefficience d’esprit de la personne actuellement à la tête de l’état de français.

      Certaines de ses phrases relèvent véritablement de la psychiatrie : comment un être humain normalement constitué, et à la tête d’un état, peut-il comparer un régime de collaboration dont on connaît les aboutissants, avec des contrôles fiscaux ?

      Soit il s’agit de provocation malsaine, soit cette personne a un réel problème d’apprehension (understanding) de son environnement et de l’histoire.


      • Harald 4 septembre 2007 14:25

        Bah ! C’est l’un des trucs de Zarkozy : la rhétorique de l’amalgame.

        Ou bien celle du questionnement pour apporter ses réponses et donner l’impression d’un dialogue.

        Ce type se conduit comme l’avocat qu’il est tout simplement.


      • aurelien 4 septembre 2007 18:14

        Quand une personne dit une chose et son contraire comme le fait Nicolas Sarkozy, sans justification ni explication, comment avoir confiance en son programme politique et à sa manière de gouverner ?

        Un exemple : la fusion EDF-GDF en ce moment sur Agora Vox TV


      • aurelien 4 septembre 2007 18:18

        Dire une chose, et faire le contraire, pour être plus exact.

        On peut appeler cela de la tromperie, du mensonge, ou encore de l’abus de confiance à des fins électorales et politiciennes.


      • forum123 5 septembre 2007 07:02

        « Mettre au même niveau des contrôles fiscaux et le régime de Vichy ... » c’est la méthode SARKO, détourné l’attention avec ces amis médias avec des TROLL, pendant ce temps il fait son micmac par derrière comme avec la fusion EDF-GDF. A la messe du 20h EDF-GDF a droit à 3mn et le TROLL 20mn ...


      • tvargentine.com lerma 4 septembre 2007 14:18

        Oui,Nicolas Sarkozy a entièrement raison de dire ce qu’il a dit car le fonctionnement d’une administration de doit pas etre basé uniquement sur des lettres d’anonymes mais sur un travail des fonctionnaires sur le terrain.

        Les lettres anonymes c’est la porte ouverte à tous les délires et quand une administration vous écrase uniquement sur un dossier qui contient la lettre d’un corbeau,cela ressemble bien à du pétainisme.

        Oui,les lettres doivent etre signées et vérifiées par ceux qui les écrivent et NON ,l’administration ne doit pas travailler à partir d’un tel « document ».

        C’est une question de bon sens dans une démocratie qui se respecte et qui respectent ses citoyens.


        • at974 at974 4 septembre 2007 14:59

          Je suis d’accord. SARKOZY a encore raison sur ce point, comme BERLUSCONI avant lui en Italie. Peut-on laisser des délinquants en col blanc être inquiété quand ils apportent du travail aux francais.

          Oui, Il devrait y avoir un service de Fonctionnaires pour traquer les méchants.

          Au fait, quels fonctionnaires, SARKOZY n’en veut plus. Une Milice ? Un KGB ? Mais dans quel pays sommes-nous ?
          Pourquoi empécher des truands, même chefs d’entreprise d’être irresponsable ?
          Pourquoi empêcher de vieux entraineurs d’entraîner ?

          Que dit la Juge EVA JOLY : « Il me semble que les valeurs que dessine le président Sarkozy ne sont pas celles de la France que j’aime. Les méthodes qu’il suggère sont celles de M. Berlusconi. Pour moi, c’est un extraordinaire et étrange choix que de choisir de soutenir les délinquants contre les victimes » ou encore « Je ne comprends pas un pays qui responsabilise ses enfants et ses fous et irresponsabilise ses élites et cela me paraît une grave erreur et surtout une absence de compréhension de ce que veut dire la criminalité organisée et économique »


        • MagicBuster 4 septembre 2007 14:43

          Pas besoin d’envoyer de lettres pour dénoncer les mensonges et les trahisons de Nicolas Sarkozy ; ni d’ailleurs les délires de ces sbires sur Avox et ailleurs.

          TOUT LE MONDE LE SAIT, EN FRANCE, EN EUROPE, ET AUSSI DANS LE MONDE.


          • Alexeï 4 septembre 2007 14:52

            Cher Paul Villach, ton article démontre une fois de plus que les promesses ne concernent que ceux qui les croient. Je me rappelle de l’époque où Nicolas Sarkozy était minstre des finances. Invité de l’émission « 100 minutes pour convaincre », il s’était élevé contre les dénonciations anonymes qui inondaient ses services et qui étaient à l’origine de 99% des contrôles fiscaux. il s’était engagé à y remédier et avait solennellement (une fois de plus) évoqué la France des années sombres et dit à quel point ce passé l’écoeurait. Me fondant sur tes analyses, je lui ai envoyé un courriel ainsi qu’un courrier à son QG de campagne pour lui demander d’abroger la loi socialiste liberticide du 12 avril 2000 et de revenir à la loi Giscard de 1978 qui avait en effet posé en principe le droit d’accès du citoyen à tout document détenu par l’administration le mettant nommément en cause : ce n’était en somme qu’une application logique du simple respect des Droits de la Défense et des règles du débat contradictoire.

