Malgré la qualité de cet article, je déplore que les débats relatifs aux troubles alimentaires demeurent encore et toujours cloitrés au pied des podiums de mode.
Si les médias, en relayant les silhouettes squelletiques des mannequins, participent sans aucun doute à façonner ce que devrait être un prétendu « idéal corporel féminin », ces mêmes médias participent également à véhiculer une fausse idée de ces maladies. Pour faire simple, l’anorexique et/ou la boulimique ne serait, à les entendre, qu’une victime de la mode et de la coercition sociale qui imposerait à toutes femelles d’avoir un indice de masse corporel si possible en deça de 16. Je ne nie nullement les effets dévasteurs de l’industrie de la mode sur certaines jeunes filles. Mais réduire les troubles alimentaires de milliers de jeunes filles à cette unique cause est beaucoup trop simpliste... (voire erroné ?). La volonté de contrôle de soi, de refus de grandir, de sublimation de l’intellect en déniant son enveloppe charnelle, ou, pour simplifier, de problèmes psychologiques multiples, sont beaucoup plus souvent à l’origine de ces maux.
La campagne de pub de Toscani part probablement d’une noble et juste intention. Mais si cette dernière est de mettre en garde la gente féminine contre les effets de l’anorexie, alors, force est de constater que le photographe râte son coup. Dans nos sociétés de l’image, où nous sommes chaque jour confrontés à des photos et vidéos plus glauques et dégueulasses les unes que les autres, cette photo ne sera (malheureusement !!!) tout au plus qu’une source d’éphémére compassion. Cette photo, repoussante parmi tant d’autres, ne fait guère évoluer les mentalités, pas plus qu’elle ne pointe les réalités cachées inhérentes aux troubles alimentaires. Montrer un corps décharné pour mettre en garde contre l’anorexie ? Celà aura autant d’impacts, je le crains (et cet avis n’engage que moi) que de montrer un corps au bout d’une corde pour prévenir que le suicide, ça peut être dangereux !
Ce corps décharné ne reflète en rien le caractère douloureux de la vie au quotidien des anors et des boulimiques. Cette image masque les troubles psycologiques sous jacents. Et finalement, plutôt que de changer de registre (la mode, toujours la mode, encore la mode ! N’est ce donc jamais venu à l’esprit que les anors ne sont pas toutes des fashion victims ?), que de générer une vague à la limite du voyeurisme malsain et de donner du grain à moudre aux pro anas, quitte à faite dans le papier glacé, Toscani aurait mieux fait de photographier une jeune fille la sonde dans l’estomac ou une boulimique baignant dans sa gerbe ! Car, CA, c’est la triste réalité de milliers de jeunes filles, pas d’une minorité déambulant sur les podiums.