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Commentaire de ddacoudre

sur « J'ai goûté à l'insouciance et la violence de la rue... »


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ddacoudre ddacoudre 19 novembre 2007 22:57

bonjour tsé

belle fraicheur que cet article, gardes en le souvenir pour les jours plus tristes de l’école du journalisme.

cadeau.

LE DÉSERTEUR.

Je suis en haillons, comme l’est tout mon être, ma peau, mon âme. Trente ans, que je m’use à tenir tête au monde, par stupidité, ou par orgueil, alors que je sais, que j’ai eu tors, que j’ai fait fausse route.

Au départ d’une route où se déroule la fausse route pavée de déroute Il n’est jamais écrit ou s’arrête le doute.

Pourquoi continuer, ne pas m’arrêter là, au bord de cette route, m’allonger, attendre et attendre, m’étendre dans ce fossé fossoyeur de faux besoins devenus inutiles de gens qui passent à pied ou en voiture. Je me jette je me fossoie.

D’où elle vient, où elle va, je ne réponds plus à cette question, je ne me pose plus, depuis quand, je ne serais y répondre tellement les ans se sont mis à fondre. Je ne vis plus j’erre, j’erre d’une route à l’autre, toutes ouvertes et fermées à la fois, suivant, si au aboi, je veux aller dans la ville où dans les bois.

Vos papiers s’il vous plaît, j’en ai pas, pourquoi, je suis libre, vous n’entrez pas, vous ne restez pas, fondez-vous au paysage, ne tachez pas de semelles d’errances la bitumineuse espérance, pour les va nus pieds l’espace est en fossé.

Les routes ouvertes sont les plus nombreuses, mais les plus ardues, personne ne les a tracées, elles se déplient sous vos pas, et la nature vous offre toujours un laissé passé, une pince pour couper les barbelés, une amnésie pour oublier propriété privé.

Aussi belles soient-elles, les autres ont perpétuellement leurs extrémités murées par des haies inquisitrices de galons irisés. D’uniformes chamarrés le plus souvent avec un ensemble de couleur « poliçarmé », quand ce n’est pas des chiffons bigarrés de teintes contre révolutionnaires libérant la liberté révolutionnaire en pompes funèbres.

Seul, circulent sur ces routes les bouts de papiers portant une photo estampé d’un idéogramme, la trace d’un pouce ancré à son port d’encrage où sise ici sa destinée. Sans eux, pas de monde libre à moins de disposer d’élites vert de gris sur du papier aux teintes cramoisies.

Un jour, je les ai jetés pour m’affranchir de leur tutelle comme l’on s’émancipe d’une novelle, tel un acte libérateur ajouté par chaque successeur au code du précédant détenteur. Ils sont devenus ma chaîne, tout comme ils sont celle des hommes empressés de presser en papier leur photo et leurs idées pour s’y enchaîner.

Qui sont ces hommes, qui ne savent plus qui ils sont, qui ne se reconnaissent pas sans écrit les citant nommément, et s’échangeant ahurie des effigies d’hommes érudit auxquels ils n’ont pas demandé leur avis. Certification d’un label d’élevage pour retrouver ses morceaux de barbaque en simple victuaille dans un champ de bataille de luttes barbares.

Je modifierai la constitution en ce sens, les hommes naissent libre, égaux et sans papier.

D’une route ardue à l’autre, j’ai rencontré les autres, mes égaux, passant sans me voir. Bonjour bonsoir c’est un clin d’œil de coté que l’on a vite fait de détourner.

On ne regarde pas un errant, on l’observe du coin de l’œil comme une anomalie qui aurait surgi. Là, une tache dans un quotidien planifié, un grain de sable à balayer, un grain qu’on époussette plus loin, un « homomobile » dont on a nul besoin, un traîneur de guêtres, un faiseur de rien, un passe ruelle, un glisse venelle, un squatteur de tonnelle, tantôt jardinois ou pontagois.

Pourtant à vingt ans ces routes étaient des Eldorados, elles conduisaient à des rêves, aux rêves de Tínos à Vólos, aux rêves en couleurs. Celles du bonheur implanté au fond des yeux curieux, auxquels, tout est bleu que ce soit l’eau de pluie ou des nuages gris.

Mais rien n’était comme dans les magasines illustrés, trop longues les heures passées la main tendue, trop rares les nuits étoilées, peu bleus les mers à fond de cale.

Je suis fatigué, mes pieds ont des sabots, ma tête une crinière, et ma peau des écailles.

Dans l’arène je suis la bête qu’on hèle, l’être étrange du cirque « papiertesque », le fouettard des temps sans temps, « l’effrayeur » des places piétonnières.

J’ai vécu sans temps, pouvant tout remettre à un demain, d’un jour, d’un mois, d’un an. J’étais maître et esclave à la fois, maître de mon esclave liberté, et esclave de ma liberté prisonnière de sans papier.

Ai-je vraiment était libre une fois, n’ai-je pas poursuivi un mythe. J’avais lu la liberté n’a pas de frontières, pourtant elle commence toujours au regard des autres et se termine toujours au bout de leurs doigts armés.

Je suis triste. Triste de pleurer sur mon sort. Triste de l’âge qui me fatigue, qui me pousse à m’apitoyer, à oublier les lieux où, seul je voyageais dans des immensités de verdure, de sable brûlant, de cime enneigée, jouissant de me sentir le maître de la terre. J’en oubliais toutes les couches aimantes, les portes accueillantes, les milliers de soleils rouges. J’en oublié tous ces blancs aux creux des mains noires, tous ces pas peint en jaune ridées, toutes ces teintes bariolées d’inde où être pauvre n’est pas un péché.

Lèves-toi trimardeur, tu as choisi de déserter le monde, ne déserte pas ta vie. Il en sera toujours temps, car où que tu poses le pied tu es sans fin au bout de ta route.

cordialement.


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