            Je lui demandais de se prononcer sur cette loi socialiste liberticide et d’indiquer s’il était favorable ou opposé à son maintien. La nécessité d’une réponse devait révéler son choix de société : d’un côté la société de la délation irresponsable et de la peur, de l’autre la société du débat contradictoire et de la responsabilité. Il ne m’a jamais répondu.

            Le tragique dans cette affaire, outre la versalitilité (j’ose me référer à la génétique) dont sont capables les politiques, est le larbinisme de nos concitoyens. Un enseignant d’un collège du Gard avait soulevé ce problème lors d’un conseil d’administration : le principal avait répondu qu’un texte écrit au présent injonctif était un texte descriptif. On touche là le fond du crétinisme.

            Chers citoyens, vous avez le système que la majorité d’entre vous mérite.

            Paul Villach, félicitations pour cette superbe photo de la bocca di leone (pardon : de l’une des bocche di leone).


            • Alexeï 4 septembre 2007 15:45

              Merci de m’avoir renseigné pour la photo : cette bocca di leone se trouve près de l’église des Gesuati : on peut donc se confesser après avoir pratiqué la délation et, pourquoi pas, rechercher l’absolution.

              Quittons un instant la Sérénissime pour aller voir ce qui se passe dans des contrées plus septentrionales : dans la Russie tsariste, nombreuses sont les caricatures montrant un pope se précipitant hors du confessionnal pour aller se confesser (oserait-on dire) au poste de police. Il existait un devoir de délation et l’Église exerçait une « police des âmes », phénomène inévitable puisque l’obéissance aux autorités faisait partie des obligations religieuses.

              Aussi, quand le président de la République, rompant avec les pratiques de ses prédécesseurs, se mèle de religion...


              • ocean 4 septembre 2007 16:17

                bravo et merci paul de cette réflexion et d’ouvrir la fenêtre à un peu d’air frais, merci et merci, ça fait du bien.

                il me semble que vos contradicteurs ne pourront guère faire autre chose que déclencher une fois encore le réflexe pavlovien de juger le propos (pas le vôtre, celui du président) non pas sur son contenu mais sur son auteur, qui n’étant qu’un humain, ne saurait être qu’un calculateur cynique, et la boucle est bouclée...

                je suis toujours surpris de voir comment la gauche ne voit pas les impossibles écartèlements où l’ont conduite son intellectualisme et l’établissement de l’oxymore en alpha et oméga de l’analyse socio-politique (fidélité plurielle, prise de position duelle, etc).

                car c’est bien de celà qu’il s’agit, et dont nous avons tant de mal à nous remettre : délation citoyenne ! (et rigueur facile, et plus pour moins, et libéralisme d’état, etc)

                je me suis trouvé autrefois en position extrêmement difficile, en pleine folie anti-pédophilique, lors d’un divorce où ma chère moitié a sollicité auprès d’une amie complaisante un « témoignage » anonyme adressé à la DDASS sur une imaginaire maltraitance de ma ma part envers mes enfants, qui m’a valu des difficultés que vous n’imaginez pas. Quelle arrogance honteuse chez les minables « assistantes sociales » qu’il m’a fallu voir en face de moi !

                l’interdiction de se faire justice soi-même est une bonne interdiction, mais elle n’a de sens que si justice est faite par une instance supérieure.

                ce qui passe au-dessus de toute considération, c’est que justice DOIT être faite.

                en l’occurrence, l’abdication institutionnelle ne me laisse pas le choix : j’ai juré, et je jure encore solennellement, dix ans après, que si je retrouve cette « collaboratrice », justice sera faite. Et j’ai tout mon temps.

                merci également de dire « le président Sarkozy ». Les « Ségo », « Ségolène », « Sarko » sont un irrespect insupportable chez des gens qui ne supporteraient pas pour eux le dixième de cette incorrection.

                nous sommes toujours sur le même sujet : le respect d’autrui.

                je ne saurais trop recommander l’excellent « la société de confiance » de Peyrefitte (Odile Jacob)


                • LE CHAT LE CHAT 4 septembre 2007 16:48

                  les dénonciations donnent une excuse à l’état pour éviter d’embaucher du personnel, par exemple des inspecteurs du travail qui sont trop peu nombreux pour assurer ce service .Et pourtant y’en aurait du blé à récupérer si tous les patrons ripoux étaient dénoncés , les trous des différentes caisses seraient bouchés , mais c’est pas dans l’air du temps smiley http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=28631


