Effectivement, la société a un rôle très important dès le plus jeune âge sur la formation des comportements de violence : l’environnement familial, scolaire, le lieu de vie, tout cela influe sur les jeunes enfants.
La compartimentation des élèves dans des classes d’âges, sans aucun lien entre eux, la comparaison entre les élèves comme mode de fonctionnement de la motivation, la compétition résultant de l’imitation et de la hiérarchisation des élèves entre eux selon leurs notes scolaires, les systèmes de notation eux-mêmes, tout cela ne favorise pas le développement des personnes, mais l’acceptation très jeune d’un conformisme normalisateur, dont beaucoup d’éducateurs se font le relais, n’ayant pas été éduqués à voir en eux-mêmes les conséquences et les implications de leur propre éducation et propre parcours personnel.
C’est cette tendance à la normalisation mais aussi à la communautarisation (effet inverse) qui poussent les individus à grandir psychologiquement dans la division et dans le conflit, entre groupes, entre personnes, mais aussi entre l’individu et la société dans son ensemble. Le culte de l’individualisme participe de cette éducation et est l’un des moteurs du conformisme : la réussite personnelle, associée à la compétition, se retrouve à toutes les échelles de la société, dont la "morale" établit l’existence de gagnants et de perdants, de riches et de pauvres, de travailleurs, et de rentiers...etc Mais c’est au niveau psychologique que la violence prend sa source, dans le déni de l’autre, par l’établissement de rôles sociaux, et d’images associées selon des standards véhiculés par des médias centralisateurs et créateurs d’une certain perception du monde et du quotidien. L’être humain est évacué au profit d’une certaine catégorisation sociale, et la souffrance engendrée par cette surimpression de la société sur l’humain trouve compensation et résolution parmi d’autres lieux de création d’images que sont les cabinets de soins. Vous n’êtes plus alors boulanger ou maçon, architecte ou ingénieur, mais patient sous l’autorité d’un autre masque social : le psychologue ou le psychiatre. Ou alors vous pouvez vous rendre à l’église et vous retrouvez d’autres images encore plus prégnantes, conditionnantes et moralisatrices. La violence prend sa source dans la formation des images et elle fait partie intégrante de la société, car la société est créatrice d’images et ne vit que dans l’image. Pas seulement l’image médiatique, publicitaire, mais l’image sociale et celle que nous formons de nous-même dès nos premiers pas dans la vie. L’image du moi et de ce qui n’est pas moi, la séparation entre le moi et l’autre, par l’identification et l’adhésion à des dogmes de pensée, des croyances, des philosophies, des idéologies... Lorsqu’il y a image consciente d’une identité, il y a violence, et lorsque nous cultivons une identité, nous cultivons la violence. Aussi, la violence n’est pas quelque chose d’extérieur à soi, existant uniquement dans la société, elle se situe dans les mécanismes même faisant de nous des individus vivant dans cette société. Aussi l’histoire de la violence, c’est notre propre histoire à chacun d’entre nous, et en même temps celle de la société et de l’humanité toute entière.