J’apprécie que cet article suscite des commentaires assez contrastés entre ceux qui trouvent que les pays en voie de développement sont presque par « fatalité » (géographique, mentalités, aptitudes, etc.) incapables de s’en sortir et les autres. Je doute sincèrement être en mesure de convaincre les premiers, tellement leur opinion semble être ancré en eux. Ils sont malheureusement nombreux et cela avait donné en son temps un mouvement, le « cartiérisme » du nom de Jacques Cartier qui avait lancé le slogan « la Corrèze avant le Zambèze », trouvant la rime en « èze » appropriée. Je crois qu’il faut être clair : il faut maintenant que l’aide au développement puisse amorcer un processus de développement économique rapide et durable dans les pays en voie de développement. Le fait qu’on soit aujourd’hui en mesure de faire la distinction entre les pays qui sont entrain de se tirer d’affaire comme le Brésil, l’Amérique du Sud en général ou encore le sud-est asiatique est déjà significatif qu’il est possible de s’en sortir. Reste maintenant l’Afrique subsaharienne où rien ne semble bouger et où la plupart des pays semblent truster les dernières places à l’IDH (Indice de Développement Humain publié chaque année par le PNUD. Le fait que le périmètre des pays à aider se soit restreint ces dix dernières années est donc largement positif. Comment faire pour le dernier carré des « irréductibles » s’en sorte aussi. Des pistes existent mais ce que j’ai souligné c’est la nécessité d’un changement d’échelle dans l’aide au développement. Essayer de relever une locomotive de TGV sortie des voies avec un cric de voiture relève de l’utopie. Or c’est ce qui a été fait jusqu’à présent dans l’aide au développement. Les volumes ont toujours été trop faibles par rapport aux besoins. En plus, on imagine mal l’euphorie qui a sans doute gagné les nouveaux dirigeants africains aux lendemains des indépendances lorsqu’ils se sont trouvés à la tête de leurs pays. Que des erreurs aient été commises, soit. Ne fait-on pas un peu de même quand on fait des cadeaux de 15 milliards d’€ aux contribuables au lendemain d’une élection présidentielle âprement gagnée ? Traiter les pays en voie de développement en égaux, pourquoi pas ? Mais ne faut-il pas de l’inégalité pour aller vers plus d’égalité ?
Au-delà de cette réflexion à caractère général et humaniste, l’Europe, le monde développé peuvent-ils se passer de l’Afrique subsaharienne et laisser les pays se débrouiller par eux-mêmes ? La tentation est grande de répondre oui, « il ne faut plus rien faire » tellement les résultats obtenus jusqu’à présent peuvent être décevants sur la plupart des indicateurs. Je conviens que le spectacle que nous offrent la plupart des dirigeants africains n’est pas des plus encourageants sur le plan du respect des autres et de la démocratie. Mais faut-il condamner un peuple au nom de ses dirigeants ? Non, bien sûr. Or, c’est bien le développement et l’amélioration des conditions de vies des populations qui sont en jeu. En réalité, ce serait « se tirer une balle dans le pied », pour nous français, pour nous européens que de vouloir se retirer de l’aide au développement, en particulier au profit des pays de l’Afrique subsaharienne. Quand les européens désertent un pays pour cause de déficit démocratique, les dirigeants africains sont tentés de répondre aux sollicitations d’aides d’autres pourvoyeurs de fonds : la Chine, l’Inde qui sont à la recherche de matières premières exploitées le plus souvent en dehors de normes respectueuses de l’environnement, les capitaux islamiques « présentables » comme ceux de la Banque Islamique de Développement dont le siège est à Jeddah en Arabie Saoudite ou ceux qui le sont moins et enfin, last but not least (en dernier mais pas des moindres) les capitaux de l’argent de la drogue dont l’objectif est de voir des « narco-états » qui seraient à leur solde.
Je sais que ce tableau peut être qualifié de caricatural et que nous avons les moyens de tenir à distance des pays qui sortiraient du « droit chemin » ou du moins celui que nous qualifions comme tel mais finalement sommes nous prêts à avoir à notre porte des pays avec lesquels nous avons des liens étroits et dont nous abritons de nombreux ressortissants qui auraient une éthique de vie radicalement différente de la nôtre ? Je pense que non et c’est pourquoi sans aller jusqu’à faire du néo colonialisme, l’aide que nous apportons est là pour construire des modèles de développement (santé, travail, argent) qui nous ont pas mal réussi, à nous européens. Penser que les Africains aiment par définition vivre dans des huttes et manger des racines puisque c’est comme ça que vivaient leurs ancêtres relève du cliché éculé ou du « mythe du bon sauvage » de Pascal. Non, et certains peuvent peut-être le regretter, il n’y a pas tellement d’autres solutions pour les pays en voie de développement que de passer par un développement et un modèle de consommation largement semblable au nôtre. C’est donc par un accroissement très important des volumes de l’aide au développement qu’il faut passer et surtout en inscrivant cette aide dans la durée pour que les choses avancent significativement et durablement. La croissance urbaine dans les pays d’Afrique subsaharienne avance très rapidement et les villes sont invivables. A titre d’exemple de cette « mal-urbanisation » on peut parler de ces petites motos qui ont envahi toutes les grandes villes des côtes africaines qui polluent allégrement beaucoup plus que des transports en commun que ces villes ne peuvent se payer (pas de bus et pas de voirie nécessaire pour les accueillir et aussi pour faire vivre tous les chauffeurs de ces motos qui trouvent ainsi un moyen de gagner leur vie, faute d’emploi plus rémunérateur). Or la lutte contre le changement climatique, et des villes propres aussi en Afrique en fait partie, n’est pas une bataille qui peut se gagner uniquement à la limite de nos frontières, françaises ou européennes, elle est mondiale et nous devrons coûte que coûte la gagner au risque de sombrer complètement.
C’est là que le mot « solidarité » intervient. On aimerait que cette solidarité soit désintéressée et relève de simple adhésion. Or elle nous devient indispensable. Ne serait-ce déjà plus de la solidarité dès lors que nous aurions un intérêt ? Non, deux morceaux de bois solidaires sont bien deux morceaux de bois qui sont unis. Nous c’est la même chose, nous sommes unis, nous sommes solidaires avec ce continent africain et nous avons des intérêts mutuels et réciproques, c’est une opération « gagnant-gagnant » que nous devons faire. Quant à continuer à craindre qu’avec une telle vision on puisse nous qualifier de colonialistes, c’est hors du champ d’une pensée rationnelle tellement le colonialisme avait une pratique que plus personne ne saurait accepter aujourd’hui et d’abord les pays aidés eux-mêmes qui savent parfaitement mettre des limites là où elles doivent se trouver quand on veut les aider. Le débat se poursuit.
05/10 17:58 - Jean-Michel B.
Je ne voudrais pas que le dialogue se circoncrive à mes réponses à ACT car je me rends compte (...)
05/10 11:05 - Act
Chems, je ne suis pas militant de Survie, juste admiratif de personnalités comme F-X Verschave (...)
04/10 23:21 - Chems
Je suis un peu surprise de la virulence avec laquelle les militants de Survie (ou plutôt le (...)
04/10 15:04 - Act
« La faute vient-elle de ceux et celles qui l’ont apportée, y compris au concret ou de (...)
04/10 13:50 - Jean-Michel B.
Cher Ami, Pour séduisant, votre discours, l’est : on paye les richesses africaines à (...)
04/10 13:46 - Jean-Michel B.
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