                  • cher Paul VILLACH Merci pour une traduction de l’inscription des bocce de leone et bravo pour l’article. Un petit complément issu du code de Procédure Pénale : Les Officiers de Police Judiciaire reçoivent les plaintes et dénonciations. Ils sont tenus, au titre du secret professionnel, si le dénonciateur le demande de protéger son anonymat. La formule la plus célèbre est : « une personne digne de foi, connue de nous et désirant garder l’anonymat » On trouve même trace dans des décisions de cassation confirmant la validité de ce secret ...comme celui de la confession


                    • docdory docdory 4 septembre 2007 19:18

                      @ Paul Villach

                      Le problème est le désir inconscient de chacun d’entre nous de vivre dans un monde parfait . Certes nous voulons tous que les fraudeurs fiscaux ou autres soient sanctionnés en fonction du préjudice qu’ils occasionnent à la société , mais nous voulons simultanément que les comportements honteux de délation anonyme qui avaient lieu sous l’occupation disparaîssent . Il est clair que ces deux objectifs sont mutuellement incompatibles : une France sans délation anonymes ( qui est souhaitable ) sera aussi une France avec plus de fraude fiscale , il y a fort à parier que personne n’osera faire une dénonciation signée , car chacun sait qu’il risque dans ce cas un procès en diffamation ou en dénonciation calomnieuse .

                      Un problème similaire se pose dans le domaine de la médecine , celui de la dénonciation , en principe obligatoire , de la suspicion de mauvais traitement à enfants . Chaque médecin sait bien que s’il fait ce genre de dénonciation , il risque très gros , c’est à dire un procès en violation du secret professionnel , un procès en diffamation ou en dénonciation calomnieuse , sans compter des sanctions ordinales . Le risque de ce genre de dénonciations est six mois d’interdiction d’exercice et environ 200 000 francs de dommages et intérêts ! Théoriquement il est censé exister une loi protégeant le médecin s’il dénonce une suspicion de mauvais traitements à enfants , mais en pratique , cette protection ne marche pas , je crois qu’une pédiatre s’est encore pris dernièrement trois ans d’interdiction d’exercice pour s’être trompée dans plusieurs signalements de mauvais traitements ( autrement dit , la faillite de son cabinet ) !

                      Fort heureusement , les cas de suspicions de mauvais traitements à enfants sont tellement rares ( 2 ou 3 cas non confirmés en vingt deux ans de carrière en ce qui me concerne ) que le problème ne se pose quasiment jamais . En cas de doute , on évite la dénonciation de mauvais traitements et ses risques dissuaifs de procès en hospitalisant l’enfant sous un faux prétexte et en passant un coup de fil explicatif au médecin hospitalier . ( L’immense majorité de ces supposés mauvais traitement sortent de l’imaginaire de femmes cherchant à avoir une garde exclusive lors d’un divorce , ou de belles-mères voulant se débarasser de leur gendre ! ). Il n’en reste pas moins que la peur de la dénonciation est peut-être à l’origine de la non-dénonciation d’un petit nombre de sévices cette fois-ci réels ...


                      • Paul Villach Paul Villach 4 septembre 2007 19:23

                        Merci d’éclairer le débat à la lumière de votre expérience médicale.Très cordialement, Paul Villach.


                      • moebius 5 septembre 2007 01:34

                        ..Donc Monsieur Sarkosy devant le MEDEF demande ou plutot envoie un signe comme quoi se serait souhaitable que l’administration diminue sa pression sur les entreprises. Ces dénonciations sont dignes de Vichy. D’autre signes sont envoyés par le président et qui vont grosso modo tous dans le sens. Cet ensemble constitue un discours ou le président fait acte d’allégeance au MEDEF en utilisant des themes récurrent de la droite pavlovienne la plus pure qui soit. Ce qu’apparemment tout le monde a compris sur ce fil, sarkosiens et anti sarkosiens compris. La fine fleur du patronnat applaudit, c’est un momemt historique, ils se sont compris


                        • forum123 5 septembre 2007 07:13

                          M SARKO renvoit l’ascenceur à ceux qui l’ont fait, à savoir :

                          - Le milieu affairiste : smig+2%, visite MEDEF ...
                          - les pro USA-Israel : écran fumée Darfour, Bush, ONU en IRAK
                          - Médias : lois p2p ...

                          Evidemment les trois sont souvent associés !


                        • Tiffy 6 septembre 2007 11:08

                          Interdire la dénonciation anonyme, pourquoi pas ? Mais peut-on réellement garantir le secret sur l’idendité du dénonciateur (car dans certains cas, la dénonciation peut mettre en danger la personne) ? Les nombreuses fuites en provenance de la police ou de la justice, qui font les choux gras de la presse, n’incitent pas à la confiance...

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